POPULATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI PIERRE
NORA – « LES FRANÇAIS D’ALGERIE »
Les Français
d’Algérie. Essai de Pierre
Nora. Edition revue et augmentée. Avec un document inédit (lettre à l’auteur)
de Jacques Derida ainsi qu’un Dossier critique avec
des articles d’époque de Jean Lacouture,
Albert-Paul Lentin et Germaine Tillon.
Hibr Editions
, Alger 2013, 340 pages, 650 dinars
Au commencement était l’Algérie
. Deux ans de séjour. Puis, il pubie, à son retour, en France, un article (« J’étais
professeur en Algérie »), son tout premier, dans ……France
–Observateur ( l’ancêtre du Nouvel Observateur )
lancé alors par Jean Daniel , un natif de Blida, transfuge de l’Express)…..le
27 octobre 1960, le jour même de la première grande manif ’de l’Unef à Paris, contre la guerre et qui s’était heurtée à de
violentes charges de police. Au côté de Jean-François Revel. Rencontre avec
l’éditeur Bourgois… « On sent que vous avez beaucoup plus à
dire !». La suite est connue. Un essai va naître ,
vite transformé en livre. Il a donné d’ailleurs lieu à moult polémiques et
réactions dont la plus volumineuse et
lumineuse est celle de Jacques Derrida
(un juif Algérie séfarade « affranchi » libéral)
L’esprit de l‘essai est clair : décrire,
à travers une population, un système (colonial) vivant de sa dénégation et
d’une prétention nationale….. « enfermant un
million de français dans une forme d’immobilisme historique suicidaire au
regard de la dynamique arabo-musulmane, dans un rapport de maître-esclave, de
haine-amour, d’attachement passionnel à la fois à une métroppole où beaucoup n’étaient jamais allés, et à
cette Algérie natale de leur enfance … ». Un complexe jamais décrit comme tel
auparavant, saisi dans son « enkystement mental »…. par
l’historien juste « à l’heure où
il mettait la France au bord du gouffre et au ban des nations »… .
Conclusion : « Une situation coloniale de ce type ne pouvait se
convertir pacifiquement en indépendance nationale »
L’Auteur : Juif askhénaze (« émancipé »), il a connu l’Algérie en
1958 et y avait séjourné deux années , après son
agrégation d’histoire , en enseignant au lycée Lamoricière d’Oran (devenu par
la suite Pasteur) . Grand éditeur,
spécialiste des « lieux de mémoire »,
membre de l’Académie française depuis 2001, actuel compagnon de Anne
Sinclair, il s’était opposé à la loi française ,néo-colonial(iste) et revencharde, du 23 février 2005 portant
« reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des
Français rapatriés »
Avis : Lecture
nécessaire à tous ceux qui veulent et doivent « déconstruire »
l’histoire coloniale de la France …pour en « décoloniser » , là où il faut, et scientifiquement, tous ses pans, sans
exception, et la traiter, enfin, avec objectivité.Un grand absent
du livre, noté d’ailleurs par J. Derrida sans sa fameuse lettre :
« Le Fln, ceux qui le soutiennent et qu’il guide ». Il est vrai
« qu’à lui (…) ,
la gauche française ne s’adresse, directement, presque jamais. C’est peut-être
dommage »
Extraits : « La
guerre d’Algérie a creusé le fossé entre la politique et les intellectuels et
contribué , chez ces derniers, à la formation d’une communauté consciente
d’elle-même, au-delà de ses divisions » (p 30), « « Le racisme
apparaît , à plein, en période de crise et les cris de morts des femmes
françaises d’Alger, en décembre 1960, ne firent que traduire un sentiment
profond et permanent. C’est que la colonisation est intimmement
liée au racisme» (Introduction, Charles-André Julien, p 57), « La nation algérienne s’est forgée dans
la lutte qui lui a donné conscience de son originalité et de son unité
»(Introduction, Charles-André Julien, p 61), « Le seul lien commun
entre tous les immigrants français et européens (en Algérie) fut une psychologie de déclassé vis-à-vis de
leur propre nation. A un titre ou à un autre, tous ceux qui vinrent s’installer
en Algérie avaient une vie manquée derrière eux » (p 105).