HISTOIRE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN MAÏSSA BEY- “HIZYA”
Hizya. Roman de Maïssa
Bey. Editions Barzakh, Alger 2015, 297 pages (+ 18 pages d’un très, très beau
cadeau ; le poème intégral, en
arabe et en français – une traduction de Constantin Louis Sonneck
datant de 1902 - Hizya de Mohamed
Ben Guittoun, avec ses notes explicatives
), 900 dinars
En somme, l’histoire est assez banale…….et
c’est ce qui fait son importance. En ce sens qu’elle concerne toute une
population de jeunes ….filles en fleurs……vivant dans une société entourée de
modernité mais encore bloquée dans des archaïsmes sociétaux .
Un monde en voie de disparition mais qui résiste, qui résiste, brimant ou
brisant les espoirs et , parfois, des vies.
Elle a 23 ans, elle
vit au sein d’une famille modeste dans
une habitation modeste non loin de la
Casbah d’Alger. Père modeste s’accrochant à la « famille
révolutionnaire » et mère modeste
attachée aux traditions. Elle a réussi à faire des études
universitaires, mais, hélas, le chômage l’oblige à exercer un autre métier dans
un salon de coiffure ….pour dames, bien sûr….défouloir emblématique de la société
. On s’y raconte tout ou presque tout. Plus et mieux qu’au hammam.
Son drame, être toujours célibataire…Son
autre drame, elle s’appelle Hizya et elle est
totalement possédée par le fameux poème
de Mohamed Ben Guitoun (1878) qui a chanté l’amour
fou de l’autre Hyzya , la légende des Hauts plateaux, pour Sayed son cousin .
Elle veut vivre un grand amour ! Hélas, elle n’a pas de cousin.
Un véritable combat ,
harassant, épuisant qu’elle raconte en contant la société qui l’entoure :
sa famille, ses collègues, la rue ….et ses rencontres amoureuses. Oh, pas
beaucoup. Dans une quasi-clandestinité et la peur au ventre. Oh, pas
beaucoup ! La première ! Classique, normale, grâce au hasard. Un
jeune homme de famille modeste mais bien
nanti et bien de sa personne (voiture, commerce, appartement
, respectueux des conventions….bref respectable et il ne va pas
imposer – pas encore- le foulard). Pas le coup de foudre mais un
coup de blues pour voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. La seconde ! Imposée…par quelqu’un aussi fou de Hyzia qu’elle . Pas beau mais pas moche . Il la poursuit
de regards et de messages adorateurs….En fin de compte
,elle refuse le second, pourtant correspondant à ce dont elle a toujours
rêvé et se « plie » aux
conventions sociales établies en continuant sa route avec le premier (le pas
mal de sa personne) . Une vie « normale », banale ,
l’attend. Elle le sait, bien loin de ses rêves et de celui qui l’aime
« comme un fou » et qui a su se retirer sans faire d’histoires ….Dur,
dur, de se sortir d’une réalité et d’une société qui interdit le rêve.
L’Auteur : Née en 1950 à
Ksar El Boukhari, études universitaires, enseignante
de français, militante active de l’action associative (en faveur du livre et de
la lecture) , auteure d’un grand nombre de romans (des poèmes , des
nouvelles et des pièces de théâtre aussi) et lauréate de plusieurs prix (Grand
prix des libraires algériens pour l’ensemble de son œuvre en 2005, Grand prix
du roman francophone du Sila 2008…..) , vivant en
Algérie …… Elle n’est plus à présenter .
Avis : Un véritable
manuel d’émancipation féminine (avortée !). Bien écrit comme toujours ,
bien sûr ! Ecriture à deux voix assez originale: l’une qui raconte la
vraie vie , quotidienne, à la première personne du singulier (le
« je ») , l’autre (la voix du
subconscient) qui revient sur les contradictions de la société et sur la vie
intime.
Citations : « Les
barreaux aux fenêtres……Les barreaux existent toujours. C’est, même, dans la
plupart des maisons, l’un des rares éléments architecturaux que l’usure du
temps a épargnés » (p 59), «
Famille : ensemble d’individus dont chacun ne donne à voir que la partie
éclairée de lui-même. Quand il n’est pas totalement enfermé dans sa bulle
» (p 75), « Dès que tu parles de liberté, ici, on pense sexe,
débauche et coucheries. Ce mot-là, « liberté » ,
ne peut pas, ne doit pas être conjugué au féminin. C’est quoi, une femme
libre ? Une pute, rien de moins , rien de
plus ! » (p 97), « A
quoi ça sert la peinture, la beauté, la
culture ? A rien, à rien !Ça ne change rien
à ta vie, à votre vie. Si, mais si……ça te fait prendre davantage conscience du
reste » ( p 166), « C’est la matière des
rêves qui nous aide à supporter la lumière du jour » (p 199),
« Finalement, les jeunes ont bien raison d’écouter des chansons raï……Elles
clament haut et fort ce qui ne se dit pas. Ce qui ne doit surtout pas se dire.
Leur vie. Leurs désirs… » (p 245)