SANTE- ENQUÊTES ET
REPORTAGES- COVID 19- COMPORTEMENT DES ALGERIENS- ETUDE CREAD
© Le Soir d’Algérie, lundi 27 juillet
2020
Le comportement de la grande majorité
face à l’épidémie intrigue autant qu’il irrite. Le peu, voire le non-respect
total des consignes sanitaires ajouté au déni dans lequel une grande partie de
la population s’est installée serait-il un cas d’école ? Le Centre de recherche
en économie appliquée pour le développement (Cread)
s’est intéressé à la perception des Algériens du Covid-19
et la corrélation entre le danger ressenti et le respect des mesures imposées
en matière de mobilité. Les résultats sont édifiants : une majorité estime la
maladie « assez grave » sans pour autant que cette perception ait de
conséquences sur le respect des consignes et cela indépendamment du niveau
d’instruction.
Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Loin des jugements de
valeur et des constats, c’est un travail répondant à des normes scientifiques
que quatre maîtres de recherches au Centre de recherche en économie appliquée
pour le développement (Cread) ont mené sur la
perception des Algériens du Covid-19, du danger lié à
sa propagation et de l’impact de leur mobilité sur le risque d’une nouvelle
vague de propagation du virus. À travers cette étude, il s’agit de déterminer
les facteurs influençant la perception de la population du danger lié à la
propagation du Covid-19. Le choix s’est porté sur une
enquête en ligne en raison de la pandémie. Elle a visé 1016 personnes qui ont
dû répondre à un questionnaire structuré en cinq modules.
À la question relative à leur perception du Covid-19,
ils étaient 72,7% à répondre qu’il s’agissait d’une maladie « assez grave »,
24,2% estiment qu’il s’agissait d’une « simple » maladie comme la grippe alors
que 3,1% ont répondu que la maladie n’existait tout simplement pas.
Questionnés au sujet de leur mobilité avant le confinement décidé, ils sont
40,7% à déclarer sortir tous les jours, seulement 10,1% disent sortir deux fois
par semaine seulement. Ont-ils modifié leur comportement après la mise en place
des mesures de confinement et la hausse des contaminations ? Seuls 17,3% ont
affirmé ne plus sortir du tout, alors que 16,9% ont continué à sortir tous les
jours.
Les chercheurs du Cread ont conclu que le niveau
d’instruction n’avait pas d’impact sur la perception du danger. En d’autres
termes, le niveau d’études élevé n’induisait pas forcément une meilleure
appréciation du risque ni un plus grand respect des consignes. Comment
l’expliquent-ils ? Ils estiment que cela s’expliquerait par « le manque de
connaissance concernant le Covid-19 » en témoignent
les réponses des personnes questionnées au sujet des modes de transmission du
virus. Ceux qui pensent que la maladie se transmet au contact direct avec une
personne contaminée ou à travers des surfaces estiment la maladie dangereuse.
En revanche, ceux qui n’associent la contamination qu’au contact direct avec
une personne déjà malade considèrent la maladie « peu dangereuse ».
Autre fait étonnant : même en qualifiant la maladie de dangereuse, la majorité
des répondants disent n’avoir pas changé leurs habitudes en termes de
déplacements, ne considérant toujours pas la mobilité comme un facteur
aggravant.
L’étude conclut à un manque de compréhension concernant l’impact de la mobilité
sur la propagation de la maladie, ce qui explique qu’ils soient à 63,5%
favorables à la levée du confinement. Pour les chercheurs, ces résultats
démontrent clairement que les messages des autorités publiques doivent être
repensés. Il est, selon eux, important d’expliquer à la population que les
directives qui peuvent sembler contradictoires sont dues à la nouveauté du
virus et à l’actualisation des informations au sein même de la communauté
scientifique. L’échantillon objet de l’étude comprend 46,1% d’hommes et 53,9%
de femmes âgés de 17 à 72 ans. Les répondants sont répartis sur 43 wilayas
avec, à titre d’exemple, un pourcentage de 45,2% pour Alger, 10,6% pour Béjaïa, 5,4% pour Blida.
Concernant le niveau d’études des répondants, 88,7% d’entre eux sont
universitaires, 4,6% ont un niveau inférieur au bac, 4,1% sont titulaires d’un
bac avec un cursus dans la formation professionnelle. 34,8% d’entre eux sont
salariés dans le secteur public, 20,5% sont étudiants. Dans l’échantillon
questionné, 24,9% exercent au niveau de l’enseignement supérieur.
Les résultats obtenus lèvent le voile un tant soit peu sur la compréhension
mais surtout sur les raisons de la non-observance des gestes barrières. Le
manque d’informations est clairement mis en relief, signe du peu d’efficience
des campagnes de communication.
N. I.