HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECHERCHE CLAIRE MAUSS COPEAUX- « ALGERIE,20 AOÛT
1955…. »
Algérie, 20 août 1955. Insurrection,
répression, massacres. Recherche historique de Claire Mauss-Copeaux, Editions
Média Plus (Editions Payot et Rivages, Paris 2011), 279 pages, 1 300 dinars,Constantine 2012 .
Pas facile de remonter le cours du temps.
Surtout lorsqu’il s’agit d’examiner sérieusement, scientifiquement, des
événements douloureux que beaucoup voudraient bien enterrer à tout jamais ,
chacun ayant ses raisons, dont lui-même n’en saisit plus les réalités. On a
donc, d’un côté, les « européens » (les « dominants », les FSE , Français de souche européenne, disait-on) .
Ne se résolvant pas, aujourd’hui encore,
à faire leur deuil de l’Algérie coloniale, ils ne retiennent des faits que ce
qui en avait été décrit alors par leur presse et leurs militaires et autres administrateurs , que
l’aspect « massacres », oubliant le pourquoi du comment. Et,
surtout, oubliant ce qui a suivi comme représailles et répression….et de
« strafing » (un terme anglicisé d’origine…..
allemande et qui consiste à voler à basse altitude en mitraillant sans
distinction tous ceux qui se trouvaient sous l’avion. C’est tout dire de la
mentalité de l’Armée française coloniale ! De l’autre, les Algériens (les
« dominés », les FSNA, Français
de souche nord-africaine, disait-on)
décidés à se débarasser, une fois pour toutes
et par tous les moyens, du colonialisme qui les avait réduits à n’être que des
figurants sur leur propre terre.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes :
d’un côté , sur un total de 71 personnes (d’origine européene) tuées
dans le Constantinois, 42 l’ont été à El Alia et Ain Abid.. …..et
le reste dans une douzaine de centres et
sur les routes qui y menaient. De l’autre côté…..le total des victimes civiles
algériennes des représailles qui ont suivi entre le 20 et le 25 août a été , selon les évaluations officieuses de militaires
français, de 7 500 (tous identifiés comme « hors la
loi »….. et ce , afin de
camoufler le massacre aveugle ). Mais, comme les représailles….. « à chaud mais également à froid », se sont élargies à d’autres régions et ont
duré des semaines et des semaines ….ce sont plus de 12 000 Algériens
(hommes, femmes, enfants) qui ont été tués. « Dans la formulation des bilans,seuls les Européens ont
droit à la reconnaissance et au respect des comptabilités exactes. Tous,
militaires et civils européens armés, sont réputés « massacrés ».
Quant aux civils algériens, tués par les militaires (et les civils) français , leur identification personnelle n’a pas été jugée
nécessaire, car tous, armés ou non armés, sont identifiés comme « hors la
loi ». Ombres non comptabilisées, « elles sont ensevelies dans
les mémoires de leur proches ». Le bull-dozer
ayant servi à combler les fosses communes au stade de Skikda reste, encore
aujourd’hui, le témoin le plus effrayant …..d’une tentative de génocide,
d’un véritable crime contre l’humanité . Comme en 45.
Comme tous les massacres ayant accompagné la « conquête » coloniale.
Avis :Un peu cher
,mais la
dépense en vaut la peine. Car,un
livre poignant et douloureux . Une enquête menée avec minutie , sur le terrain, à travers des
documents et des témoignages.A lire par beaucoup de
nos auteurs et chercheurs, historiens
ou mémorialistes afin de voir un travail « bien fait », rigoureux et
sérieux.
Extraits : « Tant
que les mémoires s’affrontent, la terminologie pose problème » (p 10),
« Les mémoires ont droit au silence. En revanche, la diffusion de récits hasardeux , irrespectueux de la vérité, rend le silence
délétère. Dans ce contexte, l’établissement des faits apparaît comme le seul
recours. Car les victimes, toutes les victimes, ont droit à l’Histoire »
(p 15), « Le couteau n’appartenait pas seulement à
l’imaginaire, il était aussi l’arme des humiliés, des isolés qui se révoltaient.
Avec le développement du nationalisme, le fusil s’est ,
peu à peu, imposé. Le fusil , arme du colonisateur,est devenu l’arme des combattants du
Fln » (p 51) , « La recherche de la vérité se nourrit de
réflexions, d’analyses, de critiques. Ce qui ne peut être précisé ne doit pas
être paré des attributs de la vérité « (p 159), « Sans même
remonter aux journées qui ont suivi le 8 mais 1945, depuis l’insurrection du 1er
novembre 1954, chacun savait en Algérie que la moindre contestation de l’ordre
colonial provoquait une répression démesurée. Préventive ou punitive, cela
n’importait guère, elle s’imposait et prenait les formes extrêmes » (p
194), « La vie des Algériens
ne tenait qu’à un fil. Militaire ou civil français ,
chacun pouvait le couper selon sa volonté » (p195),