POPULATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN MATHIAS ENARD- « BOUSSOLE »
Boussole. Roman de
Mathias Enard, Editions Barzakh,
Alger 2015 (Actes Sud, France 2015), 378 pages, 950 dinars.
Un roman qui brasse les lieux , les époques,
les personnages et les langues. Au fil
d’une nuit d’insomnie ,à Vienne (ancienne porte de
l’Empire Ottoman), entre 23 heures et 7 heures, Franz Ritter, un
musicologue viennois ressasse sa vie et ses obsessions. Elles le font remonter
jusqu’au XIXe siècle, pour ranimer de hautes figures de
l’orientalisme.....et rendre justice , entre autres, à tous ceux qui ont œuvré
, par amour de la musique, pour la connaissance des instruments,des
rythmes et des modes des répertoires arabes, turcs ou persans.
Commentaires en vrac de lecteurs et de
critiques, étrangers et nationaux !
« Un sommet d’érudition »...... « Une thèse sous
forme de mémoires »........ « Le récit d’un
insomniaque. ».... « Une méditation hypnotique sur les rapports
avec l’Orient et l’orientalisme »...... « La mélancolie et
l’humanisme en lettres majuscules »....
La meilleure est celle-ci : « Une
valise trop pleine sur laquelle il faut s’asseoir pour parvenir à la fermer . C’est plein à craquer » ...et des phrases
longues ... « longues comme des chapitres ». Références savantes , souvenirs de voyages et
réminiscences de colloques
entraînent le lecteur à Istanbul, Téhéran, Damas, Alep… Deuxième pôle,
aussi rêvé et insaisissable que le premier : Sarah, la femme à laquelle
tout ramène Franz, à la fois érudite et aventurière, éternellement ailleurs.
Sarah dont la mère a passé son enfance à Alger qu’elle a quitté au moment de
l’indépendance pour s’installer à Paris
L’auteur : Né à Niort en 1972,
diplômé de persan et d’arabe, il a beaucoup voyagé au Moyen-Orient notamment.
Toute son œuvre porte la trace de sa passion pour cette partie du monde. Entré
en littérature en 2003 avec « La Perfection du tir » (Actes Sud), il s’est imposé grâce à son
quatrième roman, « Zone » (Actes
Sud, 2008), tour de force sans point, embrassant l’histoire du XXe siècle
sur le bassin méditerranéen, récompensé par (entre autres) le prix Décembre et
le prix du livre Inter.
En 2010,
« Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants » lui avait
valu le prix Goncourt des lycéens. Deux ans plus tard, « Rue
des voleurs » avait été distingué par le prix Liste Goncourt/Le
Choix de l’Orient, autre surgeon du célèbre prix.
Extraits : « L’Europe
a sapé l’Antiquité sous les Syriens, les Irakiens, les Egyptiens ; nos
glorieuses natios se
sont approprié l’universel par leur monopole de la science et de
l’archéologie, dépossédant avec ce pillage les populations colonisées d’un
passé qui, du coup, est facilement vécu comme allogène : Les démolisseurs
écervelés islamistes manient d’autant plus facilement la pelleteuse dans les
cité s antiques qu’ils allient leur profonde bêtise inculte au sentiement plus ou moins diffus que ce patriotisme est une
étrange émanation rétroactive de la puissance étrangère » ( p 55),
« Napoléon Bonaparte est l’inventeur de l’orientalisme » (p 94),
« La révolution dans la musique aux XIXè et XXè siècles devait tout à l’Orient « ( p 120),
« Aujourd’hui, l’Europe est son propre homme malade, vieilli, un corps
abandonné, pendu à son gibet, qui s’observe pourrir en croyant que Paris sera
toujours Paris, dans une trentaine de langues différentes, y compris le
portugais » (p 2015)
Avis : Roman de
l’altérité, sensuel et savant, gonflé de références. Un chef-d’œuvre de
littérature. Pas DE la littérature. Difficilement lisible ...sauf pour ceux qui
aiment l’écriture difficile , souvent illisible. Et, à
dire vrai, Kamel Daoud, mis à part le nombre de livres publié, méritait amplement le prix Goncourt (et , je ne suis pas le seul à le penser......Jack Lang l’a
dit avant moi) .
Citations : « Les
étrangers connaissent mieux une ville que leurs habitants, perdus dans la
routine » (p 18), « La vie est une symphonie de Mahler, elle ne
revient jamais en arrière, jamais sur ses pieds » (p 50),
« L’association sexualité-Orient-violence avait du succès dans l’opinion
publique , jusqu’à aujourd’hui ; un roman sensationnaliste, à défaut
d’être sensationnel » (p 142) , Le
pétrole et l’animal, voilà le goût de l’Arabie « ( p 155), « La
construction d’une identité européenne comme sympathique puzzle de
nationalismes a effacé tout ce qui ne rentrait plus dans ses cases idéologiques.
Adieu différence, adieu diversité ( 313)