COMMUNICATION- DOCUMENTS ET TEXTES REGLEMENTAIRES-
AVERTISSEMENT - TELEVISION/ARAV-
©
El Watan, samedi 25 juillet 2020
Dans
son communiqué (J 23/7/2020) , l’Autorité de
régulation de l’audiovisuel a adressé un avertissement à la chaîne Ennahar TV et Echorouk TV.
L’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) est une nouvelle
fois montée au créneau à travers deux communiqués relayés par l’APS et diffusés
successivement mercredi et jeudi derniers, pour épingler les chaînes Echorouk TV et Ennahar TV. En cause : des
programmes jugés abêtissants et dégradants.
L’un
des programmes visés par le gendarme de l’audiovisuel est l’émission «Sabah Echorouk» diffusée par Echorouk TV, et qui, dans
un de ses récents numéros, avait accueilli sur le plateau une dame qui
prétendait avoir trouvé un moyen efficace, de facture traditionnelle, pour
savoir si une personne est atteinte ou pas du coronavirus.
«Alors que les scientifiques et les chercheurs de par le monde sont
engagés dans une véritable course pour trouver un vaccin contre la Covid-19 et que les grandes puissances mobilisent des
milliards de dollars à cet effet, la chaîne Echorouk
TV n’a pas trouvé mieux, à travers son émission matinale ‘‘Sabah Echorouk’’, que de présenter une femme se targuant de
proposer un médicament et même un moyen de dépistage, sans aucun égard pour le
bon sens et au mépris de la science et de l’opinion publique», assène l’un des deux communiqués de l’Autorité de régulation de
l’audiovisuel.
L’ARAV
n’a pas manqué de souligner, dans sa mise en garde, la propension de nombre de
nos chaînes de télévision à faire la promotion de la pensée magique en
rappelant les antécédents des mêmes médias incriminés : «Cette chaîne et d’autres s’étaient déjà illustrées par la
vulgarisation de ce genre de charlatanisme en donnant la parole à des individus
qui, sous le couvert de la médecine alternative, abusent de la crédulité des
citoyens.»
Pour
l’instance dirigée par Mohamed Louber, cette façon de
faire de la télévision représente «une
atteinte à l’image des médias, en particulier, et du pays en général, et une
consécration de l’obscurantisme au sein de la société».
Dans
le numéro de «Sabah Echorouk» visé par cet avertissement,
une femme affirmait dépister le coronavirus sur simple inhalation d’une
substance proche de la «neffa», le tabac à priser. En guise de démonstration, un jeune homme en
casquette se propose de faire le «cobaye». L’animateur lui tend un pot
contenant la mystérieuse «potion magique».
Le
jeune homme trempe son auriculaire dans le pot et glisse le produit dans ses
voies nasales. «Reste concentré, ne parle pas
et ne bouge pas», le guide la présumée
«guérisseuse».
D’après
son «diagnostic», les symptômes qui révèlent si la personne a le corona ou pas
sont simples comme bonjour : «Si
la personne n’éternue pas ou bien qu’elle éternue une seule fois, ça veut dire
qu’elle n’a rien. Il ne faut ni un scanner ni rien du tout. Si la personne
éternue beaucoup, ça signifie qu’elle a la maladie», soutient-elle. Vantant les vertus de l’étrange substance,
l’invitée d’Echorouk affirme : «Elle
est très prisée en Tunisie. Tout le peuple tunisien l’utilise».
«Mais
ça a l’odeur de la chemma !»
Le
jeune homme n’éternue pas. C’est bon signe, selon la «guérisseuse». Encouragé,
l’animateur s’y met à son tour. Il est intrigué par l’odeur. «Mais ça a l’odeur de la chemma !» bougonne-t-il. «Oui,
c’est le tabac à priser de l’Est»,
confirme son hôte. «Ils la fabriquent comme ça,
on l’a ramenée de Sétif.» L’animateur éternue à
trois reprises.
Il
n’est pas équipé d’un masque de protection. Seule la dame a le visage couvert,
protégé par une longue voilette. Elle le taquine : «Normalement, tu éternues dehors, tu vas contaminer les gens ici.» Elle le rassure : «Quand
tu éternues une ou deux fois, ça veut dire que tu es négatif.»
L’animateur
mime un autre éternuement, mais c’est pour rire. Il se plaint encore de
l’odeur. «C’est infect !» La dame : «Maâliche. C’est ça qui te fait éternuer et sortir ce qu’il y a à
l’intérieur (des poumons, ndlr).
Mais
il faut éternuer dehors, surtout si la personne est atteinte de corona. Elle
doit éternuer dans la nature.»
L’animateur ricane : «Pourquoi
vous ne m’avez pas prévenu plus tôt ? On serait allés dehors.» La scène tourne à la farce : censée révéler la maladie, la
substance se mue en un propagateur potentiel de Covid.
Pour
l’ARAV, l’émission verse carrément «dans
l’ignorance et la mystification». L’instance
appelle dans la foulée «à la promotion et à la moralisation
de l’acte d’information médiatique favorisant le développement de l’esprit et
de la connaissance, et la vulgarisation du bon sens au sein de la société dans
le cadre du service public».
Dans
un autre communiqué, l’ARAV s’en est encore pris à Echorouk, cette fois pour une autre
émission intitulée «Khatt Ahmar» (Ligne rouge),
diffusée le 5 juillet. Dans ce numéro qui se déclinait sous le thème «Zawdji houwa djanati»
(Mon mari est mon paradis), on voit à un moment donné une femme embrasser
spontanément les pieds de son mari en signe d’affection. Une scène qui a
soulevé l’émoi de nombreux téléspectateurs.
L’ARAV
a estimé que ce geste n’avait pas sa place à l’écran dans la mesure où «il rabaisse et dénigre la femme et montre la suprématie de l’homme
dans la société». «Il appartenait donc à la chaîne de supprimer l’image avant
sa diffusion, car elle revêt un caractère intime entre les époux et ne devait
pas être diffusée.»
Dans
le même communiqué, l’Autorité de régulation de l’audiovisuel a adressé un autre
avertissement, cette fois à la chaîne Ennahar TV pour
son émission «Ma waraa el djoudrane»
(Derrière les murs). Dans une édition de ce programme, il était question d’une
femme qui a fugué du domicile conjugal «après
avoir été victime de torture et de pression psychologique de la part de son
époux».
«Ce dernier s’est présenté à l’émission dans l’espoir de la faire
revenir au foyer conjugal, en essayant de profiter de la religion pour
atteindre ses objectifs», explique l’ARAV. Et de
faire ce constat : «L’épouse
s’est retrouvée ensuite sous la pression de l’imam, de l’avocat et de
l’animatrice de l’émission, et contrainte de céder à la volonté de son époux,
sans prendre compte de sa souffrance et celle de ses enfants durant 19 ans de
mariage.»
Pour
le gendarme de l’audiovisuel, «le
traitement de ces cas requiert des psychologues et la consultation des services
sociaux, en sus d’une expérience professionnelle avérée des animateurs, pour ne
pas se laisser entraîner par la quête de la célébrité et la réalisation d’une
d’audience élevée, au détriment de la dignité humaine».
Il
faut dire qu’avec la multiplication effarante des atteintes à la dignité et à
l’intelligence des Algériens de la part de ces chaînes de télévision, l’ARAV a
bien du pain sur la planche .