CULTURE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECHERCHE AMIN MALOUF- « LES CROISADES VUES PAR
LES ARABES »
Les
Croisades vues par les Arabes. Une recherche historique de Amin Maalouf . Casbah
Editions, Alger 2002, 299 pages,
450 dinars
Il a voulu, avec son talent d’ancien grand-reporter devenu grand écrivain -
historien, faire simple…..en racontant
les croisades ………mais, telles qu’elles ont été vues, vécues et relatées dans
« l’autre camp », c’est-à-dire du côté arabe. Donc, quasi-exclusivement , reposant sur les témoignages des historiens
et chroniqueurs arabes de l’époque : Ibn al-Qalanissi
, chroniqueur de Damas..qui n’avait que vingt trois ans, en 1096, lorsque les Franj - terme désignant, dans le parler populaire, les
Occidentaux et plus particulièrement les Français - arrivent en Orient (on disait alors , selon les régions, les auteurs et les
périodes Farandj,
Faranjat, Ifranj, Ifranjat….), Ibn Jobair, Arabe
d’Espagne, grand voyageur , Ibn al-Athir, historien,
Oussama ibn Mounqidh, Aboul-Fida……
Le tsunami des croisés a envahi puis conquis la région ; région n’ayant plus , de son passé , il est vrai, que les oripeaux d’une
gloire et d’une unité perdues . Juillet 1099 : Jérusalem est prise et la population de la ville sainte est
passée au fil de l’épée….juifs et autres chrétiens relevant des rites
orientaux y compris . 1110 : Chute de Beyrouth et de Saida.
Qu’il est loin le temps où le calife Omar Ibn al-Khattab
avait pris Jérusalem aux Roum en février 638, qu’il
est loin le temps glorieux de Haroun , mort en 809
. Ses succeseurs ont perdu tout pouvoir réel . Dans des « émirats » éparpillés, jaloux les
uns des autres, se faisant continuellement la guerre et les émirs s’entre-tuant, et plongés pour les uns dans
l’irréligion et pour les autres dans le
fanatisme. Faisant dire , à Aboul-Ala al Maari , poète aveugle ,
libre-penseur, déjà (il est mort en 1057)
que « Les habitants de la terre se divisent en deux, / Ceux qui ont
un cerveau , mais pas de religion, /Et
ceux qui ont une religion, mais pas de cerveau ». Quarante années après sa
mort, un fanatisme venu de loin, en masse et bien armé, cuirassé, allait donner
raison au fils de Maara. Celle-ci, avant l’arrivée
des Franj, vivait paisiblement et dans l’opulence.
Elle fut rapidement prise…et c’est le carnage…..avec même des scènes de
cannibalisme Franj. Leur excuse : une terrible
famine sévissant alors . Des atrocités transmises au
fil du temps et qui demeurent ancrées
dans l’imaginaire sociétal et la culture des Arabes (et des musulmans d’Orient
ou proches des Orientaux) d’aujourd’hui (les descendants des
« Sarrasins » d’antan) . Un
fossé « que plusieurs siècles ne suffiront pas à combler ».
Invasion. Occupation.Riposte…..Heureusement ,vint Salaheddin qui
proclame (1171) la déchéannce du califat fatimide. La
reconquête commence. 1244 : Jerusalem est reprise.Mais, il a fallu attendre vendredi 17 juin 1291
pour que l’armée musulmane (avec l’armée mongole puis les mamelouks)
reprenne la ville d’Acre et chasse les Franj (prise à Salaheddin en
1191) qui évacuent précipitamment Saida, Beyrouth, Tyr et toutes les autres villes . Deux siècles de domination d’Etats francs en
Orient. 1529 : Constantinople est prise. 1529, les cavaliers ottomans
campent sous les murs de Vienne . Cela ne s’oublie
pas. Aujourd’hui encore ! Il faut absolument ne pas rater l’Epilogue (p
279 à 283). Par pitié, faites un effort !
L’Auteur :. Né en 49 à Beyrouth, , issu d’une famille
maronite du Liban ….avec une branche venant d’Istanbul . Parents enseignants
francophones …. Père journaliste, poète et peintre, il avait donc de qui tenir.
Son œuvre est habitée par la culture du nomadisme et du
minoritaire : « Chrétien dans le monde arabe »,
« Arabe en Occident » .Ses premiers
pas en France, en exil forcé après la guerre civile de 75 au Liban, sont
dans le journalisme (il fut red’chef à Jeune Afrique) .
Première œuvre, en 83, l’ouvrage ci-dessus présenté. D’autres suivront avec la
notoriété, des prix et une entrée à l’Académie française. Il a même écrit un
livret d’opéra.
Avis : Quelle
Histoire ! Quelles histoires ! Qui n’en finissent pas, d’ailleurs. En
raison peut-être d’ « infirmités » objectives des Arabes
« incapables de bâtir des institutions stables ». En raison surtout
des tueries et des massacres collectifs
et aveugles d’un côté comme de l’autre. Hélas , pour
l’humanité.
Extraits : «
Dans la Syrie du XIè siècle, le jihad n’est qu’un
slogan que brandissent les princes en difficulté. Pour qu’un émir accepte de
secourir l’autre, il faut qu’il y trouve quelque intérêt personnel. Alors,
seulement, il conçoit d’invoquer à son tour les grands principes » (p 37),
« Dans un monde musulman perpétuellement agressé, on ne peut empêcher
l’émergence d’un sentiment de persécution, qui prend, chez certains fanatiques,
la forme d’une dangereuse obsession » (p 283), « La cassure entre
ces deux mondes (Orient arabe et Occident) date des croisades, ressenties par
les Arabes, aujourd’hui encore, comme un viol » (p 283)