POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN MAZOUZ OULD ABDERRAHMANE- « LE CAFE MAURE »
« Le Café maure. Roman
de Mazouz Ould
Abderrahmane. Editions Sedia,
Alger 2014 (Editions Tryptique, 2013) , 207 pages, 650
dinars
Le Café , c’est , durant les années 50 (comme le hammam pour
les femmes), le lieu de rencontres incontournable des
hommes du quartier ou de la cité.
A Tijditt, petit port balayé par le sirocco, dans le quartier
de la Souika, il y
en avait quatre. Mais celui qui était toujours bondé de monde, tous les jours, c’était celui qui
avait pour « enseigne » le Café maure. Des chômeurs qui ne
voulaient pas travailler pour les « roumis » , des chômeurs qui
voulaient travailler mais qui ne trouvaient pas de travail, des talebs
survivant de lectures du Coran et se chamaillant sur un détail pendant des
jours , des « rebelles » (syndicalistes et politiques) , dont
certains revenus du bagne, des indics, des jeunes intellos discutant des « révolutions »
(française, américaine, russe, chinoise....) , des nationalistes partagés sur
le « zaïm » à la longue barbe , des fumeurs
de kif, le pêcheur magique, le Derouiche silencieux
.... Et, au milieu de tout ça, un jeune orphelin, Fekir, ne comprenant encore rien aux discussions et
aux querelles qui n’en finissaient pas. Et ,avec ça,
les continuelles descentes de police...juste après une chaude discussion dite
(par l’indic de service !) politique.
Une société
vivant à part...et ,avec la population européenne, les
seuls contacts (en dehors de la police ) étaient les matches de football
inter-quartiers , toujours assez rudes
sinon se terminant dans les coups et le sang,....les jeunes européens ne
voulant jamais admettre la défaite.
Une ambiance
lourde, insupportable dans une société partagée, parfois déchirée.
Heureusement, pour notre jeune héros, il y a encore beaucoup
d’interrogations...il y a , aussi, la découverte de l’amour (impossible) pour une jeune fille
en fleurs (européenne....mais non pied-noir) et de l’amour raisonné pour celle
qui va devenir, très tôt , sa femme .Il y a , enfin, la guerre...et la
mort du poète s’écriant « Liberté ».... Comme dans un conte. Comme
dans un songe.
L’Auteur : Il est
né à Mostaganem en janvier 1941 et il est décédé à Montréal en décembre 2012.
Et, hélas, c’est là son unique roman (écrit dans les années 90 et édité ,pour la première fois, en janvier 2013 à titre
posthume). Il a été acteur dans une troupe (Les Garagouzes) de son frère aîné , Ould Abderrahmane Kaki et
membre fondateur, en 1962, du Tna. Il a interprété
plusieurs rôles dans des films algériens (La Nuit a peur du soleil, l’Aube des damnés, La Voie, Les Hors la loi,
la Bataille d’Alger...). Installé au Canada à partir de 1977, il a écrit
les scénarios de plusieurs courts et longs métrages et a conçu de nombreuses
mises en scène et des films de recherche en numérique.
Avis : A lire
ne serait-ce que pour se pénétrer de l’ambiance politique et sociale du pays
dans les années 50, juste avant le déclenchement de la guerre de libération
nationale. Ecriture fluide ......comme un conte !
Citations : «
C’est quoi le bisenesse....Tout dans l’emballage, peu
de marchandise » ( p 87) , « Derrière chaque légende se cache une
vérité pas bonne à révéler » (p 102), « Tous les malheurs font de
belles légendes. C’est commença que naissent les traditions » (p 103),
« Quand on est en politique, c’est des vivants qu’on s’occupe, pas des
morts « (p 182), « Malgré tout leur bagage de savoir, les
intellectuels étaient condamnés à enculer les mouches comme tout le monde. Si ,par malheur, ils osaient sortir du rang pour dénoncer ou
prouver quoi que ce fût, ils étaient condamnés à l’exil ou disparaissaient
« accidentellement » (p 182)