HISTOIRE- GUERRE DE LIBERATION NATIONALE- COLONEL LOTFI- LETTRE
A SON EPOUSE
Le 27 mars 1960
tombait au champ d’honneur à Djebel Béchar le colonel Lotfi, de son vrai nom
Benali Boudghène. Il avait 26 ans. Le 16 mars, il
avait écrit une lettre émouvante à sa femme, une lettre d’adieu, et surtout une
lettre d’amour que nous devons connaître :
"A ma très chère femme,
Je m’excuse à l’avance de n’avoir pas osé t’annoncer de vive
voix ce que je vais t’écrire. J’espère que lorsque tu recevras cette lettre, je
serai bien loin en Algérie, ma Patrie Chérie.
En effet, je suis en pleins préparatifs et je dois rejoindre
l’intérieur dans les plus brefs délais. Je crois ne t’apprendre rien de neuf en
te disant que c’est la seule place possible pour moi en ce moment. Il m’est
devenu impossible, intolérable, insoutenable de continuer à vivre à
l’extérieur, ceci en dehors de toute considération de quelqu’un d’autre que ce
soit. Ensuite, en tant que chef, que Révolutionnaire, qu’idéaliste imbu de
principes, je dois être aux côtés de mes hommes pour les soutenir et du Peuple
pour le réconforter et renforcer son moral.
De ton côté, je crois avoir tout fait pour t’ôter dès le premier
jour toute illusion concernant ma présence à tes côtés tant que durerait la
Révolution. Je t’ai toujours dit que je n’ai été et que je ne suis que par la
Révolution et pour la Révolution. Il m’est même très difficile d’envisager pour
moi une autre vie que la vie Révolutionnaire. Je te demanderai donc de faire
preuve de beaucoup de courage et de patience ; je sais que tu en es capable. De
mon côté, j’espère que tout se passera bien. Dans le cas contraire, j’aurais
connu la plus belle fin qu’aurait pu souhaiter et rêver un jeune
Révolutionnaire. Alors il faudra que tu fasses preuve de beaucoup plus de
courage encore. Tu pourras être très fière de ton mari et celui que je te
confie, mon fils, le sera aussi beaucoup de son père. Au nom de l’Algérie, pour
laquelle j’aurais vécu et j’aurais tout donné, et au nom de notre Amour, je te
recommande instamment de veiller sur mon fils, sur son éducation, de lui donner
une très solide instruction et d’en faire surtout un grand Nationaliste et un
grand Révolutionnaire capable de réaliser ce que son père n’aura pas pu faire
parce que la vie ne lui aura pas accordé assez de temps.
En ce qui te concerne personnellement, je te recommande encore
une dernière fois de t’améliorer, de te perfectionner, d’approfondir tes
connaissances et d’être toujours à l’avant-garde des jeunes femmes algériennes
et un exemple sans reproche aucun.
C’est tout. Embrasse pour moi toute la famille.
Je t’embrasse. »