POPULATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-ESSAI KAMEL KATEB- « L’EMERGENCE DES FEMMES AU
MAGHREB….. »
L’émergence des
femmes au Maghreb. Une révolution inachevée. Essai de
Kamel Kateb. Apic Editions Alger 2015 , 321 pages, 850 dinars
L’ouvrage fait partie d’une collection
d’ouvrages soutenus par le projet Otma (Observatoire
des Transformations dans le Monde Arabe), mené par l’Ined
et l’Ird (France) .
Pour l’auteur, les transformations qui
surviennent dans le monde arabe sont à
inscrire dans les temporalités propres aux évolutions démographiques
. De ce fait, et les préfaciers ( F. Guérin-Pace et J-Y Moisseron)
sont d’accord avec lui pour dire que « l’émergence de sociétés réclamant
explicitement la démocratie n’est pas seulement le produit d’une conscience
politique soudaine , mais le fruit d’une accumulation de facteurs qui se sont
constitués sur plusieurs décennies à travers plusieurs transitions :
transition démographique, développement économique, révolution informationnelle
, transition énergétique... »
L’auteur
tente tout d’abord de répondre
aux questionnements induits par la problématique du mariage : précoce ou
tardif ?....à travers, entre autres , l’analyse
de la dérégulation lente du marché matrimonial ...la scolarisation et
le prolongement du célibat .
Il y a , ensuite, les conséquences des changements démographiques
sur l’ordre social et religieux (célibat, nuptialité, dissolution du système patriarcal...)
Enfin, il aborde la « révolution
silencieuse au plus profond de la société », produite par une montée en
puissance des femmes, aboutissant sur un « célibat prolongé pour un
système matrimonial plus adapté » et l’ « autonomisation progressive
du mouvement féminin »
A propos du phénomène
« célibat prolongé » , l’auteur nous présente son interprétation de
trois grandes catégories : Celle qui exprime une forme de contestation de
l’ordre « établi sur la base d’une domination sans partage de la gente
masculine, résultat de la compromission des élites avec les forces conservatrices et religieuses ») / Celle (la plus forte proportion ?) qui
aspirerait « à conclure une union sur des bases amoureuses en bénéficiant
de la liberté de choix du conjoint » / Celle (proportion importante des
femmes célibataires.....dont certaines adeptes du modèle dit islamique ) qui
resterait « inscrite dans le cadre du schéma matrimonial traditionnel
....et portée aux compromis nécessaires (voile, seconde épouse...) »
En définitive, c’est la femme maghrébine qui
se retrouve , et pour un bon bout de temps encore , hélas
pour toute la société , prisonnière (tout en détenant la clé de la libération,
ce qui est paradoxal et pourtant....) du débat sans fin, malgré le contexte
international favorable à une égalité totale entre les sexes et un droit internatioanl qui s’impose dans les législations nationales
, autour de son statut dans la société .
Prisonnière des forces qui souhaiteraient une Modernisation de l’Islam et les
partisans de l’ Islamisation de la modernité .
Elle n’a pas fini d’en
« baver » ! Comme toujours.
L’Auteur :Docteur en
démographie , il est chercheur démographe en France . En fait, un parcours de
démographe et d’historien.....mais intellectuel engagé.Auteur
de plusieurs ouvrages : « La fin du mariage traditionnel ?
1876-1998 » en 1998
, « Ecole, population et sociéte en
Algérie » en 2006,« Européens, Indigènes et Juifs en Algérie,
1830-1962 »...
Avis : Etude
comparative rigoureuse et très documentée (annexes fournies.....dont des
« extraits du Coran relatifs à la nuptialité, à la polygamie, aux relations
sexuelles, à la répudiation, à l’adultère......ainsi que les « réserves de
l’Algérie et de la Tunisie sur certains articles de la Cedaw
de décembre 1979 ») . Des clés
d’interprétation du changement social auMaghreb à
travers toutes les dimensions .
Citations : « Le
niveau de mobilisation des femmes maghrébines est probablement en deçà des
besoins, alors qu’elles ont le plus à gagner dans cette révolution silencieuse,
au contraire des hommes, qui auront dans un premier temps à céder une
parcelle d’un pouvoir qu’ils ont détenu sans partage pendant des siècles »( p
151), « Le refus des pouvoirs
politiques et d’une partie de la société d’accepter l’autonomie de pensée des
individus, et leur volonté de limiter l’exercice des libertés individuelles
renforcent les tendances à la mobilisation de la religion (capital symbolique)
sur le terrain politique et juridique » (p 219), « La scolarisation
massive des filles a engagé un processus irréversible de transformation des
sociétés maghrébines qui ne pourrait être remis en cause que par un triomphe
complet d’un projet politique totalitaire génocidaire » ( p 229)