EDUCATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI TESSA AHMED – « L’IMPOSSIBLE ERADICATION.
L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS EN ALGERIE »
L’impossible
éradication. L’enseignement du français en Algérie. Essai de Ahmed Tessa (préface de
Amine Zaoui). Editions Barzakh,
Alger 2015, 213 pages, 730 dinars
C’est bien vrai ce qu’avance le
préfacier : le livre nous plonge dans un roman historique
cauchemardesque !
A travers son essai, Ahmed Tessa remonte le temps présent, celui d’après
l’Indépendance, pour nous retracer le processus (forcé et accéléré) d’arabisation et de dé-francisation
du système éducatif national ; la politique ,
l’idéologie, le chauvinisme, le national-baâthisme et
l’esprit de « vengeance » (inexpliqué mais explicable ) étant assez
présents. Résultat des courses après plus de cinquante ans : notre système
éducatif (de l’école primaire à l’université) baigne dans une ignorance
certaine, flirtant sans cesse avec les bas des tableaux des divers classements
internationaux ….les premiers résultats de la catastrophe éducationnelle
apparaissant clairement au milieu des années 80. Ne pas s ’étonner
donc des dérives cultuelles et sociétales qui ont suivi !
En fait, ce n’est pas langue arabe en
elle-même qui est la coupable. Le seul et unique coupable
,selon l’essayiste, pédagogue averti et observateur chevronné du paysage
éducationnel national (et international), ce sont les orientations
politico-idéologiques qui ont décrété la généralisation aveugle et « au
forceps » de l’arabisation du système scolaire , nonobstant le fait que
les filières scientifiques de l’enseignement universitaire continuaient d’être
assurées en français …..D’où les dysfonctionnements qui mineront l’école et
l’université sur plusieurs décennies. Entre autres,et l’auteur en parle, par ailleurs, une conséquence
grave : la (mé-)
connaissance, de notre patrimoine
culturel historique et socio-politique (accumulé durant les premières décennies et
même avant) , par les nouvelles
générations (post-80 surtout) arabisées sans connaissance de la langue
française.
Autres conséquence grave ; la mise en
place d’une école à deux vitesses (à « deux collèges » pour reprendre
le vocable colonial) , l’une destinée aux « enfants du peuple »,
l’autre n’étant à la portée que des nantis (soit par l’envoi à l’étranger, soit
dans les écoles privées de plus en plus nombreuses, et pour les enfants de la
nomenklatura (dont beaucoup d’apôtres de l’arabisation forcenée) ,
l’établissement français (Lycée Bouâmama, ex-Descartes
auparavant ou Lycée international
maintenant)
L’auteur présente bien l’étude de l’existant, l’analyse des causes
et un diagnostic ainsi qu’il fournit des
propositions pour s’en sortir. Sur la base du concept de l’« Education
transculturelle » . Les efforts de l’actuelle
ministre de l’Education nationale vont dans
ce sens. Mais, sachant combien de « projets de réformes » , combien de « commissions » et combien de ministres ont déjà «
échoué », l’optimisme n’a pas le vent en poupe. On continuera donc, et on
ne le souhaite pas pour le bien du pays et des ses enfants, à « sabiriser » le français, à baragouiner l’arabe , à miser sur le tamazigh, à fuir vers l’anglais
quand ce n’est pas le chinois et à
construire une nouvelle langue algérienne, porteuse d’ « identité
meurtrière » , comprise seulement par ses élèves . Sauf si on laisse Mme Benghabrit, la ministre en poste , aller jusqu’au bout de sa stratégie ! Ce
qui n’est pas sûr.
L’Auteur : Il est
(ancien) normalien et il a exercé dans
tous les cycles du système scolaire. La retraite venue, il a fondé la première revue d’éducation
(bilingue) consacrée à « L’Ecole et le vie » (titre), de 1992 à 1998.
Collaborateur aux rubriques Education de plusieurs revues et journaux algériens
comme El Watan , il participe également à des émissions éducatives radiophoniques
(dans les trois langues : français, arabe et tamazigh) . Il a même été ,un certain temps , conseiller chargé de la
Communication, au ministère de l’Education nationale
Avis : A ne
rater sous aucun prétexte…mais attention à l’apoplexie ; le conseil , cette-fois ci, étant adressé aux francophones dont
les enfants ont été victimes de la « mise à l’écart » . Un livre à
traduire en arabe et en tamazight, absolument, si l’on veut qu’il y ait, enfin,
une prise de conscience générale et nationale …..Bien qu’il soit
, à mon avis, trop tard !
Citations : «
En Algérie, on réfléchit et on gouverne en français. Le français est la langue
du pouvoir et pour le pouvoir. Langue de la décision ! En Algérie, on prie
et on prêche en arabe. L’arabe est la langue de la religion musulmane et du
religieux. En Algérie, on milite et on chante en tamazight. Le tamazight
est une langue de résistance et de la chanson engagées. Chant juste et de
justice » (p 13), A bien des égards, l’Algérie
« révolutionnaire » a réussi l’impensable : mettre une école à
deux vitesses ou, pour reprendre le vocable colonial, une école à deux
collèges » (p 27, Amine Zaoui, préface),
« Le pouvoir politique a arabisé l’école au même rythme qu’il a
nationalisé les terres et les entreprises privées : d’un simple trait de
plume sur un décret ou une loi » (p 53), « Le processus
d’arabisation tel qu’il a été mené reflète la stratégie du conflit » (p
55) , « Pire que le choc des civilisations , c’est le choc des ignorances
qui guette les pays monolingues » (p 145), « Le patriotisme ne se
lit ni dans la couleur de la peau, ni dans l’idiome parlé et ni dans la
religion pratiquée. Il se vit par l’intensité qui rattache l’être humain au sol
natal » (188).