POPULATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN ASSIA DJEBBAR- « OMBRE SULTANE »
Ombre sultane.
Roman de Assia Djebbar. Hibr Editions (1ère
édition : en 2006 , chez Albin Michel S.A,
Paris), 231 pages, 850 dinars .
Constantine 2014
Quelle écriture ! De la prose, de la poésie. Mais aussi
un style qui n’appartient qu’à elle, avec ce balancement continuel entre
l’espoir et le désespoir. Mais , surtout, le désespoir
d’une jeune femme, encore jeune fille en fleurs, « offerte » à un homme ; une
épouse femme-enfant n’acceptant pas la
soumission et l’enfermement d’un bel appartement ( une cage dorée) et découvrant
brutalement une autre vie ,au sein de la grande ville. Un vie l.i.b.r.e : de respirer, de marcher, de voir,
d’interroger, de savoir , de découvrir. En tout
bien, tout honneur. En cachette du mari, elle sort de la maison et marche,
marche ….Elle apprend à marcher « nue » (sans le voile imposé) . L’époux, un cadre, donc instruit, ayant déjà bien
bourlingué à travers le monde (donc supposé « ouvert ») et ayant
« fait les 400 coups » (deux mariages déjà) lui-même enfermé dans un
ancien amour fou pour une autre (partie car ne supportant plus un certain
machisme) d’où son impuissance (il lui a fallu « violer » sa nouvelle
femme), découvre les fugues de la femme-enfant . Il ne
les accepte pas . Déjà si lointain au lit et très
proche de l’alcool, sans attendre des
explications ou chercher des raisons , il enrage
d’être ainsi « trompé ». Alors, il frappe, frappe…
L’homme algérien, un esclavagiste qui s’ignore ? Au
minimum, un exploiteur. La solution pour les femmes, toujours désirées , rarement aimées ! Partir. Revenir là où
l’enfance était heureuse, seul moment de liberté .
Avis : Une société déchirée qui n’arrive pas (encore) à se
trouver et qui se noie dans le paradoxe
algérien (choc ? confrontation ?) authenticité -modernité….qui fait,
au final, seulement la déprime des
hommes et le malheur des femmes . Même
l’amour fou n’arrive pas à surmonter (très longtemps) l’obstacle
. Problème culturel ? Problème cultuel ? Choc civilisationel ?Un peu de
tout, de tout un peu.
Extraits : « Ici,
sur cette terre, on vous tue en vous enfermant derrière les murs et des
fenêtres occultées. A peine fais-tu le premier pas au dehors que tu te sens
exposée ! Là-bas, personne ne regarde, personne n’a vraiment
d’yeux ! »(p 122), « Un homme ivre a le
droit de dériver, mais une femme qui va « nue » , sans que son maître
le sache, quel châtiment les transmetteurs de la Loi révélée, non écrite, lui
réserveront-ils ? » (p 132), « Sur nos rivages, l’homme a droit
à quatre femmes simultanément, autant dire à quatre…..blessures » (p 135),
« Dans ce secret du nid, dans ce recoin de
nuit, dans cette chaleur de l’ignorance, s’est
noué pour nous toutes le harem « (142)