COMMUNICATION- PUBLICITE- GESTION ANEP- REVELATIONS
PDG ,6/8/2020 (2/3)
© SAID RABIA, El Watan, jeudi
05 AOÛT 2020
Chiffres
clés
? L’ANEP a eu à gérer un portefeuille de
plus de 15 000 milliards de centimes ces 20 dernières années. / Près de 5000 milliards de centimes de créances
perdues/ 347 agréments ont été attribués
depuis 2012/ 107 titres ont
cessé de paraître/ 40 titres appartiennent à des prête-noms/ Plus de 4000 milliards de centimes
distribués sur la presse écrite depuis 2016/ Ennahar (journal) 120 milliards de centimes entre
2012 et 2015 et 115 milliards de centimes, entre 2016 et 2019 (235 milliards de
centimes)/
Le journal El Bilad,
40 milliards de centimes entre 2016 et 2019./ El Balagh, 30 milliards de centimes./ La Dépêche de Kabylie, 23 milliards de centimes./
Reporter, 54 milliards de centimes./
Le journal El Hayet,
12 milliards de centimes/ La Tribune des lecteurs : plus de 28
milliards de centimes entre 2016 et 2019 et 31 milliards entre 2012 et
2015. Manbar el koraa près de 32 milliards entre 2016 et 2019, 19
milliards de centimes entre 2012 et 2015 (110 milliards de centimes./ El Adjouaa, 6 milliards de centimes./ Le Jour d’Algérie, près de 46 milliards de centimes
entre 2016 et 2019 et 46 milliards entre 2102 et 2015, et Les débats, 43
milliards de centimes entre 2016 et 2019./ La Tribune qui a cessé de paraître en 2017, 56 milliards entre 2012 et
2015/ La Nouvelle République a reçu 43
milliards de centimes en publicité entre 2012 et 2015./ Le journal Echourouk a bénéficié
d’une manne publicitaire de 140 milliards de centimes entre 2012 et 2015 et plus
de 39 milliards entre 2016 et 2019/ El Khabar,
près de 35 milliards de centimes entre 2016 et 2019
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Plus de 40 journaux appartiennent à des
députés et sénateurs et à des maquignons marchandant leur zèle pour entretenir
et faire perdurer une
gouvernance qui a plongé le pays dans la crise. A part quelques journaux, qui
se comptent sur le bout des doigts, le reste tire à 2000 exemplaires, parce
que c’est le minimum qu’exige l’imprimerie.
Qui a bénéficié de
l’argent de l’ANEP ? Quel a été le volume de la manne généreusement
distribuée pour entretenir une clientèle goinfre et insatiable ? Selon Larbi
Ouanoughi, durant les dernières quatre années, la presse écrite a bénéficié d’une
manne publicitaire de plus de 4000 milliards de centimes.
En faisant le compte de l’argent distribué des
4300 milliards de centimes de créances récentes et près de 5000 milliards de
créances qui sont tombées sous le coup de la prescription, on trouvera que
l’ANEP a géré durant les deux dernières décades (20 ans) plus de 15 000
milliards de centimes, sans parler du fonds de fonctionnement.
Larbi Ouanoughi fait des révélations
fracassantes sur la manière avec laquelle a été distribué tout cet argent. Des
sommes astronomiques et vertigineuses qui ont transformé certains en
multimilliardaires en un temps record, sans efforts, sans investissements et
sans tracasserie.
Plus de 40 journaux appartiennent à des
députés et sénateurs et à des maquignons marchandant leur zèle pour entretenir
et faire perdurer une gouvernance qui a plongé le pays dans la crise. «La
responsabilité incombait au ministère de la Communication qui piétinait les
textes de loi», affirme le directeur général de l’ANEP qui
s’appuie sur la loi sur l’information qui, dans l’article 31, interdit
d’accorder un agrément à quelqu’un qui n’a pas de relation avec le métier de la
presse.
Mais on a trouvé, indique-t-il, des gens qui
sont propriétaires de 3 ou 4 titres, au grand dam de la loi sur l’information
qui limite à une seule publication d’information générale. Parmi eux
figure «le nom d’une ancienne célébrité de l’équipe
nationale de football, Rabah Madjer, qui possédait deux titres : El
Balagh et El Balagh Erriadhi.
Il a pris des milliards, El Balagh à
lui seul a encaissé ces quatre dernières années 30 milliards»,
révèle notre interlocuteur en précisant que ses publications qui étaient à
l’arrêt avaient continué, plusieurs mois après, à encaisser l’argent de la
publicité. «On a porté plainte», a annoncé
le Pdg de l’ANEP qui évoque aussi le nom du sulfureux député du FLN, Si Affif,
rendu célèbre en pleine crise de l’ex-parti unique en 2004 par ce qu’on appelle
«la politique des dobermans».
Il possède deux titres, Manbar
el koraa en arabe et La
Tribune des lecteurs, abondamment irrigués par les vannes
de l’ANEP. Entre 2016 et 2019, les deux publications ont reçu respectivement
plus de 28 milliards de centimes et près de 32 milliards de centimes.
En huit ans ou moins, le jackpot de Si Affif
s’élève à 109 milliards de centimes. La responsabilité incombe à ceux qui ont
donné les agréments, insiste Larbi Ouanoughi. «Mon
rôle à moi, dit-il, est de distribuer
la publicité de manière équitable». Une manne qui ne
représente que 60% du marché publicitaire.
«A part quelques journaux, le reste tire à 2000
exemplaires»
«Je n’ai pas le droit d’arrêter un journal, mais
j’ai le droit de ne pas donner de la publicité aux hors-la-loi»,
tranche le nouveau Pdg de l’ANEP. «Comment les gens
ont-ils pu obtenir deux et trois agréments ? Comment ont-ils pu faire pour
éditer une publication hebdomadaire trois fois par semaine» ?» se
demande notre interlocuteur, surpris par l’ampleur de la dévastation.
«On n’a pas vu ça ailleurs que dans un film
hindou», lâche M. Ouanoughi qui ajoute qu’il existe
même ceux qui ont loué leur registre de commerce. «Dès
que je suis arrivé, j’ai arrêté la publicité», dit-il d’un ton
serein et décidé. «Il y avait beaucoup de dépassements et
de malversations dictées au téléphone parce que l’ANEP fonctionnait ainsi.
Quand on édite trois fois par semaine une
publication censée être hebdomadaire, cela ne signifiait rien d’autre que nous
sommes face à une ruse destinée à capter la manne publicitaire»,
explique Larbi Ouanoughi qui a décidé de faire voler en éclats la boîte de
Pandore. Pis encore, l’anarchie qui y régnait a produit l’impensable.
«On est dans le vif du sujet»,
dit-il avant d’ajouter : «Il y a des journaux qui
sortent juste quand ils ont de la publicité. Ces faux patrons de presse
abandonnent leurs tirages au niveau de l’imprimerie ou se sont constitué des
réseaux mafieux, la faune de l’informel, spécialisée dans la vente à la pesée
des ‘‘méventes’’». De surprise en surprise, le PDG de l’ANEP
révèle des implications et des complicités à tous les niveaux.
Evoquant d’autres dépassements et d’autres
manœuvres dans l’attribution de la publicité, où l’on se joue allégrement du
code des marchés publics qui fixe où l’on doit publier, l’annonce portant sur
un appel d’offres, dans un journal local, régional ou national, notre
interlocuteur déclare qu’il existe des appels d’offres nationaux qui étaient
insérés dans des journaux locaux, dans les régions les plus reculées du
pays. «L’objectif, précise-t-il, était
d’aboutir au bout de trois appels d’offres infructueux à l’octroi du marché en
question de gré à gré».
Pour M. Ouanoughi, ce sont des «agissements
et des dépassements très graves». «Malheureusement,
ce type de publicité est très compliqué à retirer car une fois l’annonce
attribuée, tout ce qui suit est automatiquement publié dans le même titre»,
explique le Pdg de l’ANEP.
«C’est pourquoi, dit-il, des
journaux qui ne bénéficient plus de publicité continuent à en avoir». En
fait, «tout se joue dans l’attribution du premier
marché». Larbi Ouanoughi donne l’exemple de Eddough
Info, édité à Annaba et appartenant au fils du défunt chef
d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, qui ne reçoit plus de publicité ANEP.
Notre interlocuteur affirme avoir arrêté,
depuis son installation à la tête de l’Agence, la publicité pour tous les
doubles titres». C’est le cas pour Le Jour d’Algérie de
Mme Naïma Mahmoudi qui édite un autre quotidien, Les
débats.
La mesure a touché aussi Mme Arbaoui
qui possède El Wassat et Chiffres
d’affaires, et le propriétaire d’El
Hadef et du Buteur, pour
ne citer que ceux-là. «Je n’en donne que pour
un seul titre», tranche Larbi Ouanoughi qui déplore le
fait qu’on ait servi les agréments comme on sert les petits pains.
Le Pdg de l’ANEP révèle en effet que de 2012
jusqu’à aujourd’hui, 347 journaux ont vu le jour. 105 titres ont cessé de
paraître parce qu’on ne leur attribue plus de publicité, explique-t-il.
L’ANEP, une pompe à sous
A part quelques journaux, qui se comptent sur
le bout des doigts, le reste tire à 2000 exemplaires, parce que c’est le
minimum qu’exige l’imprimerie, soutient Larbi Ouanoughi qui raconte une
histoire insolite à propos de l’attribution de deux agréments pour la même
personne. Le premier, dit-il, a été établi au nom de Belkadhi Mohamed Esseghir,
et le second au nom de Esseghir Belkadhi Mohamed.
Qui est responsable de cette situation ? C’est
le ministère de la Communication, répond sans détour le nouveau patron de
l’ANEP. Levant le voile sur la véritable pompe à sous qu’a été l’ANEP, Larbi
Ouanoughi a avancé des chiffres effarants sur l’attribution de la publicité.
Il donne quelques exemples, tout en précisant
que les chiffres sont hors taxes. Ennahar (journal)
120 milliards de centimes entre 2012 et 2015 et 115 milliards de centimes,
entre 2016 et 2019 (235 milliards de centimes). Le journal El
Bilad, 40 milliards de centimes entre 2016 et 2019. El
Balagh, 30 milliards de centimes. La
Dépêche de Kabylie, 23 milliards de centimes. Reporter, 54
milliards de centimes.
Le journal El Hayet, 12
milliards de centimes. La Tribune des lecteurs :
plus de 28 milliards de centimes, entre 2016 et 2019 et 31 milliards entre 2012
et 2015. Manbar el koraa, près
de 32 milliards entre 2016 et 2019, 19 milliards de centimes entre 2012 et
2015.
El Adjouaa, 6 milliards de
centimes. Le Jour d’Algérie, près
de 46 milliards de centimes entre 2016 et 2019 et 46 milliards entre 2102 et
2015, et Les Débats, 43 milliards de
centimes entre 2016 et 2019.
La Tribune qui a fermé ses
portes, 56 milliards entre 2012 et 2015. La Nouvelle République a
reçu 43 milliards de centimes en publicité entre 2012 et 2015. Le journal Echorouk a
bénéficié d’une manne publicitaire de 140 milliards de centimes entre 2012 et
2015 et plus de 39 milliards entre 2016 et 2019. El
Khabar, près de 35 milliards de centimes entre 2016
et 2019.
Des centaines de milliards sinon des milliers
pour les chaînes de télévision privées
«Les chiffres qu’on n’a pas encore concernent la
publicité attribuée sous forme d’actions de sponsoring. Seul Dieu sait combien
d’argent il y a là dedans», annonce Larbi Ouanoughi
qui dénonce les dépassements de l’ancienne équipe au pouvoir.
«Ennahar et les autres chaînes ont bénéficié de
cette manne publicitaire sous couvert de sponsoring qui est exonéré d’impôts»,
affirme Larbi Ouanoughi qui milite pour que la publicité des entreprises
publiques comme Mobilis, Algérie Télécom, Sonatrach et d’autres entreprises
publiques revienne dans l’escarcelle de l’ANEP.
Notre interlocuteur parle de sommes
astronomiques, des centaines de milliards sinon des milliers dont ont bénéficié
les chaînes télé et les sites électroniques. Cette cagnotte devait, selon lui,
faire partie des 60% du marché publicitaire que devait contrôler l’ANEP. «Loin
de l’idée d’en avoir le monopole», se défend M.
Ouanoughi pour qui l’Etat doit avoir un œil sur l’argent public.
Ce qui devait être un soutien à la presse,
dit-il, les gens l’ont détourné pour investir et acheter des biens en Espagne,
en France, à Dubaï et en Jordanie.
Mais il n’y a pas que cela, «il y
a aussi de l’argent dépensé pour soi-disant promouvoir l’image de l’Algérie à
l’étranger. Ce volet est aussi concerné par les enquêtes menées par les
services de la gendarmerie. Cet argent qui a été transféré à l’étranger pour
blanchir l’image de l’Algérie avait surtout servi à blanchir l’image du groupe
qui était au pouvoir.
C’est l’argent de l’ANEP qui a profité à Charq
El awsat, le journal Le
Monde, le journal de Hichem Aboud, Times,
Jeune Afrique, Afrique Asie, et Euronews où l’Etat
était même actionnaire. Ce sont des sommes énormes en devises. Je n’ai pas
encore les chiffres», indique le PDG de l’ANEP qui annonce
l’ouverture d’une enquête sur de probables malversations concernant ce
volet.