HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN JOSEPH ANDRAS- « DE NOS
FRÈRES BLESSÉS »
De nos frères blessés. Roman de Joseph Andras. Editions Barzakh, Alger
2016 (Actes sud, Paris 2016) , 152 pages, 600 dinars
Pour François Mitterand, le nom Fernand Iveton
est resté (selon B. Stora) comme un « nom
maudit », car il ne cessait de lui rappeler son rôle de maître-bourreau
alors qu’il était ministre Garde des
sceaux sous René Coty dans un
gouvernement (celui de Guy Mollet) menant , en Algérie
occupée, une guerre coloniale sans merçi. Sous
couvert de la « raison d ’Etat », il avait, alors permis , entre
autres, la décapitation de Fernand Iveton, le
militant communiste algérien engagé dans le combat du Fln. Ami de Henri
Maillot, proche du couple Guerroudj, il avait posé
une bombe (préparé par Abderrahmane Taleb) dans l’usine où il travaillait,
l’usine à gaz du Hamma/Alger (en un endroit où il n’y
aurait eu aucune victime) et , dénoncé, avait été arrêté avant qu’elle
n’explose. Ni blessés, ni morts. Elle n’a pas explosé. Et, pourtant, il sera
sauvagement torturé , condamné de manière expéditive à
la peine capitale et exécuté le 11 février 1957 (un de ses avocats n’était
autre que Henri Smadja qui sera, deux jours après la
décapitation, arrêté et emprisonné au Camp de Lodi) .....A peine 30 ans. Le seul Algérien
d’origine européenne guillotiné : Raison
d’Etat ? Sous la pression du gros colonat et des populations facistes d’Algérie ?
Par haine des « bougnoules » et de leurs
« amis » ? Pour l’exemple contre les indépendantistes d’origine
européenne ? Par aveuglement , le pouvoir
enfermant les gouvernants dans des bulles ?
Andras vient enfin redonner vie à un homme
, longtemps oublié, un « pied-noir » engagé pleinement et sans
calcul, amoureux de justice sociale. Mais, dans son combat, il n’avait pas , hélas, été appuyé et soutenu (même par son parti politique d’origine).
Laissé presque seul face à la « machine » infernale de l’ armée coloniale. Heureusement, il y avait
Hélène, son épouse d’origine polonaise, qu’il aimait autant que sa terre,
l’Algérie.
L’Auteur : Né en
1984 en France et vivant en Normandie. C’est là son premier ouvrage.....Lauréat
du Goncourt du premier roman , il le refuse , arguant
qu’une telle récompense serait un « frein » à son « indépendance
d’écriture ». On a de lui une photo (qui n’est, peut-être
, pas la sienne, ) et on dit même qu’il écrit sous peudonyme.
Qui sait ? Voir, pour plus de détails sur l’auteur et le processus de
création de l’œuvre, l’entretien
exclusif avec l’auteur publié in El Watan (Walid Bouchakour) du samedi 28 mai 2016.
Extraits : « La société n’entend pas que l’on
puisse, lorsque l’on est une femme, rêver plus que les contours ne le
permettent –la collectivité tient à garder un œil sur ses ventres, sa chair et
son avenir » (p 50), « Le sang ça sèche plus vite que la
honte : on a obligé des Arabes (à Melbou) à se
mettre à genoux devant le drapeau tricolore et à dire « nous sommes des chiens, Ferhat Abbas est un
chien ». Abbas est un de leurs chefs, et encore. Il est modéré,
lui.... » (p 68)
Avis :Un véritable
« roman-réalité ». La vie et la mort d’un de nos (grands ) héros de la guerre de libération
nationale ...... Une lecture incontournable. Et, si prenante, si
émouvante. De quoi réveiller toutes nos haines ! Une insatisfaction
cependant : en p 85, le bref mais suggestif récit du premier acte d’amour Helène-Fernand . A mon avis, il
est venu comme un « cheveu dans la soupe » brisant le charme d’une
très belle écriture. Chaque lecteur
appréciera ......selon ses goûts !
Citations : «
La mort, c’est une chose, mais l’humiliation ça rentre en dedans, sous la peau,
ça pose ses peties graines de colère et vous bousille
des générations entières » (p 67), « La guerre et la loi n’ont
jamais fait bon ménage » (p 116), « Je vais mourir, mais l’Algérie
sera indépendante » ( Fernand Iveton, p 148)