CULTURE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ETUDE TASSADIT YACINE- « AIT MENGUELLET CHANTE… »
Ait Menguellet chante.......Etude de Tassadit
Yacine (préface de Kateb Yacine). Editions Alpha, Alger 2008 (Editions La
Découverte, Paris, 1989 et Editions Bouchène/Awal, Alger 1990) , 516 pages, 1 200 dinars
Incontestablement, Lounis
Ait Menguellet est un des plus grands poètes du pays.
Lorsqu’il chante (ses poèmes) , c’est lui qui
rassemble le plus de foules
frémissantes...Car, il va droit au cœur. « Il touche, il bouleverse, il
fustige les indifférents »
Quand la guerre de libération éclate, Lounis (Abdennebi) n’a que quatre
ans . A la victoire, il en a douze...Mais il se
souvient avoir vu , «
criblé de balles, un jeune soldat .... ». « N’y a –t-il pas mieux
qu’un climat de guerre pour faire apprécier les moindres bienfaits de la
vie » . D’où son « combat ».
Peut-être ! En tout cas, cela marque pour toujours. Une de ses chansons la
plus écoutée , la plus émouvante, la plus prenante ,
la plus marquante est bien Amjahed (Le Combattant) : « Le corps de son mari
est parti en morceaux/Ravi par le plomb/ Son nom au vent s’est envolé »
Il commence à chanter en 1967. Il aime la poésie , mais les contraintes et les servitudes que le
métier impose freinent son élan. La culture acquise danns
les grandes villes (dont l’arabe algérien appris en peu de temps) vient se
superposer au fonds culturel ancien, commun au patrimoine universel, mélangé à la réalité des paysans kabyles.
L’ouvrage est , en
grande partie, consacré aux chansons/poèmes : 63 d’amour et de
nostalgie......et 104 politiques...toutes
en kabyle et en français.....
Kateb Yacine, dans sa préface avait (en 1989
ou 1990) émis un vœu : « Cette première traduction devrait être
suivie de sa réplique en langue arabe ».
Que Dieu ..et les éditeurs l’entendent !
Pour l’instant, pas encore.
L’Auteure : Directrice
d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, chercheur au
laboratoire d’anthropologie sociale (Cnrs/France)......directrice d’une revue (Awal).....spécialiste de l’anthropologie culturelle
consacrée au monde berbère
Avis: Amoureux de
poésie et de chants berbères engagés , admirateurs de
Ait Menguellet, lecteurs et/ou apprenants de
tamazight......Un recueil incontournable d’un « poète au cœur du
monde...et du peuple »
Citations
: « L’Algérie offre le spectacle d’un pays subjugué par la
mythologie de la nation arabe, car c’est au nom de l’arabisation qu’on réprime
tamazight » (Kateb Yacine, préface,
p 17), « Le vide ( divin ou naturel) fait
fuir (ilem yessewhac). Il
est immense, il désintègre l’être, le rend minuscule devant la grandeur de
l’abîme. Il est signe de la non-existence, de la fin des fins » (p 36),
« La haine du poète est en réalité une forme d’amour retourné » (p
40) , « La langue –voix, culture – frappée de mutisme depuis l’Antiquité
souffre de mort....elle s’éteint avec le temps (comme la mère que guettent les
ans) avec la puissance des dominants et aussi la faiblesse –ou le consentement
– des dominés (p 52), « La chanson est souvent le mode d’expression des
minorités dominées culturellement . Mode d’expression mais aussi et peut-être
plus fréquemment encore, instrument de revendication identitaire » (p 82),
« Quand tu auras changé de place/Quelquefois interroge ton cœur /Il te
rappellera le passé/ Et tout ce que ta
main a brisé » (Ait Menguellet Lounis, Poème « Ṛuḥ
eǧǧ-iyi/Quitte-moi »,
Extrait, pp 224-225-226-227) « Le verbe est immortel/Alors que l’homme
meurt/ Quand le verbe a jailli/ Toute génération qui le veut le trouve/ Sans
doute vaut-il mieux prendre la parole/ Dis-la avant qu’il ne soit trop tard
« (Ait Menguellet Lounis,
Poème « Targit/ Rêve », Extrait, pp
453-454-455 )