SCIENCES-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI YOUSSEF NACIB- « UNE GESTE EN
FRAGMENTS »
Une geste en
fragments. Essai de Youssef Nacib.
Editions Alpha, Alger 2010 (Editions Publisud, Paris
1994). 372 pages en français et 117 pages en arabe .
1 000 dinars.
Comment une societé donnée, projetée dans le monde moderne et sur la fin du XXè siècle , et transplantée (au VIIè
siècle) à des milliers de kilomètres de son terroir originel , tente
désespérément de conserver ses schèmes sociaux et culturels issus eux-mêmes du
Haut Moyen-Age ? C’est ce que tente de montrer
l’auteur à travers l’étude des descendants des Hilaliens ,
à travers leur geste , tout du moins ce qui en reste (chansons , poèmes,
légendes, contes.....)
Bien sûr, la société bédouine (d’Algérie) , car il s’agit globalement d’elle, d’ascendance
hilalienne, ne se présente plus comme
une communauté homogène dont tous les éléments seraient soudés par
l’enseignement de la geste . De plus, il y a le nouveau clivage de la jeunesse
et de l’adolescence .Elles tournent
pratiquement le dos au passé de leurs ancêtres.Pour
elles, à leurs yeux , la geste ne peut prendre
d’autres fonctions que la ludique....au contraire des personnes d’âge mûr et
vieilles, pour lesquelles elle s’offre comme la clé qui explique le monde. On
reste beaucoup attaché aux légendes qui restituent au groupe ses racines. Et,
plus on remonte dans le temps, plus la geste hilalienne est vécue comme un
« phénomène social total ».
Sommaire : Le
milieu naturel/ La continuité culturelle/Les hilaliens des Hauts-Plateaux.
Histoire et légende/ Le religiosité nomade/ Le statut féminin dans l’épopée
hilalienne (qui ne connaît Djazia, « belle,
intelligente et courageuse » ....qui devint l’épouse de son cousin
germain, le fameux Dhiab ben Ghanem
/ La ruse dans la geste/ Le développement d’une rumeur rurale/ La geste entre
tradition et modernité/Une (riche) bibliographie/ Un corpus de textes (la collecte de
vingt témoignages dans les deux langues,
arabe et française)..../Et , un index des noms propres pour trouver et vous
retrouver.
L’Auteur : Professeur à
l’Université d’Alger, professeur associé à l’Université de Tizi
Ouzou, professeur invité aux Universités de Milan et
de Paris I, il a été le premier directeur général de l’Office des publications
universitaires (OPU) , de 1975 à 1990. Auteur de
plusieurs ouvrages centrés sur le patrimone culturel
oral d’expression arabe, dialectale et amazighe
Extraits : « Il
n’y eut jamais une geste (ndlr : « ensemble d’exploits racontés
dans un cycle de poèmes épiques ») hilalienne ,
version unique et inviolable, mais des variantes plus ou moins denses, plus ou
moins vraisemblables, tantôt en vers, tantôt en prose, tantôt brèves, tantôt
démesurées. Récit profane s’il en fut, et en société islamique, l’épopée ne
pouvait que s’altérer sporadiquement ou s’enrichir en d’autre temps, n’étant
pas supportée par un ressort spirituel » (20) , « Les Hilaliens se
sont tellement sentis dans leur élement naturel au
Maghreb qu’ils ont affecté aux lieux-dits et reliefs leurs propres toponymes
« (p 44), « Les descendants de Hilal, aujourd’hui, surtout quand ils
sont illetrés, ont une tendance réductrice à faire de
tous leurs aieux primitifs des contemporains , voire
des parents du Prophète. Ce qui n’est pas tout à fait innocent. Cette
localisation chronologique induit une double survalorisation de l’agnat ( ndlr : « parenté par les hommes
uniquement ») et de sa
culture » (p 71).
Avis : Etre
patient et passionné par la chose....mais extrêmement enrichissant....pour
savoir combien est complexe (donc diverse et belle) l’histoire sociale d’un pays , le nôtre encore plus.
Citations : « Les premières (les
structures économiques de production et de distribution) peuvent s’améliorer ,
disparaître et être remplacées sans trop de stigmates, la rupture de seconds (
les symboles) en,gendre des traumatismes autrement
plus douloureux » (p 10), « C’est dans les situations sans issue et
périlleuses en un mot qu’émergent les héros » (p 16) , « Tandis que le Japon est demeuré
« le bout du monde » - pauvre en richeses
naturelles et donc peu convoité par surcroît –, l’Algérie est inscrite au
carrefour des migrations, des continents et des cultures « (p 31)