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Gardiens de but: Un rôle ingrat mais reconnu
© Adjal Lahouari/Le Quotidein
d’Oran, mercredi 1 juillet 2020-07-01
En
raison de cet arrêt forcé des compétitions, il nous a paru utile d'évoquer les
postes du sport-roi. Celui du gardien demeure le plus spécifique et a été de
tout temps d'une importance capitale, puisque c'est lui qui doit veiller à ce
que le ballon ne pénètre pas dans ses bois, du fait que c'est le principal
objectif des 20 joueurs de champ. Depuis 1863, dès la naissance effective du
football en Angleterre, bien des comportements ont été observés chez ces
joueurs à part en fonction des modifications des lois du jeu et des systèmes en
vogue toutes périodes confondues, où les indispensables qualités sont requises
pour ce rôle tantôt ingrat, tantôt revalorisant selon la tournure du match.
L'équipe qui a un très grand gardien possède, au départ, un plus qui peut
s'avérer déterminant.
On a souvent vu des gardiens à l'origine de grandes victoires. Il n'empêche
aussi que, parfois, il s'agit d'une fonction très exposée et objet de
critiques. Car, si on peut pardonner une erreur à un joueur de champ, il n'en
est pas de même pour un gardien, ses fautes étant irréparables et fatales.
Derrière lui, il n'y a que… les filets. De grandes qualités sont
donc exigées pour s'acquitter de cette fonction. Les experts en charge de la
préparation spécifique des gardiens s'accordent à dire qu'il est très
souhaitable que ces derniers possèdent de préférence le gabarit, évidemment
très utile sur les balles aériennes. Mais il est arrivé que des gardiens de
petite ou moyenne taille réalisent de bonnes carrières, compensant le handicap
de la taille par le sens du placement, la souplesse et l'explosivité. Ces
dernières décennies, les clubs ont opté pour des keepers de grande envergure
pour s'imposer dans le jeu aérien et fermer les angles de tir. Aujourd'hui, les
gardiens ont leurs propres entraîneurs avec des séances à la carte.
Vocation et aboutissement
Comment devient-on gardien de but ? Souvent, c'est par vocation et par
nécessité. Il y en a qui, dès leur jeune âge, rêvent d'occuper ce poste parce
qu'ils ont une idole. Il existe des cas où le jeune opte pour cette fonction
parce qu'il n'est pas habile avec ses pieds. Parfois il s'agit de
l'aboutissement d'une sélection naturelle qui débute dès l'enfance. Une
sélection qui naît et prend forme sur les terrains vagues et dans la rue entre
deux pierres. Il est admis que les enfants les plus doués évoluent devant,
alors que les moins bons sont défenseurs ou gardiens de but. Tous les enfants
veulent taper sur une balle, un réflexe naturel face à un ballon. A ce propos,
on se souvient qu'un grand débat contradictoire a eu lieu en France, entre
l'expert Gabriel Hanot et un grand spécialiste de l'athlétisme, Gaston Meyer.
Ce dernier a soutenu que le premier sport de l'homme, c'est la marche, fonction
naturelle dès les premiers pas du bébé. Quant à Gabriel Hanot, il a estimé que
c'est le football, allusion au réflexe énuméré plus haut, taper sur la balle.
Dans tous les pays du monde, les enfants sont « joueurs » et créatifs, et
n'apprécient guère de rester figés entre les poteaux pendant que leurs
camarades savourent la joie de jouer. L'exemple le plus significatif nous vient
du Brésil, le pays du football par excellence, qui a sorti des milliers
d'artistes (dont Pelé), et qui a déploré le manque de grands gardiens. On se
souvient que l'un d'eux, Barbosa, a été « maudit » par les supporters pour
avoir encaissé deux buts en finale de la Coupe du monde 1950, au stade Maracana
de Rio de Janeiro face à une équipe d'Uruguay de niveau inférieur, alors qu'un
nul suffisait aux Brésiliens pour être sacrés champions du monde. Depuis ce
jour, Barbosa a vécu 43 ans l'enfer jusqu'à sa mort en 2000. Le Brésil prendra
sa revanche 8 ans plus tard, avec dans les bois un Gilmar plus rassurant et qui
a récidivé en 1962 au Chili. On rappellera que c'est ce même Gilmar que Freha a
battu le 9 février 1969 au stade Zabana. Il était, en tout cas, plus sûr que
ses successeurs, Félix, Manga, Leao et Taffarel.
Par le passé, découvrir un bon gardien au Brésil était aléatoire. Aujourd'hui,
les Brésiliens sont ravis d'avoir un grand gardien, Becker Allison, le meilleur
assurément avec le Slovène Jan Oblak (Atlético Madrid) qui constitue une belle
assurance dans les bois du club madrilène. Les autres pays d'Amérique latine
ont été plus heureux avec de grands keepers, qui ont contribué à la belle
histoire des gardiens de but. L'Argentine a eu un gardien fantastique, Hugo
Gatti, qui a donné beaucoup de frayeurs à ses coéquipiers en sortant balle au
pied jusqu'à la ligne médiane.
Aujourd'hui, on dit du gardien qu'il est aussi le premier attaquant par ses
relances précises surtout à la main. De nos jours, les gardiens effectuent des
relances précises à la main et même avec les pieds, ce qui est préférable aux
longs dégagements invariablement récupérés par l'adversaire. D'ailleurs, les
entraîneurs cotés cherchent toujours un gardien habile avec ses pieds, en somme
la première exigence.
Des noms pour mémoire
Il est évident que, depuis la Coupe du monde 1930 en Uruguay, les gardiens de
but se sont fait une place au soleil, devenant même les vedettes de leurs
équipes nationales. On imagine que la liste est très longue à dresser.
Néanmoins, et sauf oubli de notre part, nous allons citer ceux qui se sont
illustrés à l'échelle internationale. Ballestero (Uruguay), Planika
(Tchécoslovaquie), Hiden (Autriche), Di Lorto (France), Zamora, Remallets,
Zubizarreta (Espagne), Dossat, Baghdad (Algérie), Belmeki (Maroc), Darni,
Vignal (France), Beara (Yougoslavie), Ibrir (Algérie), Boubekeur (Algérie),
Zeman (Autriche), Schrof (Tchécoslovaquie), Carbajal, (Mexique), Si Mohamed
(Maroc), Fayçal (Soudan), Attouga (Tunisie), Banks (Angleterre), Mazurkiewicz
(Uruguay), Oliveri, Combi, Zoff (Italie), Gilmar, Taffarel (Brésil), Gregg
(Irlande du Nord), Grosics (Hongrie), Turek (RFA), Tilkowski, Maïer,
Schumacher, Neuer, Kahn (Allemagne), Albertosi, Buffon (Italie), Filliol,
Botasso, (Argentine), Jongbloed (Pays-Bas), Allal (Maroc), El Batal (Egypte),
Zaki (Maroc), Rufai (Nigéria), Shilton (Angleterre), Bell, N'kono (Cameroun),
Shoubeir, El Hadary (Egypte), Dassaev, Yachine (URSS), Curkovic (Yougoslavie),
Fillol (Argentine), Grobebarr (Zimbabwe), Gatti (Argentine), Gouaméné (Côté
d'Ivoire), Chabala (Zambie), Mensah (Ghana), Barthez (France), Casillas
(Espagne) Pfaff, Prudhomme (Belgique).
Un fait est certain, les gardiens «durent » plus souvent que les joueurs de
champ et plusieurs d'entre eux ont franchi la barre de la quarantaine, bloquant
leurs rivaux plus jeunes. A ce propos, on citera une anecdote, racontée par
Miloud, éternel remplaçant de Baghdad Aboukebir à l'USMO. Découragé, le
remplaçant s'est plaint auprès du titulaire, lequel lui a conseillé de
travailler plus pour avoir une chance. Réplique de Miloud : « J'ai toujours
travaillé dur, mais pour que je joue, il faudrait que je te tue » ! Notons
néanmoins que Miloud a gardé les bois plusieurs fois comme titulaire. Sans
doute parce que Baghdad était malade ou grippé ! Pour sa part, l'Ouest a eu de
grands gardiens avant 1962, tels Dossat (ASMO), Baghdad (USMO), Lechman (PGS),
Barbier (GCO), Cecilio (CDJ), Carisio (GCO), Jorro (AGSM), Numez (CDJ), Di Orio,
Bottini (SCBA), Gracia (GCO), Dey et Benyounes (USMBA), Vissus (USST), Vitalis
(GCM), Botella (Marsa), Arroumia et Zoubir (USMO), Moreonte et Cuesta (FCO).
Une mention spéciale pour Boubekeur et Doudou, gardiens de l'équipe du FLN
1958-1962.
Le 16 octobre 1962 à Oran, c'est le duo Nassou-Dey qui a été aligné lors de la
première rencontre internationale entre une sélection algérienne et le club de
Nîmes entraîné par l'Oranais Abdelkader Firoud. Score 2 à 1 pour les Français
et où Bouhizeb (SCMO) a inscrit le premier but. Zerga (MCA) a eu sa période de
gloire en succédant à Boubekeur jusqu'à fin 1968, après les réserves formulées
par les Tunisiens. En effet, Zerga a joué pour la Tunisie à 17 reprises avant
l'indépendance de l'Algérie, documents et photos à l'appui ! Début avril 2020,
nous avons apprécié un reportage à la télévision sur le grand gardien tunisien
Attouga avec les témoignages de Belloumi et Bencheikh. Ils ont loué les grandes
qualités de ce gardien qui a disputé la « petite coupe du monde » au Brésil
avec Hadefi et Tahar Benferhat. Suite à cette menace de réserves contre Zerga,
la voie était ouverte pour ses successeurs Abrouk, Nassou, Krimo, Laribi Krimo,
Ounès, El Okbi et Amar. Puis, ce fut tour à tour Tahir, Gaga, Blame, Hanchi,
Kaoua, Ouchen, Bouachaoui, Teldja, Aït-Mouhoub, Salguia, Harb, Naidja, El Am,
Ghaffour, Bentalâa, Larbi, Amara, Cerbah, Drid, Benmiloudi, Kadri, Osmani,
Boudjelti, Laouar, Hanniched, Acimi, Hamenad, Bellouti, Allane, Benabdellah,
Mezaïr, Baghloul, Bougherara, Saoula, Ould Mata, Abdouni, Bensahnoun, Samadi,
Gaouaoui, Benmellat, Chaouchi, Zemmamouche, Si Mohamed Cedrid, Douklha et
M'bolhi.
A l'Ouest, il y a eu des gardiens qui ont effectué des carrières fort
honorables, tels Benalioua et Zimermane (MCS), Baker (GCM), Gasbaoui (USMO),
Lagha (EMO), Ouahrani, Amar, Belkhater (ASMO), Sensaoui et Mohcen (USMO),
Trari, Djeffel, Mazari, Darki, Moumern, Belhadj Mohcen et Bouazza (SCMO),
Markovic, Verdier (WAT), Benchenina (RCR), Mazari, Emtir (RCGO), Kara, Larbi
(MCO), Hadir (CCS), Hanifi (EMO, SCMO et USMO), Salguia, Hachouti (SAM), Sebaâ
(USMO, MCO), Boussaid 1 et 2 (USMO), Berkane Krachai (MCO), Fellah, Amar,
Merziani, Bahi et Tsaki (USMBA), Sadek (ASO), les frères Aït Zeggah (ASMO),
Abrouk et Benchiha (USMO, MCO, RCR), Ould Moussa (ESM), sans oublier les
anciens qui les ont précédés, tels Benaouda (ESM et JSM Tlemcen), Arroumia
(USMO), Zoubir (EMO, USMO ) et Guendouz (ASM). Mention spéciale au gardien du
WAT Bessaoud, qui n'a pas encaissé de but durant 12 matches, à tel point que le
sélectionneur national Zouba s'est déplacé à Tlemcen pour le superviser. Cette
liste, arrêtée à la décennie 80, est forcément incomplète. De différents
gabarits, chacun avait son style et ont réussi à se faire une place au soleil.
Ce qui les a différenciés des gardiens actuels, c'est qu'ils avaient l'amour du
club et l'envie de jouer. C'étaient des « amateurs » qui méritent le plus grand
respect. Certains devaient concilier leurs études ou leurs professions avec
leurs carrières. Ils étaient contraints d'effectuer toute une gymnastique pour
s'entraîner, étant donné qu'ils devaient s'acquitter de leurs obligations. Ils
avaient, au départ, un même objectif : ne pas encaisser de but ou le moins
possible. Qu'ils considèrent ce rappel comme un hommage de notre part. Et que
les oubliés involontairement de notre part nous pardonnent.