SANTE- MALADIE-
DRÉPANOCYTOSE (COMPLÉMENT)
Rares ceux qui
savent que le 19 juin correspond à
la Journée mondiale de la drépanocytose. Une maladie
génétique peu connue du grand public.
…………………………Maladie connue pour être très
répandue dans le pourtour méditerranéen, la drépanocytose touche notamment le
nord-est du pays. On la retrouve avec une forte prévalence dans les régions
d’El Tarf, de Annaba, de
Skikda, mais aussi à Jijel, à Béjaïa et à Tizi Ouzou. Elle est également
répandue à Alger et à Blida.
Si le nombre de personnes atteintes est
loin d’être connu en Algérie, certaines estimations avancent un taux allant de
2 à 4% de la population, portant le trait drépanocytaire — le trait
drépanocytaire étant la forme hétérozygote dont le porteur est sain, mais reste
un transmetteur de la maladie.
À l’échelle mondiale, on estime à
quelque 150 millions de personnes atteintes entre malades et porteurs sains.
Les traitements actuels ont connu une certaine avancée, mais ils restent
limités dans les pays au système de santé précaire……………………..
Le vaccin le plus indiqué pour les
drépanocytaires afin de se prémunir contre les infections anti-pneumococciques, le Pneumovax est délivré
sur ordonnance à l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA) au prix de 3 300 DA sans
être remboursé.
Quant aux autres traitements, tel l’hydroxycarbamine, qui reste le seul médicament actuellement
connu pour soulager la souffrance des malades, il est souvent en rupture de
stock. Les malades doivent d’ailleurs faire face à des épisodes plus complexes
quand ils affrontent une situation où ils doivent être opérés pour une
pathologie. Pour une simple lithiase vésiculaire, une des
complications de cette maladie, c’est souvent la galère pour le
malade.
Parce que sa prise en charge
chirurgicale n’est pas évidente dans les hôpitaux pour les risques de
complications qu’il présente. Pour la pose d’une prothèse de la hanche, une
lourde intervention chirurgicale pour réparer la nécrose de la tête fémorale,
qui reste également l’une des plus fréquentes complications osseuses de cette
maladie, le drépanocytaire risque de frapper à la porte des grands
hôpitaux.
Décrété comme problème de santé publique
majeur par l’OMS qui lui a réservé une journée mondiale, le 19 juin, la
drépanocytose demeure une maladie marginale. ……………………….
Il
y a quelques années, une Fédération nationale a même été créée par des
représentants, issus d’associations activant à Alger, El-Tarf,
Annaba, Skikda, Jijel, Béjaïa et Tizi Ouzou, avant que le projet
ne tombe à l’eau.
EXTRAIT D’UN ENTRETIEN AVEC LE DR DORA BACHIR,
ANCIENNE PRATICIENNE AU CENTRE DE RÉFÉRENCE DRÉPANOCYTOSE ET THALASSÉMIES À
L'HÔPITAL HENRI-MONDOR (PARIS). Liberté, samedi 20 juin 2020
…………….en Afrique subsaharienne, en
prenant l’exemple de la RDC, 75% des enfants qui naissent avec la
drépanocytose SS (forme prédominante pour plus de 90% des cas dans ces pays
d’Afrique centrale) meurent avant l’âge de 5 ans, victimes de
complications infectieuses (pneumopathies, septicémies avec méningite),
de l’aggravation aiguë de l’anémie (séquestration splénique aiguë,
paludisme) ou de crises douloureuses sévères.
En tant que spécialiste ayant travaillé
longtemps sur la drépanocytose, quelles sont les avancées
thérapeutiques réalisées ? ………………………..: la drépanocytose est une maladie
génétique de l’hémoglobine, principal constituant du globule rouge qui lui
permet de transporter l’oxygène. Elle est transmise par les deux parents, le
plus souvent hétérozygotes AS (le A désignant l’hémoglobine A adulte, le S
l’hémoglobine S de la drépanocytose), qui apportent chacun à l’enfant atteint
le gène S de l’hémoglobine lorsque l’enfant est atteint de la forme dite
homozygote SS ; l’un le gène S, l’autre celui de la β thalassémie dans les
formes S β thalassémie. Dans cette maladie, il y a une anémie dite hémolytique
qui entraîne fatigue, essoufflement et qui peut s’aggraver.
Ce sont cependant les complications
dites vaso-occlusives qui font la gravité de la
maladie. À l’âge adulte, la vaso-occlusion répétée va
entraîner des atteintes progressives d’organes (cœur, poumon, rein, œil…) qui
doivent être dépistées tôt pour une prise en charge adaptée. Quant aux
principales avancées, elles concernent le dépistage néonatal (à la naissance),
réalisé le plus souvent à trois jours de vie généralement, par un prélèvement
au talon du bébé d’une goutte de sang sur papier buvard.
La prise en charge précoce va consister,
une fois le diagnostic confirmé, en une information répétée aux parents et un
apprentissage pour repérer les complications qui mettent en jeu le pronostic
vital dans la petite enfance : séquestration splénique aiguë (les mères doivent
apprendre à palper la rate ; en cas d’augmentation brutale du volume de
l’abdomen associé à un état de prostration des enfants, aller à l’hôpital pour
que l’enfant bénéficie en urgence d’une transfusion sanguine ; consulter
rapidement en cas de fièvre au moins jusqu’à l’âge de 5 ans ; assurer les
vaccinations et la prise de pénicilline deux fois par jour ; connaître les
facteurs déclenchant de crises douloureuses (déshydratation, fièvre, efforts,
froid…).
Chez les adultes, l’hydroxycarbamide
ou hydroxyurée (Hydréa) a
révolutionné la prise en charge de la drépanocytose dans les formes les plus
graves SS ou apparentées avec un bénéfice sur la réduction des crises
douloureuses, des syndromes thoraciques ; diminution des atteintes d’organes
avec comme conséquences une amélioration de la qualité de vie, mais aussi une
amélioration de l’espérance de vie au prix d’un traitement continu
quotidien.
Cependant, ce traitement est encore
sous-utilisé ; il y a en effet des réticences du côté des médecins et aussi des
patients, surtout hommes, ce traitement entraînant une diminution de la
production des spermatozoïdes — et donc une infertilité — variable, réversible
à l’arrêt du traitement justifiant en France la proposition faite au patient de
congéler le sperme. Chez l’enfant, ce traitement est
plus en plus utilisé, même très tôt, dès l’âge de 9 mois aux États-Unis avec
des incertitudes pour la fertilité future chez les garçons. L’OMS a déclaré ce
traitement comme priorité en Afrique.
……………..L’OMS a décrété
la drépanocytose comme priorité de santé publique. ………………………..
L’information des populations, lorsque
la fréquence des porteurs du gène est importante, est essentielle, relayée par
les médias et l’école ; lorsqu’il existe des cas dans la famille, une
information “éclairée” des couples identifiés à risque est nécessaire, avec la
question “sensible” du diagnostic prénatal avec comme corollaire
l’interruption médicale de grossesse si le
fœtus est diagnostiqué atteint.
Pour les malades atteints
de drépanocytose, l’accès aux soins gratuits ou au minimum à un coût
réduit est la seule solution pour lutter efficacement contre cette maladie
avec implication des intervenants autour du
patient (famille, école, travail) pour permettre chez ces patients la
réalisation d’un projet de vie familial et professionnel.