CULTURE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- MÉMOIRES NADIA MOHIA- « LA FÊTE DES KABYTCHOUS »
LA FÊTE DES KABYTCHOUS ( Préface de Mahmoud Sami-Ali. Postface de Khalida
Toumi). Une œuvre mémorielle de Nadia Mohia. Editions Achab, Alger 2009 .
219 pages, 440 dinars
Un livre étonnant, détonnant
même.
Etonnant en ce sens qu’une
jeune femme raconte la vie intérieure d’une famille ,
sa famille, ainsi que les derniers instants d’un « Grand-frère »
célèbre, un exilé , un écorché vif, un rebelle « total ». Voilà
qui va à l’encontre de tout ce qui s’est fait jusqu’ici, les auteurs s’arrêtant
toujours au seuil de la maison familiale. Chez les Berbères en général et les
Kabyles en particulier, c’est encore plus strict. Croire le contraire
, c’est verser dans la réflexion facile.
Détonnant, parce que le
travail présenté fait œuvre de psychothérapie ( l’auteure est de formation
ethno-anthropologue et elle a beaucoup travaillé dans sa Kabylie
natale …et chez les Indiens de la Guyane Française et de l’Ontario, c’est
vous dire !) à l’endroit des Kabyles, ce que Abdellah
Mohia (poète, écrivain et dramaturge algérien décédé
à 54 ans, un bel âge chez les intellectuels) appelait , affectueusement,
faut-il le dire, les « Kabytchous », en
dénonçant , en bien de ses passages, le berbérisme et ses « brobros » (« la culture, ce n’est pas la
fourche », disait-il).Cela n’a d’ailleurs pas été du tout apprécié par
certains intellectuels kabyles, qui y ont vu là « un malin plaisir à
crucifier encore du kabyle »….et la presse n’a pas beaucoup
« parlé » du livre.
Il est vrai qu’on ne sait
plus, à partir d’un certain moment, l’auteure n’arrivant pas
, en vérité , à surmonter sa douleur et ses …ressentiments, à démêler
les vrai-dits du héros de la conclusion personnelle de la « psy »
(qui a l’air d’en vouloir beaucoup aux « ornières coutumières »).
N’empêche, c’est dit et c’est écrit ! Voilà qui peinera (un peu, car à Mohia, si grand, si simple, si emporté, si universel, si
anti-ghetto, on pardonne tout : les quatre, les cinq et les six
vérités….toujours fraternelles et bien intentionnées) bien des militants
« amazighistes »….et qui
,certainement, « fera plaisir » à ceux qui ne les aiment pas.
Heureusement que ces derniers ne sont pas portés sur la lecture des
ouvrages en français !
Si le préfacier a bien saisi
le contenu, « qui semble avoir été écrit dans l’urgence, sous le coup d’un
ébranlement émotionnel extrême », la post-facière,
une ministre, donc une « officielle », affirme, pour sa part,
presque le contraire : Ce livre n’est pas , pour
elle, « un concentré d’émotions livré comme une affaire purement
personnelle….. il nous place au cœur du tourment
vécu par un peuple tout entier, auquel l’histoire n ’a pas fait de
cadeaux…. ». C’est dire la complexité et la force de l’œuvre, la
complexité et la force de l’homme.
Avis : A lire, bien sûr. Par les « Kabytchous »
comme par les « Arabes ». Même si nous sommes tentés , de temps en temps, d’arrêter la lecture en raison
des jugements bien souvent (trop) ) tranchants et exagérés . Il faut aller
jusqu’au bout de sa lecture pour bien comprendre l’humanisme radical de Mohia….et la colère, la douleur et le talent de
l’auteure.
Extraits : « Rigide, roide, droit
comme un pieu en acier trempé(physiquement et
moralement), obstiné, opiniâtre, buté, immuable, sans concessions…… et, il
voulait que le monde autour de lui fût églement
droit, parfait, limpide, sans mensonges ni trahisons. C’était son
monde » (p 83)