VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ESSAI SAID SADI- « ALGERIE, L’ÉCHEC RECOMMENCÉ ? »
L’Algérie , l’échec recommencé ? (Edition enrichie d’un
avant-propos et de documents inédits). Essai
de Said Sadi . Editions Fantz Fanon, Tizi Ouzou, 2015, 449 pages, 1 000 dinars.
Un livre –bilan. ? Plutôt un livre
diagnostic. Sur l’état d’une nation, ses luttes, ses espoirs, ses ambitions …..et son échec. Ses échecs, tant ils se sont répétés au fil du
temps donnant cette détestable
impression de continuel recommencement.
L’auteur, certes médecin, peut-être parce que
médecin (et psychiatre de surcroît), militant très engagé s’étant frotté très tôt
au terrain et à la chose politique , bien avant
l’ouverture démocratique de 88, n’a fait, en réalité, que ré-éditer
un ouvrage déjà publié en 96, mais cette-fois-çi
enrichi d’un avant-propos et , en annexe, de documents « inédits ».
L’essentiel de l’ouvrage a été écrit, dit-il,
en 1986 , dans le pénitencier de Tazoult-Lambèse et la
prison centrale d’El Harrach. C’est tout dire sur l’aspect engagé et très
corrosif des analyses. Boumediene et son « règne » sont passés à la moulinette, Chadli et sa cour sont
des prédateurs, les clans ne se
soucient guère du bien collectif, la jeunesse –
dans le mouvement national - « pas toujours éveillée à la nécesité d’une lutte organisée et se présentant
hétérogène » …..Bref, « tous coincés et la fuite en avant…avec de la
surenchère à gogo et le refus d’opérer des inventaires exacts »
Tout le reste est une véritable leçon
d’Histoire politique du pays, l’accent mis, et cela est compréhensible
, sur le mouvement berbère (national et non pas seulement limité à une
région) , sa naissance, ou plutôt sa réémergence, son développement, ses limites, les
difficultés rencontrées et le retard historique de la société berbère …..et les
fantasmes anti-berbères….surtout de la part des
arabo-islamistes (commentaire complémentaire : une analyse réaliste et
lucide des attitudes et des comportements qui, selon moi, est généralisable à
une très grande partie, sinon la totalité,
de la société algérienne, ce qui démontre à mon sens que le peuple algérien
est dans sa quasi-entièreté, d’essence et d’existence berbère, une identité que
les « Histoires » ont éparpillé. Et, recoller les morceaux est une
toute autre Histoire)
Livre orienté ? C’est assez
compréhensible. L’auteur fait partie
d’une génération « qui a dû tout inventer » : sa méthode de
lutte et une alternative qui prendrait en considération deux dossiers combattues par l’ordre politique en place : la question
berbère (amazigh) et les libertés démocratiques. Vaste
programme …programme dangereux.Et, peut-être,
trop en avance sur son temps.Une pensée politique qui
lui a valu bien des incompréhensions. Mais , aussi, la
notoriété et un certain respect.
L’ Auteur : Said Sadi est né en 1947 à Aghribs,
en Kabylie. Médecin psychiatre, il a été l’un des principaux animateurs du
Printemps berbère d’Avril 80. Militant des droits de l’homme, membre fondateur
de la Ligue algérienne des droits de l’homme, à l’origine de l’installation de
la première section d’Amnesty International en Algérie, il a connu bien des
prisons. Il a créé, en 1989, un des tout
premiers partis politiques, le RCD qu’il a quitté en mars 2012. Depuis, il
écrit, continuant ainsi à contribuer au débat national sur la Démocratie , la République et l’Identité.
Avis : Un livre
en grande partie écrit en 1986….en prison (s) . Des questions
toujours d’actualité. Dont le dernier chapitre, « A la recherche de la
Nation » est à méditer. Un ouvrage assez (trop ?) engagé…..à l’image
de l’auteur. Un lecteur averti en vaut plusieurs !
Citations : « Bien souvent, une simple anecdote peut constituer
le condiment essentiel à la lecture de l’histoire algérienne » (p45),
« On n’est jamais aussi assuré de la victoire que lorsqu’on est sous
-estimé par ses adversaires et qu’en plus on est averti de leurs faiblesses
» (p 70), « L’intellectuel algérien de culture française vécut
(après 1962) culturellement apatride : Il n’eut même pas le rang que l’on
octroie ailleurs au minoritaire » ( 88), « L’agressivité électrise
l’atmosphère comme les détrirus le ras du sol »
(p 112), « On ne construit pas sans l’Homme, on ne réalise rien de
durable contre lui. A trop vouloir l’ignorer, on s’enfonce dans la civilisation
du malheur » (p 112), « L’absence de débat public avait amené
l’Algérien à ajuster sa position politique, quand il en avait une , en fonction des sentiments que peut lui inspirer
l’individu et rarement sur une idée ou un programme. Cette vacuité a fait que
la violence verbale est prête à envahir la parole, le dialogue ne faisant pas
partie de nos traditions « (p 208), « Quand on apris l’habitus de l’homme dominé, la pire des choses que
l’on ait à subir est de voir l’un des siens émerger du lot » (p 306),
« On en cultive pas sous serre une identité nationale » (p353)