EDUCATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN ASSIA DJEBBAR- « LA DISPARITION DE LA
LANGUE FRANÇAISE »
La disparition de la langue française. Roman de Assia Djebbar. Hibr
Editions, Alger 2014,295 pages, 950
dinars
Après un long exil, 20 ans
, pardi ! ….en France, c’est
le retour au pays. Une retraite anticipée, même pas la cinquantaine. Il a tout
laissé abandonner . Un travail bien rémunéré, et même
une belle et bonne amante, pourtant bien-aimée. C’est tout dire de la soif du pays . A partir de son refuge, sur la côte ouest, du côté de
Douaouda, au-dessus d’une plage automnale désertée,
sauf par les pêcheurs et les joueurs de dominos, c’est la (re-)
découverte des lieux de l’enfance et de la jeunesse : Alger, le vieil
Alger, la Casbah, celle des humbles, des
héros mythiques ou mythifiés, connus ou anonymes, la plupart oubliés malgré des
plaques portant leurs noms…sans plus
….Souvenirs, souvenirs !
Mais,
un retour raté. Car , c’est, aussi la re-découverte de l’autre face, pas cachée du tout, du paysage : La Casbah, entre
autres, « s’est présentée souillée »….et les « lieux de vie
d’origine sont retrouvés dégradés, délabrés, avilis »…..« Un
laisser-aller collectif, une citadelle où chacun n’est plus que chacun, et
jamais le membre d’une communauté, d’un ensemble bruyant, mais vivant,cette ville-village, de
montagne et de mer, devenue (pour Berkane, le héros) désert du fait de son état
de dépérissement misérable ». Il y a , aussi, et
surtout,…… la disparition de la langue française , remplacée par une langue (sic !) qui
n’est ni de l’arabe dit classique, ni de l’arabe dialectal tel qu’utilisé si
bien auparavant pour communiquer entre
soi (même au lit, en couple) et contre
le colonisateur . Il y a, aussi, la montée de l’islamisme politique et l’arrivée , comme moyen d’action politique (re-sic !) , du terrorisme.
Heureusement qu’il y a l’amour. Mais que peut
faire ce dernier face aux semeurs d’ignorance, de désespoir et de mort ? Des
solutions ! Accepter son sort ? La vie clandestine ? l’exil ?
L’Auteure : Cherchelloise,
journaliste, écrivaine, cinéaste, dramaturge, membre de l’Académie française
depuis juin 2005, couronnée de nombreux prix internationaux, traduite dans plus
d’une vingtaine de langues ; elle, c’est Assia Djebar née Fatma-Zohra Imalayène.. Elle est décédée samedi 7 février 2015, à l’âge de 78
ans. Paix à son âme et gloire à son œuvre !
Avis :Un roman qui tient beaucoup de
l’essai (La société d’hier, celle de la
lutte contre l’oppression coloniale , celle de la répression, celle des
tortures et des camps…. et celle de Boudiaf, celle de l’islamisme qui monte,
qui monte…) .A (re-) lire toujours avec plaisir…. Certes , pour apprécier l’histoire , mais surtout
l’écriture. Le titre tel que présenté, lu au premier degré, peut prêter à
équivoque. En fait, c’est l’Algérie qui « bascule » dans un
« autre monde » ! Assez incompréhensible pour une si longue
absence. Visionnaire, l’auteure ! Une écrivaine à l’immense talent auquel
il faut ajouter une part de de génie. Fierté de la nation. Monument de la
littérature…..universelle. De plus, elle (l’auteure) est (était) belle…et pas
prétentieuse pour un sou.
Il faut, aussi, lire son autre
roman, « Ombre sultane » (Ouvrage déjà présenté dans « Mediatic », jeudi 27 novembre 2014) : Hibr Editions (1ère
édition : en 2006 , chez Albin Michel S.A, Paris), 231 pages, 850 dinars . Constantine
2014 : « Quelle écriture ! De la prose, de la poésie. Mais aussi
un style qui n’appartient qu’à elle, avec ce balancement continuel entre
l’espoir et le désespoir….de la femme algérienne)
Extraits : « A la campagne, les affinités les
plus simples se devinent aisément(…..) : Les secrets , c’est une tout
autre affaire » (p 52), « De nombreux mots arabes et berbères
existent pour désigner un « consensus », un « conseil de
représentants », un « diwan », je ne
sais quoi encore. Mais , la laïcité ? Un vide , un non-concept, chez chacun de nous » (p 164),
« La nécessité d’écrire est une poussée : lorsque l’être aimé s’en va
et que vous ne pouvez plus l’oublier, vous vous mettez à écrire pour qu’il vous
lise ! » (p 180), « Chez les Chaoui
des Aurès, plus encore que chez les autres Berbères, le « courage »,
c’est, en quelque sorte , une sorte
d’entêtement ! Ça sert à la guerre, c’est une qualité ! Mais, pour le
reste de la vie ordinaire, ce n’est pas toujours drôle, l’entêtement, ça ne
fait guère avancer son bonhomme ! »(p 220),
« Si la terre n’est pas , en effet, « le noyau du monde », notre
pays n’est, lui, qu’un couloir, qu’un tout petit passage entre l’Andalousie
perdue et mythique et tout l’ailleurs possible » (p 290)