SCIENCES-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH – ROMAN ABDERRAHMANE ZAKAD- « L’INNOCENT »
L’Innocent.
Roman de Abderrahmane Zakad. Editions Baghdadi, Rouiba 2015, 407
pages, 600 dinars
C’est un roman-fiction Orwello-sansalien qui
nous plonge dans une Algérie ruinée, dans les années 2020, suite à la chute d’un énorme astéroïde qui a
embrasé les sables du Sahara , entraînant la soudaine disparition du pétrole et du gaz.
Décidement, c’est une obsession…avec toutes ces
déclarations récentes et récurentes sur l’épuisement
(dans les années 2050) des ressources . La
« cata » (presque souhaitée) dans toute sa splendeur ! A l’heure
où l’on nous parle d’épuisement des ressources pétrolières face à une
consommation nationale qui grimpe, qui grimpe,qui grimpe, de quoi avoir des sueurs froides .
On vous laisse deviner le reste, sur fond d’une
enquête sur les (anciens) détournements
de terrains à bâtir de la capitale, menée par un jeune et ambitieux
journaliste, Réda, qui découvre, peu à
peu , en fouinant dans des archives supposées « disparues », les
coups tordus des mafias et les tristes réalités des années passées. Une Algérie
« fauchée comme les blés », la souveraineté ,la
dignité , l’honneur, les acquis , les biens, les symboles…perdus ou bradés, un
pays ouvert à tous les vents et à toutes les races, sans foi ni lois, réduit à
la mendicité internationale, auprès des
voisins et de l’ancien colonisateur . Heureusement ,
il y a la rencontre avec l’amour, Lilia, une jeune avocate …..ce qui
lui permet de vivre d’espoir et d’eau fraîche ,
devenue bien rare , encore plus rare que le pétrole et l’essence.
Mais là où excelle l’auteur, ce sont ces retours en
arrière , de l’Indépendance jusqu’à la catastrophe : la corruption, le
gaspillage et la gabegie, les détournements, les vols, la hogra,
les trafics en tous genres, l’hypocrisie politique et culturelle, les mafias,
les héros oubliés ou perdus ou exilés, les luttes contre les « moulins à
vent », le journalisme à sensation et manipulateur …De véritables leçons
d’Histoire contemporaine , courtes mais instructives, pour celui qui veut bien
les lire de manière attentionnée. A mon sens , il y a
un peu trop de boumedienisme et la nostalgie d’une
agriculture , bouée de sauvetage et moteur du développement. La maladie
infantile des sexagénaires et plus ..qui ont raté
leurs années 70-80 !
Bref, un roman (presque) noir,
surréaliste, émaillé de traits d’humour
pleins de vérité (ex :« L’Algérie est le
seul pays au monde où un produit avarié coûte plus cher que le produit frais. Elben et le Rayeb avariés coûtent
plus cher que le lait… »/ « La peinture en Algérie, c’est comme le falmenco pour les esquimaux » / La Casbah ? Les
français l’ont charcutée, les algériens l’ont suicidée »
) et de mots
« sculptés ».....à la « Zakad ».
Dans tout cela , heureusement,il y a
l’arrivée d’un sauveur, jeune, aux idées plein la tête, un Algérien de France,
une sorte de Neggaz,
qui va redresser la barre et,
heureusement , aux « innocents les mains pleines », il y a l’Amour ,
grâce à Lilia, devenue une épouse
aimante , aimée, et paralysée suite à un attentat commis par la mafia du fonsier
L’Auteur : Né à
Sétif en 1938, ancien officier de l’Aln puis de l’Anp ayant quitté l’uniforme en 1964 ,
urbaniste ,Abderrahmane Zakad a écrit une dizaine de
romans qui traitent de la société algérienne en transformation (tradition,
mœurs, coutumes) , et des recueils de poésie
. En plus de ses œuvres littéraires, l’auteur s’intéresse au patrimoine
.Il a réalisé trois films documentaires à caractère socio-urbanistique
Avis : Histoire très
rythmée, tenant en haleine. Un roman trop vrai ! C’est , en fait, le roman « Les Amours
d’un Journaliste », publié à compte
d’auteur en 2012 , 342 pages, 500 dinars, (bien avant
« 2014, la fin du monde » et avec une autre style d’écriture ,
certes « travaillée », recherchée,
mais plus populaire ) mais revu et
augmenté. Trop de digressions se voulant explicatives...une maladie
nationale. Peu attrayant sur le plan technique.Le
métier d’éditeur qui rentre ?
Citations : « Quand
une chose est spécifique n’ayant ni auteur, ni origine, ni expérimentation et
ni histoire, il ne faut s’attendre qu’a une
catastrophe spécifique » (p 16), « En mathématiques, la
constante de Planck permet de résoudre des équations insolubles, en politique,
les constantes, c’est la planque » ( p27), « Le sida , la
maladie du siècle, trente millions dans le monde , mais l’Algérie n’était pas
trop atteinte….. parce que le virus refuse d’occuper
des corps improductifs. Y a rien à bouffer » (p 30), « La raison d’Etat s’est employée à nous distraire
de notre histoire et nous avons abdiqué. Nos historiens jouent au foot sur un
terrain de volley » (p 38), « Les fonctionnaires ont toujours une
peur bleue des journalistes, le silence est leur sac de couchage » (p
140), « Devant la hogra, un homme seul se
morfond, deux hommes raisonnent, dix hommes protestent, cent se révoltent et
une foule saccage » (p 194),