CULTURE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- MEMOIRES GUY BEDOS- « MEMOIRES D’OUTRE-MÈRE »
Mémoires d’Outre-mère. Mémoires de
Guy Bedos. Casbah Editions, Alger 2015 (Editions Stock, 2005), 193
pages, 650 dinars
Ce sont des mémoires ou, bien plutôt des
souvenirs en miettes d’un homme qui , enfant, a
beaucoup souffert du désamour familial dans une famille éclatée, dans un pays
natal trop tôt quitté, au sein d’une société européenne (dont la mère et le
beau-père) aux comportements méprisants sinon racistes à l’endroit des Arabes.
Tout cela compensé un peu par l‘affection d’une «nounou » affectueuse , un institutrice algéroise à laquelle, d’ailleurs, il dédie le livre, Finouche….. sa « vraie maman » et qui a fait de
lui « un citoyen du monde »
Bedos raconte
donc sa vie, son enfance, ses haines, ses joies….et l’Algérie
D’abord Souk Ahras , à sortir de sept
ans. De Kouba auprès de Finouche
à une ville frontalière (de la Tunisie) ….avec une guerre (2è guerre mondiale)
qui se rapproche. Les Américains et les Anglais arrivent et la petite ville est
leur base arrière…Vus par le petit Guy comme des occupants bien plus que comme
libérateurs…..surtout en raison de « leur façon qu’ils ont, depuis leurs
Jeep et leurs Dodge, de balancer leurs paquets de
pain de mie et leurs chewing-gums sur la tête des petits
Ensuite, la confirmation de on « engagement » lorsqu’il a découvert et lu
, plus tard, les articles d’Albert Camus (du 5 au 15 juin 1939 dans
Alger Républicain) sur l’extrême misère en Kabylie. Il a su « comment les
responsables gouvernementaux de l’Algérie française d’alors, censés transmettre
aux populations indigènes les bienfaits de la civilisation, les ont tranquillement
laissées crever, dans l’indifférence et le mépris de leur bonne
conscience »
Enfin, en 1988, lorsque revenu (avec Mireille
Dumas pour les besoins d’un film documentaire sur sa vie) accompagné de son
fils Nicolas alors âgé de neuf ans, il a retrouvé Constantine et la rue Caraman
et le Pont suspendu. Puis Annaba , puis
Alger (avec une visite sur la tombe de son père) et Tipasa. Une remuante
équipée de quinze jours…en « état d’hypnose ». « Contact charnel
avec ma terre natale » écrit-il . Il était « bien » . Il paraît que le film avait plu même aux
« pieds-noirs » partisans de l’extrême droite ….. « tous n’étant
pas des colons exploiteurs de la misère algérienne »
Un grand regret en filigrane de tout le
récit : celui de ne pas avoir été aimé (assez ou pas du tout) comme il
l’aurait souhaité par sa mère…le drame , c’est qu’elle
a vécu très , très longtemps, « loin » de lui.
L’Auteur : Pied-noir d’ascendance espagnole, né à Alger le 15 juin 1934, balloté au sein d’une
famille recomposé entre Kouba, Souk Ahras, Constantine , Annaba….arrivé à 16 ans en France (en
juin 1950), ayant refusé de faire son service militaire durant la guerre
d’Algérie (grève de la faim et réformé
…pour maladie mentale), artiste de music hall et humoriste, acteur de
cinéma et de théâtre, scénariste, journaliste, écrivain…..Homme de gauche sans
lien avec un parti…proche de F. Mitterand et de M.
Rocard (qu’il ne manque pas de « moquer » dans ses spectacle ) et
d’Albert Camus . Trois mariages et quatre enfants dont Nicolas (le seul
garçon) , son digne héritier.
Avis : De l’émotion plein les pages….. L’Algérie au
cœur et du soleil (avec quelques nuages
de nostalgie et de tristesse) plein les yeux.
Citations : « Si ma
vie était un film, je dirais qu’il finit mieux qu’il n’a commencé « (p 36),
« On m’a réformé pour maladie mentale. On a eu raison. Fou, je l’étais,
de colère et de désespoir. Je n’ai donc pas de sang algérien sur les mains. Ni
français « (p 45) , ‘L’aura-t-on assez entendu de la bouche de quelques
uns de ces hérauts de la classe dominante, ce fameux « Le peuple , je
connais, j’en viens » .(…) Je n’ai jamais observé comportement plus
dur, plus implacable, plus indifférent au sort de l’autre, le subordonné,
l’employé, l’ouvrier, que celui de ce nouveau riche - ancien pauvre, disait
Coluche » (p 74), « On m’a trop fait chier dans ma jeunesse pour que
je me laisse emmerder dans ma vieillesse ….Seuls les enfants , petits et
grands auront encore accès à ma patience » ( pp 83-84),
« Lorsque les bougies commencent à prendre plus de place que le gâteau,
l’anniversaire n’est plus une fête mais une commémoration » (p 145),
« En ces temps incertains, seuls l’Art et l’Amour (et la Nature quand on lui
fout la paix) nous offrent cette lumineuse pérennité qui nous aide à vivre et à
mourir (p 193)