COMMUNICATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-RECUEIL ECRITS KHEIREDDINE AMEYAR- « L’AIGLE ET LA
PLUME »
L’Aigle et la
Plume. Textes choisis 1975-1999. Recueil d’écrits
de Kheireddine Ameyar
(présenté par Taous Ameyar,l’épouse , les enfants Nadim et Maya ainsi que par Nordine Azzouz et préfacé par ce
dernier) , Anep
Editions, Alger 2016, 565 pages, 1 200
dinars
Lire les écrits de Kheireddine
( ou bien plutôt les re-visiter
pour ceux qui avait suivi son parcours professionnel qui dura plus de trente
années ) , c’est effectuer un voyage dans un espace- temps incontrôlé et , de
toutes façons , devenu incontrôlable. Il
y a ,aussi et
surtout, la vie d’un pays, avec des va
et vient , dans un désordre au départ déroutant mais en définitive
éclairant. Une Algérie se fissurant,
produisant (ou ressuscitant) mille et une failles sociétales, récentes ou lointaines Et, au milieu, un homme écartelé dans un
monde (médiatique et politique) de plus en plus incompréhensible….qui, après un
« long séjour parmi les hommes, refusa de demeurer avec l’infamie ».
Durant sa carrière (trop courte à mon sens,
mais si riche puisqu’il a connu un grand nombre de titres et, cerise sur le
gâteau (sic !) , l’ « Ordre du mérite » de notre époque et de la
corporation , des « mises au placard », un « retrait de
passeport » et un
« licenciement » dans la
presse écrite.......En tant que journaliste , mais aussi en tant que reponsable éditorial, il s’est toujours singularisé par la
« folle envie d’écrire et de dire » . C’est ce qui fait qu’il s’est
intéressé à tout et à tous. C’est ce qui fait l’extrême richesse du
recueil : de la politique (intérieure et extérieure), de la « vie »
des partis, nouveaux et anciens, de la culture, de l’histoire, du sport (il a
été le premier à « lancer » un magazine des sports de qualité et à
très grand succès , bien qu’il ait été produit alors
par Revaf’, le journal du Fln...qui, c’est vrai, commençait à s’ « ouvrir »
aux réformes) ....... Aucun genre journalistique ne lui était étranger :
le commentaire, l’ analyse, le reportage, l’interview (dont celui de A. Ben Bella en
août 1990 , avant son retour en Algérie) , le
portrait (des portraits fins : Khadda, Assia Djebbar, Djamel Allem, Mohamed Zinet, Djamel Amrani, R. Boudjedra, S-A Agoumi, R. Mimouni, B. Karèche, Hachemi Chérif, M. Toumi, A. Mehri, Abdelaziz Morsli ..... ).Aucune actualité nationale ou internationale
liée au pays n’avait
« échappé » à son œil . Déjà de l’aigle
dans sa démarche , mais se servant de sa seule
plume .
L’Auteur : Né le 13
avril 1946 à Alger ,
diplômé des premières promotions (la seconde francophone, je crois, en
compagnie de Abdou B et de Talmat Amor-Ali
et d’autres grands noms de la presse nationale : Hamdi,
Sobhi, Ayache, Saïdani,… )
de la première Ecole nationale supérieure de journalisme, alors sise Rue
Jacques Cartier (Alger-centre) à la fin
des années 60 , svp ! en pleine effervescence intellectuelle
. Il travaille dans plusieurs journaux et revues nationales : Après
un bref passage à la Cinémathèque nationale, Radio Chaîne 3, El
Moudjahid-quotidien, Algérie Actualités (dont il fut le Directeur de rédaction, du temps de M.Hamrouche….avant
de subir le « licenciement ghozalien » ) , Révolution
africaine où il créa Afric 1 sports,
El Moudjahid de nouveau, La Nation (journal de satut privé) ….puis , la loi d’avril 90 aidant , il fonde,
le 5 octobre1994, avec Bachir Chérif et Baya Gacemi,
entre autres, en pleine « effervescence » islamo-terroriste,
le quotidien de langue française La
Tribune. Connu alors (et depuis toujours, en tout cas je l’ai connu
ainsi à l’Ensj et chaque fois que nos chemins se
croisaient) pour sa verve et son style à nuls autres pareils.
Auteur
d’un roman (publié à titre posthume, Anep éditions) , « inachevé... mais complet »
disais-je, que j’ai présenté fin 2015 et
que j’avais alors classé en très bonne position dans la liste des dix meilleurs
ouvrages de langue française de l’année....tout particulièrement parce qu’il
avait une charge philosophique encore introuvée chez
bien nos intellectuels, même les plus grands
Extraits : « Son
parcours fut riche, il revitalisa son intérieur et atteint l’érudition dans de
nombreux domaines , se privant de tout pour
l’acquisition d’un livre comme d’autres se damnent pour une augmentation de
salaire » (Nadim Ameyar, p 18), « Il avait
la plume curieuse et pérégrine, le trait d’un aristocrate de la presse ,assez
décontracté pour aborder sans complexe et avec virtuosité des sujets finalement
pas si lointains de relation (.... ) . Chez lui, quelles que soient les
rubriques, il ne parlait en vérité que de l’Algérie, de ses splendeurs et de
ses misères » ( p 29), « ....La dilection (ndlr :
amour pur et pénétré de tendresse spirituelle) qu’il avait (pour Mouloud Hamrouche) n’était
ni béate et encore moins personnalisée. Elle était pétrie de la conviction
qu’Octobre (...) n’était pas une « évolution des rancœurs vers la
rupture » , mais l’aboutissement d’un processus
de luttes populaires pour le changement » (Nordine
Azzouz, préface, p 31) , « Quand il n’écrivait
pas, il passait à l’oral.....Le goût des
bons mots et des belles formules lui venait alors à la bouche. Son art (très auto-centré) de la conversation était de véritables cours
de journalisme, la rhétorique en prime et un appétit inimitable pour le débat
qu’il ne concevait , quand il était sérieux, qu’en
duelliste et qu’à voix haute » (Nordine Azzouz, préface, p 31)
Avis : A lire absolument , mais lentement et, surtout , en contextualisant à chaque fois. Bien saisir la date de
parution, le titre de presse et se souvenir. Car si le personnage Ameyarien
n’avait pas changé ,
ce sont les autres qui changeaient constamment .....trop
vite ou trop mal à son goût. Quant au style, chacun appréciera selon sa
formation et ses penchants littéraires . En tout cas,
il a fait école.
J’ai noté, par ailleurs
que Mme Ameyar , dans sa présentation (p 12...écrit de décembre 2011) , a été assez (trop ?) sévère à
l’endroit de la presse et des journalistes....estimant globalement qu’il n’y a
plus de « cercle vertueux » .....pour
emprunter à « qui vous
savez ».
Citations : « Un journaliste, cela sert
aussi à créer des journaux ! » (p 483), « Informer d’abord,
autant que la paranoïa du secret , véritable culture
de l’Etat , le permettra. Informer en passant l’épreuve de la double lecture
après celle du double éclairage. Expliquer ensuite ou, plus probablement,
essayer d’expliquer , si l’on a compris soi-même ce
qui n’est pas toujours l’évidence « (p 484)