VIE
POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI ALI EL KENZ- « ECRITS D’EXIL »
« Ecrits d’exil ».Essai et
recueil de textes de Ali El Kenz. Casbah
Editions, 494 pages, 900 dinars, Alger 2009
S’il y a un aspect de la vie de l’auteur qui n’est
pas très connu, c’est qu’il a été , dans sa jeunesse,
du temps où il était lycéen, recordman d’Algérie du 100 m …ou du 60 m plat. Je
ne m’en souviens plus
. Il sera donc toujours un sprinter, spécialiste des petites distances.
Il y a excellé.
Sociologue, politologue, philosophe…Il est vrai que
la formation normalienne de base (celle
de l’époque, pas celle d’aujourd’hui) doit être pour quelque chose dans cette
maîtrise de toutes les questions . Ajoutez-y de
l’engagement et on comprendra mieux l’érudition du bonhomme qui s’est frotté
“aux connaissances de tous les horizons”, exil (forcé) oblige.
On le comprend encore bien mieux lorsqu’on lit les
112 pages consacrées à son itinéraire l’ayant mené de Skikda
, sa ville natale, à Nantes en passant par Constantine, Alger, Le Caire,
et Tunis. Un ouvrage à lui tout seul et qui, revu et augmenté
, pourrait être un “bijou” mémoriel merveilleux .
Le reste de l’ouvrage est consacré à l’essentiel de
sa production, en commençant, bien sûr (peut-on y échapper?) par une
présentation de la pensée de Gramsci…”rencontrée tardivement ...par les
Arabes”. Une pensée qui a énormément marqué nos intellectuels , ceux des années 60 et 70….pour la
plupart septuagénaires ou plus de nos jours mais toujours dominant les débats.
Une deuxième partie est consacrée à des analyses assez fines (et qui, en leur
temps, avaient ‘fait fureur”) issues d’une étude sur “l’industrie et la
société” à travers la SNS. Puis, vient une partie consarée
à “l’état de la liberté intellectuelle
en Afrique” (et dans les pays arabes). Plusieurs sujets
, une démarche rigoureuse avec, militantisme et engagement obligent, un objectif : “penser avec nos
têtes, en fonction de nos réalités” pour “construire sur des bases et avec des
matériaux durables”.
Pas facile !
Surtout lorsqu’on se retrouve face à des pouvoirs d’Etat ” atypiques “ , au point qu’ils échappent à l’observation et donc à l’analyse.
Les théories classiques volent en éclat, comme celle
des “Deux corps du Roi” ,définie par l’historien Ernst
Kantorowitc, qui distinguait avec cohérence “le corps
physique du Roi” visible “ à souhait
avec sa cour et ses rites qui changent et meurent avec le temps, du “corps
instituant” invisible et durable dans le temps long de la structure. “Certes , il y a de cela en Algérie, sauf qu’ici, l’institué
et l’instituant interfèrent sans cesse sans que l’on comprenne les règles
déterminant les positions, les rôles et les mécanismes des différents acteurs
en présence”. L’étude consacrée à l’Algérie: “De l’espérance du
développement à la violence identitaire” (p 275) est à lire, et à relire
absolument. Peut-être comprendrions-nous mieux “l’énigme algérienne” et
prévenir ainsi les futures dérives. Bien
sûr , il est trop tard, le mal est fait mais, on ne
sait jamais, car les bêtes immondes et les éléments nihilistes sont encore là,
tapis, attendant le moindre conjoncture favorable, attendant leur heure.
Avis : A lire, bien sûr. Mais allez-y tout doucement
…pour déguster.
Extraits : « L’histoire
sociale d’un pays est inscrite dans sa
langue, ou plus précisement dans ses langages »
(p 58), « Dans les temps de malheurs, contrairement à ce que croyait naïvement
le président Boumedienne, ce sont les
« hommes » qui restent, pas les « institutions » (p
81), « Le nihilisme de la société
est la réaction malheureuse , au déni de justice du politique
» (p 106), « Amener le petit comme le gros, le faible comme le
puissant, l’homme comme la femme( ….) à accepter les mêmes règles
, cela s’appelle « l’Etat de droit » et les règles de cette
axiomatique, des lois . Dont la première, sa loi fondamentale est
l’égalité de tous devant la loi , y compris
l’axiomatique elle-même » (p 112), « Ce n’est pas la sortie qui est dificile, mais la marche, nécessairement scientifique , qui
conduit vers cette sortie » (p 478)