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Culture de la vigne- Article Bachir Chara (Juillet 2020)

Date de création: 02-08-2020 19:31
Dernière mise à jour: 02-08-2020 19:31
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AGRICULTURE- OPINIONS ET POINTS DE VUE- CULTURE DE LA VIGNE- ARTICLE BACHIR CHARA(JUILLET 2020)

 

Cassons les tabous : réhabilitons la culture de la vigne en Algérie

©Par Dr Bachir Chara(*)/Le Soir d’Algérie, 28/7/ 2020


J’ai longtemps hésité à écrire cet article, du fait que je suis musulman pratiquant, qui craint, en cas de dérapage, le supplice du Tout-Puissant. Ce qui me gênait, c’est le hadith attribué à notre prophète Mohamed, que le salut soit sur lui, qui dit : «Il est interdit au musulman de vendre, de transporter et de boire du vin.» Les théologiens disent qu’il y a des hadiths authentiques et d’autres de portée faible. Laissant donc aux théologiens la décision de statuer définitivement sur ce hadith. Moi en tant qu’Algérien soucieux du devenir de l’économie de son pays, qui tend vers un avenir incertain et que son patrimoine foncier agricole et son environnement sont mis en péril, je me devais de casser un tabou qui freine le développement d’une spéculation agricole qui pourrait fortement contribuer au budget de l’État, procurer un nombre considérable d’emplois et constituer une manne en devises non négligeable pour le pays, tout en mettant fin à un trafic maffieux dans le domaine de la commercialisation du vin et la transformation des dérivés de la vinification. Le médecin physiologiste français Claude Bernard a, dans une citation, dit : «Celui qui ne sait pas est un imbécile, mais celui qui sait et ne dit rien est un criminel.» Je ne suis ni l’un ni l’autre et c’est pour cela que j’ai décidé d’éclairer mes concitoyens sur un sujet considéré comme tabou, alors que ce n’est qu’une activité agricole, qui pourrait rendre d’énormes services à l’environnement et à l’économie nationale. La décision de publier cet article s’est renforcée dans mon esprit, quand je me suis référé à ce que font d’autres pays musulmans en matière de production et de commercialisation des vins, notamment nos voisins marocain et tunisien.
Les Algériens savent tous qu’actuellement l’économie du pays repose essentiellement sur les ressources pétrolières et gazières, qui participent à plus de 95% des exportations et des recettes en devises de l’Algérie. Alors que tous les économistes disent haut et fort qu’il faut diversifier l’économie, on est resté dans un immobilisme presque total, pour ce qui concerne les niches économiques, pouvant ramener une importante plus-value et on s’est lancé dans des créneaux bénéficiant beaucoup plus à leurs promoteurs et aux peuples des pays tiers qu’à l’Algérie et son peuple. Maintenant, avec la chute des cours du baril, qui dure depuis la seconde moitié de l’année 2013, et l’augmentation des importations en équipements industriels, en produits manufacturés et en produits alimentaires, le déficit de la balance commerciale ne fait que s’accentuer d’année en année, réduisant les réserves de change à 51,7 milliards de dollars en mai 2020 et vont probablement décroître encore pour se situer autour de 44,2 milliards de dollars d’ici le mois de septembre prochain (déclaration d’Ammar Belhimer, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, le 3 mai 2020, sur les ondes de la Radio nationale Chaîne I. Quarante-quatre milliards deux cents millions de dollars ne représentent, pour l’Algérie, qu’une année d’importation. À cette allure et avec la crise économique, qui a fait suite à la pandémie de Covid-19, le pays se retrouvera en difficulté financière d’ici 2022, cela d’autant plus si le cours du baril de pétrole n’évolue pas de manière significative dans les prochains mois.
L’OMS prédit que cette pandémie de Covid-19 va s’installer dans la durée, donc les difficultés économiques vont s’amplifier et devront conduire les États à plus d’entrepreneuriat et d’initiatives économiques pour répondre aux besoins de leurs peuples. La situation que nous vivons de nos jours, risque à l’avenir de se renouveler plus souvent et si entre-temps l’Algérie n’aura pas développé son économie, pour qu’elle devienne créatrice d’emplois et de richesses, le peuple algérien se retrouvera alors dans des situations très compliquées. Pour éviter de telles situations, il faut, sans attendre, engager le processus de diversification de l’économie du pays. Cela d’autant plus en raison surtout de la non-durabilité des réserves énergétiques fossiles et des alternatives à ces énergies, que recherchent certains pays, depuis quelque temps déjà, qui pourraient même hypothéquer à l’avenir l’utilisation des énergies traditionnelles. Cette diversification doit s’articuler autour de toutes les niches économiques à même de créer de la richesse et d’assurer une certaine complémentarité dans le développement du pays. Parmi les secteurs-clés sur lesquels l’Algérie doit s’appuyer, pour faire prospérer son économie : l’agriculture. Cette dernière offre un important potentiel, faudrait-il qu’il soit très bien exploité. Parmi les différentes cultures qui peuvent générer un apport important en devises pour le pays, la viticulture.
En 1959, l’Algérie disposait d’un très important potentiel viticole. 349 670 hectares de vignes de cuve  répartis à travers le territoire algérien, notamment au niveau des régions semi-arides, recevant une pluviométrie annuelle comprise entre 250 et 500 mm par an. Il se trouve que ces régions sont localisées à l’ouest du pays. Sur les 349 670 hectares de vignobles, les wilayas de l’Ouest occupaient une place prépondérante avec 70,40% de la superficie totale, soit 246 152 hectares ; viennent ensuite les wilayas du Centre avec 24,92%, soit 87 152 ha, suivies des wilayas de l’Est avec seulement 4,68%, soit 16 366 hectares (Edgar Scotti, Petite histoire du vignoble en Algérie 1830-1962). Certaines sources affirment même qu’en 1962 la superficie viticole algérienne avait atteint 396 000 hectares.
La répartition dans l’espace des superficies viticoles obéissait à la décroissance pluviométrique qui allait d’est en ouest, du fait que les vignobles destinés à la production de vins soient peu exigeants en eau, 350 mm par an suffisent pour obtenir une bonne récolte, et demandent beaucoup de soleil, durant la période de maturation, pour l’accumulation de sucre dans le raisin.
Ces vignobles assuraient une production totale de vins qui avait atteint, en 1962, 18 600 000 hectolitres (Edgar Scotti, Petite histoire du vignoble en Algérie 1830-1962). Ce qui revient à dire qu’une telle production serait évaluée, aujourd’hui, avec un prix moyen à l’exportation de 5 euros la bouteille de 75 cl, à 11 milliards 625 millions d’euros. Il faut signaler que certains crus algériens peuvent se négocier sur le marché international jusqu’à 11 euros les 75 cl. À ces revenus pouvaient s’additionner ce que procurent les sous-produits qu’engendre la vinification, à savoir : l’alcool (alcool de Bouche, industrie chimique, carburation) ; les vinasses viticoles (engrais organiques pour les viticulteurs et les agriculteurs) ; les biogaz (utilisation énergétique : électricité et vapeur) ; les tartres (acidification des vins, conservateurs naturels pour les industries alimentaires, retardateurs dans le plâtre) ; des anthocyanes, tanins et des pépins polyphénoliques (industries alimentaires, colorants naturels) ; l’huile de pépins (huileries) ; pulpe (alimentation du bétail, engrais organiques, biocombustibles), ; et du compost des serments de vigne (amendements organiques des sols). Toute cette panoplie de sous-produits viticoles s’obtient grâce à la distillation des marcs, des lies et des bourbes et la taille des vignobles.
L’Office national de commercialisation du vin (ONCV) pourrait donner des indications précises sur ce que peut rapporter comme moyens financiers la commercialisation de ces différents sous-produits.
Après l’indépendance, en 1962, les vins algériens étaient principalement écoulés en France et dans certains pays d’Europe de l’Ouest, où ils étaient utilisés comme vins de coupage en raison de leur fort taux d’alcool qui atteignait parfois 16 degrés. Dans les accords conclus en 1964 avec la France, l’Algérie devait exporter vers ce pays 7 250 000 hl par an. En 1966, elle a même exporté 8 355 641 hl (H. Iznar, 1969 : L’Algérie ou la décolonisation difficile, Méditerranée vol. 10 n°3 p. 325-340). Les importations françaises de vins algériens ont commencé à décliner à partir de 1967, année durant laquelle elles ont atteint 3 510 334 hl, jusqu’à leur suspension complète en 1970, à la suite de la nationalisation des hydrocarbures par l’Algérie.
Au lieu de chercher d’autres marchés, comme celui de l’Union soviétique de l’époque, des États-Unis et autres pays consommateurs de vins, les décideurs algériens ont pris une décision politique, qui ne s’est référée à aucun avis technique, ni économique, et qui répondait plutôt à un saut d’orgueil politico-religieux et populiste, conduisant à l’arrachage de centaines de milliers d’hectares de vignobles de cuve, pour les reconvertir dans la céréaliculture, les cultures fourragères pour la production laitière et l’arboriculture fruitière.
Comme la grande majorité des sols précédemment occupés par les vignobles de cuve étaient installés sur des terres marginales qui ne pouvaient répondre aux besoins de la culture des céréales ni à celle des cultures fourragères, qui se conduisent en irrigué, cette reconversion a très vite montré ses limites, car cultiver ces cultures spéculatives sur de tels sols ne pouvait répondre aux objectifs recherchés. L’absence d’eau et les rendements insignifiants obtenus pour les blés, moins de 5 quintaux par hectare, ont très vite conduit les agriculteurs à abandonner la culture des céréales et laisser les terres en friche, les exposants à une importante érosion éolienne, qui les conduira, avec le temps, à la désertification. Les exemples du plateau de Mostaganem, des piémonts de Berkeche, Hassasna, Aoublil, des terres d’El Maleh (ex- Rio Salado) de la wilaya de Aïn-Témouchent et les coteaux et piémonts de la wilaya de Mascara sont édifiants. Cela n’écarte pas également les autres terres occupées antérieurement par le vignoble de cuve dans les autres wilayas de l’ouest, du centre et de l’est du pays.
Dans les wilayas de l’Ouest algérien, la politique de reconversion des vignobles s’est révélée infructueuse, voire ruineuse. Au niveau des wilayas du centre et de l’est du pays, les conditions pluviométriques aidant, la reconversion a été plus ou moins réussie, sans pour autant répondre aux objectifs qui lui étaient assignés. Certains viticulteurs n’ayant d’expérience que dans la culture de la vigne ont, en lieu et place des raisins de cuve, planté du raisin de table ou des cultures maraîchères à revenus lucratifs comme le melon et la pastèque.
La céréaliculture n’a donc pas trouvé une grande place dans cette politique d’arrachage des vignobles de cuve en raison des caprices du climat méditerranéen (faiblesse et irrégularité des pluies), le manque, voire l’absence d’eau pour l’irrigation d’appoint et les faibles revenus qu’elle procure.
Avec cette politique mal inspirée, s’en sont suivies la désarticulation et la déliquescence de toute une profession et un savoir-faire viticole. Le patrimoine de vinification, constitué de 1 000 caves et leurs dépendances, qu’abritait le territoire algérien à l’indépendance (source : un ex-cadre de l’ONCV) a, dans sa très grande majorité, si ce n’est en totalité, été vandalisé, par méconnaissance de son importance, par fanatisme ou encore par intérêt personnel, sans se soucier de l’intérêt national. A titre indicatif, les experts œnologues estiment, actuellement, la construction d’une cave de vinification à un milliard de dinars. La remise en état d’une cave par l’ONCV et sa modernisation a coûté la bagatelle de 220 millions de dinars. Voilà brièvement les pertes sèches induites par la politique d’arrachage des vignobles algériens sans compter celles liées aux pertes de qualifications dans les domaines de la production viticole, la vinification et la distillation des sous-produits ainsi que les désastres provoqués à l’environnement.
Ne persistaient à la fin des années 1990 que quelques dizaines de milliers d’hectares comme superficie viticole destinée à la production de vins. Au début des années 2000, avec le Programme national de développement agricole (PNDA), des tentatives de réhabilitation du vignoble de cuve ont été menées par l’ONCV, ce qui a permis aux viticulteurs de certaines wilayas de l’Ouest algérien de reprendre timidement cette activité pour arriver en 2017 à une superficie de 75 000 hectares au niveau national (Nabila Caïd et al, Analyse spatiale diachronique de l’occupation du vignoble algérien depuis 60 ans : cas de la wilaya de Mostaganem, Physio-Géo vol. 13 -2019), dont 24 909 hectares dans la wilaya de Aïn-Témouchent qui comptait
56 000 hectares de 1961 (Saïd Mouas, «La vigne n’a plus sa place d’antan», le Quotidien d’Oran, 22/09/2018) et 6 190 ha dans la wilaya de Mostaganem où existaient 43 003 hectares en 1958.

Les efforts de l’ONCV, rebaptisé, à tort, Société de transformation des produits viticoles (Sotravit), ont commencé à donner quelques résultats, plus de 16 500 hectares réalisés dans le cadre du PNDA, non sans problèmes, liés à la déperdition des connaissances vitivinicoles au sein de la profession, notamment en matière de choix des cépages plantés, dont certains ont une faible valeur vinicole. Selon un expert de la défunte ONCV, dont je continue à utiliser le nom, car il représente un label, connu à travers le monde et reconnu pour la grande qualité des produits qu’il commercialisait, seuls 10 000 à 15 000 hectares sont, aujourd’hui, exploitables pour la vinification.
Ajouter aux aspects techniques, qui doivent être résolus par les institutions spécialisées comme l’Institut de la vigne et du vin (IVV), les nombreux blocages qui freinent la réhabilitation du vignoble de cuve et le peu d’intérêt accordé au secteur viticole par les organismes de tutelle, à l’instar du fonds de participation du secteur de l’agroalimentaire. La question qu’on peut se poser est : à quoi répond un tel blocage, qui met en péril une niche d’une très grande importance pour la diversification de l’économie algérienne post-hydrocarbures ? Est-ce qu’il s’agit de croyances religieuses ou existe-t-il des intérêts cachés qui profitent à une catégorie de personnes qui freinent le redémarrage de cette filière agricole, qui pourrait faire nourrir des centaines de milliers d’Algériens, tout en procurant des ressources financières conséquentes pour le Trésor public et en protégeant l’environnement ?  
Ces deux hypothèses ont joué un rôle non négligeable dans cette inertie qui bloque le développement de la viticulture dans le pays. L’importation des vins et leur commercialisation en Algérie représentent un marché très juteux qui profite à certaines personnes, qui utilisent tous les moyens pour conserver leurs privilèges. Le problème de la viticulture est à l’image de ce qui caractérise les autres secteurs d’activités économiques en Algérie.
L’import-import est devenue une tradition, que veulent faire perdurer certains charognards, partisans du gain facile au détriment de l’économie nationale, et ce depuis 1990.
En effet, après les réformes engagées par les gouvernements successifs, en matière de libération des importations et des prix à la consommation, sous prétexte qu’il fallait faire jouer la loi de l’offre et de la demande, il est devenu plus lucratif d’investir dans l’import-import que de mobiliser des moyens financiers pour produire localement ce qu’ils pouvaient importer, sans prendre des risques qui peuvent être liés au climat et/ou à l’environnement de l’activité de production. C’est peut-être celles-là les causes qui freinent la réhabilitation de la viticulture dans le pays, et ce, malgré son importance sur le plan social, économique et écologique. Le changement de nom de l’ONCV n’entre-t-il pas dans cette opération de déstabilisation d’une filière qui était soutenue par un organisme de l’État, afin de mettre en avant les nouveaux intervenants privés ?
L’Algérie qui était dans un passé pas lointain le quatrième producteur mondial et le premier exportateur africain de vins est devenue importatrice de ce produit. La production nationale en vins est passée de 18,6 millions d’hectolitres en 1962 à 500 000 hectolitres actuellement, qui ne suffisent même pas à couvrir la consommation interne. Donc on a recours à l’importation des vins pour combler le déficit. Selon l’Association des producteurs algériens de boissons (Apab), la consommation moyenne de vin par habitant est de 1,4 litre (Fahim Djebara, en Algérie les autorités encouragent la production locale, sauf celle du vin, journal le Monde du 14 juin 2017). Soit un total annuel de 560 000 hectolitres. Ce chiffre est très en deçà de la réalité. Selon le même auteur, les services algériens des Douanes ont constaté un trafic dans l’importation de moûts de raisin pour la production du jus, qui finit sa destination dans les caves où il est transformé en vins. Il faut noter qu’un litre de jus de raisin est commercialisé entre 80 et 100 DA, alors que le prix d’une bouteille de vin de 75 cl est vendue entre 800 et 1 000 DA.
Une fraude caractérisée, qui échappe au contrôle de l’État. Il faut signaler que la circulation d’une bouteille de vin produite par l’ONCV procure à l’État 75 DA de taxes, alors que celle produite frauduleusement par des opérateurs privés avec les moûts importés, en affichant sur les bouteilles les labels des vins algériens, ce qui constitue un deuxième acte condamnable, car c’est une tricherie qui conduit à la dévaluation des labels, qui étaient mondialement connus. Les vins VAOG sont des labels protégés par la loi et nul ne peut se les approprier car ils sont propriété de l’ONCV donc de l’État algérien. C’est un autre coup porté à l’économie nationale par ces charognards sans scrupules.
Le développement du tourisme en Algérie reste tributaire de la disponibilité d’une gamme variée de vins au niveau de la restauration et de l’hôtellerie. Un étranger de confession autre que musulmane voudrait, lors de ses repas, boire du vin aux lieu et place des boissons sucrées.
Il cherche à consommer local et pas les vins d’importation. Les investisseurs étrangers dans le domaine du tourisme n’engageraient certainement pas leurs moyens financiers, dans un pays où ils ne peuvent mettre à la disposition de leurs clients les produits du terroir qu’ils recherchent.
La fermeture des bars, sur des pressions citoyennes, par les walis, en plus de la mise au chômage de dizaines de milliers d’Algériens qui y travaillaient à temps plein, tout en impactant le tourisme, a été à l’origine, dans certaines wilayas, si ce n’est dans tout le territoire national d’un grand problème écologique. On s’en rend compte en roulant dans les sentiers même éloignés des villes, les bouteilles de vin vides et les canettes de bière jonchent les bordures des routes.
Du fait qu’il y a des Algériens consommateurs de vin, n’est-il pas plus judicieux que ces derniers goûtent à leur plaisir dans des endroits contrôlés, soumis à l’impôt, où les contenants seront ramassés et recyclés au lieu d’être jetés en pleine nature, mettant les citoyens et le patrimoine forestier et agricole en péril. Les services de la Protection civile ont très probablement des statistiques sur les feux de forêt, de cultures de céréales ou de broussailles déclenchés à partir de bouteilles en verre laissées dans ces milieux par des citoyens indélicats qui consomment le vin en cachette. Se plier à un diktat d’ultras fanatiques n’a jamais servi les intérêts d’une nation. La liberté des uns doit s’arrêter là où commence celle des autres, chaque être humain est libre de boire, manger et s’habiller comme il l’entend, sans, bien sûr, heurter la sensibilité des autres. N’est-il pas individuellement responsable de ses actes devant Dieu ? Alors pourquoi des êtres humains veulent-ils remplacer le Miséricordieux sur terre et punir ceux d’entre eux qui ne partagent pas leurs convictions et leur façon de vivre ? Sont-ils Ses dépositaires sur terre ? L’État doit-il se plier aux desiderata des uns au détriment des autres même s’ils sont minoritaires ? Où est la tolérance qui permet à un peuple de vivre en harmonie avec ses valeurs ? Cessant d’être hypocrites et privilégiant le bon sens pour faire profiter notre pays d’une manne que le Bon Dieu nous a donnée. Un climat favorable et des sols tout indiqués pour la production viticole.
Questionnez les agriculteurs des wilayas de Mostaganem, Aïn-Témouchent, Mascara, Oran, Alger, Médéa, Bouira et autres wilayas, ils vous diront que certains sols ne peuvent être rentables qu’avec la production de raisin de cuve ; c’est ce qui a incité, en partie, les anciens colons à les utiliser pour la viticulture. Un hectare de vigne peut produire, dans une bonne année, entre 50 et 100 hl de vin, ce qui rapporterait entre 31 250 et 62 500 euros. Les revenus d’un (01) hectare de vignoble de cuve permettent, par conséquent, l’acquisition sur le marché international, à raison de 183 euros la tonne de blé, de 171 à 342 tonnes, ce qui représente, avec une production moyenne de blé de 15 quintaux par hectare, l’équivalent de 114 à 228 hectares.  
En viticulture, un hectare de vigne nécessite en moyenne 260 jours de travail par an, soit pour 349 670 hectares 249 080 emplois liés à la production de raisin.
Quant au personnel que mobilisera la vinification et la mise en bouteille des vins, la distillation des sous-produits, la production du jus de raisin, le compostage des sarments de vigne, le transport et la commercialisation de tous les produits et dérivés viticoles pourraient également se chiffrer en plusieurs centaines de milliers d’emplois. Cette activité agricole peut donc participer de manière importante à la réduction du chômage, notamment au sein des populations rurales, en les fixant au niveau des campagnes, réduisant par là même l’exode vers les milieux urbains.  
Conduits en sec, sur des sols le plus souvent marginaux, de texture légère et de structure-grumeleuse, les vignobles, grâce à la technique de leur plantation, leur mode de conduite, leur important volume foliaire en plein développement végétatif, qui s’accomplit de mars à fin août, correspond à la période où l’activité éolienne est intense, font du vignoble un excellent fixateur des sols en réduisant très fortement leur érosion par le vent.
 En outre, par leur enracinement très développé et plus ou moins superficiel, les ceps de vigne plantés dans des terrains accidentés et avec une importante densité de plants par hectare (3 000 à 4 000) maintiennent le sol en place et évitent qu’il soit emporté par les eaux de ruissellement des pluies parfois torrentielles en climat méditerranéen. De ce fait, ils jouent un rôle écologique considérable au niveau des bassins versants, en évitant notamment l’envasement des barrages qui pourraient s’y trouver en aval.
Au vu de ce qui précède, il apparaît nécessaire pour le pays de reconstituer le vignoble, en utilisant les sols qu’il a occupés auparavant. L’erreur est humaine, ce qui est condamnable c’est de persister et de ne pas la corriger. Ce qui faisait la renommée des vins algériens, ce sont les mélanges entre les variétés de raisin de terroir et les cépages européens.
La reconstitution du vignoble doit donc réintroduire cette diversité de cépages en renforçant avec d’autres, pour produire des vins de qualité. L’ITASV doit s’impliquer de manière active dans ce programme de redéploiement de la vigne de cuve, en sélectionnant les cépages qui doivent être replantés, en délimitant les vignobles de pieds-mères, en contrôlant les pépinières de production de plants et en les encadrant. Enfin, les facultés et les écoles supérieures d’agronomie doivent réhabiliter la spécialité œnologie dans les cursus de formation et les CFPA reprendre la formation de maîtres tailleurs pour encadrer la filière viticole. Un soutien de l’État aux viticulteurs est vivement souhaité pour les encourager à s’investir dans la production de raisin de cuve.
En outre, on ne cesse de rappeler le rôle combien important que doivent jouer nos représentations diplomatiques à l’étranger, pour promouvoir le produit Algérie. Il ne s’agit pas seulement de distribuer gracieusement aux dirigeants des pays où elles se trouvent des paquets de dattes Deglet nour et des cartons de vins Mascara, Cuvée du président, Coteaux de Tlemcen, Dahra…
Il faudrait vulgariser la qualité de ces produits dans les pays où elles se trouvent en organisant par exemple des journées de dégustation des vins algériens. Pour ce faire, des économistes spécialisés dans le marketing doivent intégrer nos ambassades, où existent des marchés potentiels comme la Russie, la Chine, l’Inde et les pays européens. Les diplomates ne peuvent, à eux seuls, gérer toutes les activités, surtout économiques, et ne doivent en aucune manière s’approprier tous les domaines de représentation de l’Algérie au niveau international, que les spécialistes des filières techniques maîtrisent mieux ; on doit donc chercher l’efficacité pour promouvoir nos produits. Il est clair que l’État ne peut supporter, en cette période de crise économique, les lourds investissements que cela nécessite, notamment ceux relatifs à la réhabilitation et/ou la réalisation de caves pour la vinification, ou de distilleries pour le traitement des acres et autres dérivés de la vinification. Des investisseurs nationaux et étrangers peuvent s’impliquer dans ce programme, faudrait-il que l’État l’avalise et donne, pour ce seul objectif, en concession les terres qui sont recommandées aux vignobles de cuve, qui relèvent de son patrimoine privé.
B. C.
(*) Ex-vice-président de l’Assemblée populaire nationale. Ex-président de la Commission permanente de l’économie rurale, l’agriculture, les ressources naturelles et de l’environnement et du Parlement panafricain.