HISTOIRE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI COLLOQUE
(TASSADIT YACINE , Dir)- « KABYLIE
1871. L’INSURRECTION »
Kabylie 1871.L’Insurrection. Actes du colloque international de Béjaia, 6 et
7 mai 2014. Sous la direction de Tassadit Yacine
(Textes présentés avec la collaboration de Abdelhak Lahlou). Koukou
Editions, Cheraga/Alger 2019, 254 pages, 800 dinars.
Les résistances
populaires aux envahisseurs n’ont jamais cessé en Algérie. Mais
, incontestablement, celle de 1871 –contre la présence coloniale
française commencée en 1830 - a
constitué un tournant important dans l’histoire contemporaine du pays. Car,
pour la première fois, cela a aidé à la prise de conscience du monde rural du
véritable visage de la politique coloniale et de la nécessité d’une unité
d’action dans la lutte contre la colonisation. Elle mobilisa plus de 250 tribus
alignées derrière des chefs comme Mohand Ait Mokrane (El Mokrani et Cheikh Aheddad…..Elle couvrit par son ampleur toute l’Algérie dite
du « centre » , celle qui va des contreforts
de l’Ouarsenis à l’ouest jusqu’à l’Aurès à l’est, et des rivages de Dellys à la Calle au nord jusqu’aux sables de Bou Sâada et les oasis du sud.
Malgré le peu de
moyens de lutte (une population armée de vieux fusils à pierre, de simples
couteaux, de sabres et haches) face à
une armée régulière , moderne, au commandement unifié
et un arsenal puissant, l’inégalité de moyens ne découragèrent pas les
combattants. Hélas, le froid sibérien de l’époque, les massacres aveugles des
populations, les incendies des villages , des récoltes et du cheptel, les
impôts trop lourds, les exécutions sommaires et les jugements expéditifs
(pourvoyeurs de déportés en Nouvelle Calédonie , à Cayenne ou à Madagascar) ont
eu raison de la volonté de se battre …..appauvrissant, du même coup, des régions et des populations
entières par le biais de la dépossession systématique des terres, et des séquestres individuels et collectifs.
Bien longtemps après
(l’indépendance) , l’histoire officielle a ignoré
cette étape cruciale de la résistance populaire…comme pour d’autre étapes
d’ailleurs. Heureusement , les mémoires populaires , à
travers la poésie , le conte et le
chant, ont continué à relater les événements avec beaucoup d’émotion et de
fierté…..et pour beaucoup la guerre de
libération nationale de 54 (et partant tout le mouvement national) ne
fut que la continuité logique , naturelle de la catastrophe vécue par les
insurgés de 1871. La revanche ! La victoire ! Enfin.
Les auteurs : Tassadit Yacine-Titouh, est spécialiste de la culture
berbère, enseignante universitaire (France) , et elle
anime la revue d’études berbères « Awal »
(fondée en 1985 avec Mouloud Mammeri).
Abdelhak Lahlou est professeur de lettres et sciences humaines à Paris
Sommaire :Présentation/ L’année 1871 en France et en Algérie…. (Benjamin Stora)/
Un point d’historiographie….. (Fouad Soufi)/
Insurrection de 1871…. (Mouloud Kourdache)/
« L’année de Boumezrag »….(Ouanassa Siari-Tengour)/1871, stupeur et désarroi dans la poésie
orale ...(Abdelhak Lahlou)/ L’insurrection de
1871 : l’humiliation après la défaite (Rachid Oulebsir)/Histoires
croisées…. ;(Françoise Vergès)/ Calédoun ou….(Mahdi Lallaoui)/
Dans la vallée de la Soummam : les Ath Waghliss
(Ali Mekki)/ L’insurrection de 1871 en Kabylie…(Tassadit Yacine)/ Partie II : Poésies populaires…./
Partie III : Documents….
Extraits : « Laver l’affront de Sedan, par écrasement des indigènes hors de
métropole :on retrouvera ce même processus à l’œuvre (une armée qui quitte
le champ de bataille européen pour se rendre dans l’univers colonial) au moment
des massacres de mai/juin 1945 »
(Benjamin Stora, p 13), « Ce n’est point,
un mouvement de fanatiques religieux comme le prétendent certains, ni même
celui des fonctionnaires indigènes en colère ; c’est une expression
fondamentalement politique fondée sur le
refus de la situation de domination » (Mouloud Kourdache,
p 35), « Le fait est que cette histoire terrible est demeurée en
marge de l’écriture » (Ouanassa Siari-Tengour, p38), « On ne peut comprendre l’embrasement
de 1871 que si l’on ne perd pas de vue l’alliance réalisée entre seigneurs
déçus et paysans mécontents. C’est la jonction entre la guerre patriotique et
le mouvement social qui a permis à l’insurrection de s’étendre au-delà du fief
des Mokrani » (Ouanassa Siari-Tengour, p45), « L’insurrection de 1871 qui met
en relation la Commune de Paris, la Kabylie, la Nouvelle Calédonie, la
résistance des Kanaks à la colonisation
française et même Madagascar et la Réunion est un parfait exemple de télescopages
, d’inattendus et de contingences , mais aussi d’une possibilité d’écrire
autrement l’histoire des émancipations » (Françoise Vergès, p
74), « Aseggwas n 71 dirit-Ay
ixf-iw fehm
it- Akk’at cedd usaru » (Si Mohand Ou Mohand.Extrait, p 221),
« Son drame (note: celui de Si Mohand Ou Mohand de la famille des
Aït Hamadouche) est celui de tout un peuple
abasourdi par la défaite qui a vu émerger, des ruines de 1871, une nouvelle
« race » d’hommes , sans foi ni loi, qui s’est appropriée pouvoir,
honneurs, et considérations depuis « l’exil des preux » (p 222)
Avis : Un titre qui peut induire en
erreur, l’insurrection de 1871 ayant concerné toute la « Kabylie
orientale »….jusqu’à Collo en passant par Mila (déjà ,fin janvier, les hostilités y avaient débuté pour s’étendre jusqu’ à Souk Ahras…et le Titteri s’est embrasé
début février) , El Milia et Jijel. Il est vrai que la vraie guerre avait
commencé à Seddouk, le 8 avril.
Des interventions courtes,
précises…et prenantes car nous plongeant directement dans un temps que nous
avons encore en nous.
Citations : « Il y a dans l’histoire
de l’Algérie, deux fils rouges : la terre et la culture…La lutte pour la
terre et la culture traversent notre histoire et notre présent, et les
expliquent » (Fouad Soufi, p 17), « Les armées qui écrasent la
Commune de Paris, tuent et massacrent Parisiens et Communards, sont celles qui
pratiqueront la politique de la terre brûlée en Algérie » (Françoise Vergès
p 77),