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Séisme Mila août 2020- Opinion Boudaoud

Date de création: 09-08-2020 18:28
Dernière mise à jour: 09-08-2020 18:28
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HABITAT- OPINIONS ET POINTS DE VUE- SÉISME MILA  AOÛT 2020- OPINON BOUDAOUD

 

Abdelhamid Boudaoud. Président du Collège national des experts architectes (CNEA) : «Nous n’avons pas appris les leçons des différentes catastrophes»

 

 © El waTAN- Nabila Amir, dimanche 09 AOÛT 2020

 – Un tremblement de terre d’une magnitude de 4,9 sur l’échelle de Richter a secoué la ville de Mila et provoqué d’énormes dégâts. Des fissures dans des maisons et sur des routes. Un immeuble de 5 étages s’est écroulé… Est-ce que les normes de construction antisismique sont respectées aujourd’hui en Algérie ?

Non, pas du tout ! La plupart des Algériens ne respectent pas les lois. Nous avons pourtant des critères qui couvrent tout le territoire national en matière de règles de construction, mais les gens ne respectent pas ces normes dès lors qu’ils n’ont pas la culture de la construction.

Rares sont les Algériens qui respectent les normes de construction de manière générale et antisismique particulièrement. La majorité n’ont pas une idée de la construction, ils croient qu’avec leur argent, ils peuvent construire ce qu’ils veulent et faire comme ils veulent.

Certes, les constructeurs font appel aux architectes pour avoir une étude et un plan comme l’exige la loi. Seulement, une fois l’avis de l’architecte exprimé en bonne et due forme et le permis de construction tant attendu livré, le constructeur tourne le dos à l’architecte.

Il ne consulte plus jamais et se rabat uniquement sur l’entreprise. Pourquoi ? Parce qu’en Algérie nous n’avons pas d’entreprises balises. Donc le constructeur donne des directives à l’entreprise et modifie comme bon lui semble le plan initial approuvé par l’architecte.

Ce qui s’est passé à Mila est un exemple concret. Une bâtisse de cinq étages qui s’écroule comme un château de cartes. Il est évident que le propriétaire n’a pas respecté les règles le plus élémentaires.

Sinon, pourquoi l’immeuble d’à côté n’a pas subi de dégât ? Pire, il y a le barrage de Beni Haroun, qui présente des fissures depuis sa construction et, si par malheur, il est touché par d’autres plus grandes, ce sera l’hécatombe !

– Mais où est l’Etat dans tout ça ? Qui a les prérogatives pour contrôler ces constructions ?

Lorsque vous avez des incompétents à la tête des Assemblées communales, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il y ait un contrôle rigoureux et un suivi.

Certes, les règles antisismiques ne sont pas respectées, alors qu’il y a effectivement la loi 04/05 qui dit que pour toute construction il faut qu’il y ait un ingénieur qui supervise et dirige les travaux. La loi dit aussi que le président d’APC est souverain dans sa commune, et il est la colonne vertébrale de la République.

C’est à lui que revient la mission de vérifier et de contrôler si les constructions dans sa commune répondent aux normes édictées par la loi ou pas. Donc, en plus de l’absence de la culture de la construction, il y a aussi l’absence de contrôle.

La loi 90/29 dans son article 73 dit que le président d’APC, le wali ou le technicien de l’APC ou de la wilaya demandent systématiquement les plans pour voir si le constructeur respecte les normes de construction conformément aux lois.

Il y a aussi la loi 04/05 qui stipule que le président et le technicien de l’APC doivent observer la même démarche, mais ces articles n’ont jamais été respectés.

D’ailleurs, c’est pour cela que l’on se retrouve aujourd’hui avec 2 200 000 constructions inachevées et illicites. Selon la loi, le président d’APC est le souverain dans sa commune. Dans tous les pays qui se respectent, avant l’entame d’une construction, le maire donne son avis sur celle-ci.

Chez nous, le président d’APC ne connaît rien au mode de construction, d’où toute la problématique ! Pourquoi ?

Parce qu’en Algérie, on élit les présidents d’APC qui arrangent «certains clans». Mieux, chez nous, nous n’avons jamais vu un député faire de remarque dans ce sens au président d’APC.

Pour le Collège national des architectes, nous espérons que dans la nouvelle République, le directeur technique de l’APC soit nommé par le ministère de l’Habitat à qui il doit obligatoirement rendre des comptes, comme c’est le cas pour le receveur qui s’occupe des recettes des contributions, qui est nommé par le ministère des Finances et qui ne risque pas de commettre des infractions, du moment qu’il rend systématiquement des comptes à sa tutelle.

– Selon vous, nous n’avons pas appris les leçons des différentes expériences ?

Non, malheureusement. Chacun fait ce qu’il veut. La loi est bafouée au vu et au su de tout le monde. La République pond des lois qui ne sont pas respectées. L’architecte respecte convenablement les lois, mais les constructions ou les réalisations sont faites de manière anarchique.

Dernièrement, le président de la République a fait appel à certains directeurs pour mener des enquêtes sur les 200 logements de Aïn Sefra, qui présentaient des malfaçons.

Si ces constructions avaient été réalisées suivant un contrat et s’il y avait eu un suivi et un contrôle de la construction, il n’y aurait pas eu toutes ces anomalies. Je vous révèle qu’en Algérie, presque toutes les constructions ne répondent pas aux normes.

La grande université de Bab Ezzouar a été construite sans permis de construire, ni acte ni conformité. Tous les hôpitaux, tous les lycées et établissements scolaires, toutes les universités n’ont ni acte ni conformité. Où va-t-on ? L’université de Bab Ezzouar est une bonne construction, mais elle renferme des failles.

Avant de construire, il faut inévitablement faire appel à un géologue. Ce qui ne se fait pas chez nous. Si demain nous sommes confrontés à un fort séisme, ce sera la catastrophe, nous avons tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme, en vain.