COMMUNICATION – ETUDE ET
ANALYSE- TELEVISION NUMERIQUE (TNT)
17 JUIN : DÉBUT DE L'EXTINCTION
DE LA TÉLÉVISION ANALOGIQUE EN ALGÉRIE.La TNT, pour quoi faire ?
©Maâmar Farah/Le Soir d’Algérie,
mercredi 17/6/2020
farahmadaure@gmail.com
Quelle chance pour la TNT en Algérie,
le pays le plus «parabolisé» au monde depuis les années 90 ? Qui va chercher à
réinstaller une vieille antenne râteau des années 60 et 70 ? Et pour recevoir
quoi ? Un bouquet déjà disponible sur Nilesat et Alcomsat 1 ? Passage certes obligé pour le tout numérique
mais bide annoncé au niveau de l'accueil populaire, sans compter que l'IPTV, ou
télévision via internet, est en train de bousculer le satellite et toutes les
autres formes de réception audiovisuelle. Seul avantage ; libérer les
fréquences pour la radio numérique terrestre. Mais, là aussi, pour quels
programmes ?
La télévision numérique terrestre est la réponse technologique au besoin de consommer
des programmes télévisés nouveaux, déclinés sous forme numérique et offrant une
variété et une richesse jamais connues auparavant. Certes, il y avait le
satellite qui permettait de recevoir des milliers de chaînes. Mais, il ne faut
pas croire que tous les pays avaient la même situation que l'Algérie dont le
parc parabolique était, dans les années 90, le plus important au monde.
Qualité d'image et multiplication des chaînes
Les autres pays, et notamment les plus développés (hormis l'Allemagne avec Astra
1 dès 1988), avaient un parc satellitaire grand public très réduit et ne
recevaient que les chaînes terrestres sur leurs réseaux domestiques, à l'aide
des fameuses antennes râteaux. Ces programmes étaient diffusés en VHF et UHF
uniquement.
Cette diffusion analogique présentait beaucoup de handicaps : mauvaise qualité
de l'image, mangeuse de fréquences entières, peu de possibilités d'inclure
d'autres paramètres avec l'image, etc.
La TNT proposait d'abord une image d'excellente qualité. Qui ne se rappelle pas
de la réaction des téléspectateurs à la vue des premiers écrans numériques ?
Parfaites, lumineuses, définition accrue, couleurs justes, ces images ont
marqué toute une génération.
C'était la grande découverte dans les foyers mais, pour recevoir cette
télévision, il fallait soit installer une parabole avec un récepteur numérique
qui coûtait très cher au début de l'aventure. Dans les pays développés ayant
déjà lancé la TNT, il fallait s'équiper d'un nouveau téléviseur. Pour continuer
à utiliser son vieux tube cathodique, la solution consistait en l'achat d'un
décodeur.
La TNT est une opération universelle. Les organisations internationales
spécialisées ont imposé à tous les pays l'abandon de la diffusion analogique au
profit d'une émission uniquement numérique. Les avantages sont nombreux : sur
la fréquence d'une seule chaîne analogique de type VHF ou UHF, on pouvait
désormais émettre 8 chaînes et plus si l'on ferme l'œil sur le côté qualité de
l'image. Cette possibilité permettait aux pays ayant adopté la TNT d'augmenter
leurs programmes en multipliant les choix.
Le mauvais exemple de la France
Mais, dans d'autres pays, ce fut une mascarade, à l'exemple de la France où, au
lieu de s'ouvrir sur de nouvelles formes de télévision, les autorités de
l'Hexagone ont fermé le champ audiovisuel en octroyant aux mêmes groupes
dominant le paysage audiovisuel, les nouvelles fréquences de la TNT. En dehors
des chaînes payantes, la télévision française n'offre que de lamentables
rediffusions ayant eu leur temps de gloire sur les programmes hertziens. Les
nouvelles chaînes appartiennent en général à TF1, M6, Canal+ et le secteur
public s'en sort plutôt déplumé, avec une seule chaîne
généraliste au contenu syncrétique (France 4), appelée d'ailleurs à
disparaître, une chaîne d'info plus proche de la radio que des télés tout info
(France Info) et un programme pour enfants. La TNT, qui devait être une fenêtre
ouverte sur de nouveaux acteurs de la télévision, un formidable bond en avant
intégrant des formes modernes, populaires et démocratiques du message
audiovisuel et une participation active de nouveaux groupes sociaux ayant enfin
la possibilité de parler librement face au monopole de l'information partagé
entre cinq groupes; cette TNT n'existe qu'à travers les rediffusions de Columbo ou de La Petite maison dans la prairie !
Deux programmes phares sur deux chaînes vedettes appartenant à TF1 et Canal+
font illusion, mais le résultat est plutôt décevant. TMC et C8 se disputent le
peu d'espace laissé par les mastodontes de l'ancien hertzien. La première veut
s'imposer avec l'accès prime «Quotidien» et la seconde via l'omniprésence de
Cyril Hanouna qui semble loger
dans les studios de C8 tant il est omniprésent ! Lamentable. Mais la TNT n'est
pas mauvaise partout. Dans d'autres pays européens, elle a permis l'éclosion de
plusieurs programmes de la télévision publique qui privilégient l'art,
l'information, la jeunesse, les minorités, les documentaires, les débats, etc.
Chances réduites en Algérie
En Algérie, la TNT, malgré les immenses sommes qui lui ont été allouées et les
efforts techniques considérables menés par les acteurs de l'audiovisuel, à leur
tête TDA, est un lamentable échec. La raison principale de la désaffection du
public est l'existence d'un parc de réception satellite qui permet aux 80% de
la population (au moins) de recevoir déjà la télévision numérique avec ses
milliers de chaînes réparties sur des centaines de satellites à portée de
signal. Jetez un coup d'œil sur les terrasses et les toitures : les antennes
râteaux ont pratiquement disparu et il sera difficile de repeupler ces espaces
par ces bouts de ferraille d'un autre âge.
Évidemment, on peut nous répondre que la TNT sera utile pour cette minorité
défavorisée qui continue de recevoir l'Unique (vraiment unique) en VHF sur
leurs vieux postes en bois. On ne connaît pas la recette magique pour
transformer le signal analogique en signal numérique sur ces caisses
cathodiques et la seule disponible est l'utilisation d'un décodeur. Existe-t-il
? Est-il vendu ? A-t-il les spécifications techniques pour s'adapter à tous les
téléviseurs ?
Il faut bien s'imprégner du fait que la TNT n'intéressera, pour le moment, que
cette minorité. Je ne vois pas les Algériens, gavés de programmes satellitaires
qu'ils reçoivent gratuitement grâce au piratage, se casser la tête à dénicher
la vieille antenne et la replacer sur leurs toits ! Pour quels bénéfices ? Le
bouquet algérien avec ses chaînes peu attirantes existe déjà sur Nilesat et Alcomsat 1. Capter les
matchs des Verts? L'ENTV les diffuse uniquement quand ils se déroulent en
Algérie. À l'extérieur, BeinSports garde
l'exclusivité et c'est triste et anormal que les citoyens d'un pays ne puissent
pas regarder librement leur équipe nationale sur leur chaîne nationale. Les
gens qui s'abonnent à Bein enrichissent les vendeurs
d'armes pour terroristes et déstabilisateurs de régimes indépendants !
C'est d'ailleurs à travers BeinFrance que beaucoup
d'Algériens regardent les rencontres des Verts et même de nos représentants en
compétition africaine. Mais là, merci le «flashage» !
Laisser la place aux radios numériques terrestres !
S'il est vrai que la TNT est un passage obligé pour le tout numérique et que,
quelles que soient ses difficultés à s'imposer dans un pays fermé depuis
longtemps au hertzien, elle reste indispensable, il ne faut pas attendre des
miracles.
Ce sera à peu près la même désaffection que vis-à-vis du satellite national de
télécommunication, toujours occupé seulement par six ou sept chaînes
nationales.
Finalement, le seul avantage sera cette libération de fréquences qui permettra
de lancer la radio numérique terrestre, la grande innovation technologique qui
va améliorer la qualité de la réception et la profusion des chaînes. Mais si
c'est pour multiplier les «radios de Monsieur le Wali» à l'infini, autant dire
que la radio numérique n'apportera que davantage de blabla et de propagande.
Et puis, il y a l'IPTV, invité surprise qui apporte du nouveau. Le satellite et
la TNT semblent bien pâles face à cette révolution numérique qui met à notre
portée des milliers de chaînes de tous les pays du monde. Avec, en prime, des
catalogues de films, documentaires, musique, fichiers, etc. Réception parfaite
— mais seulement avec un bon débit — et, surtout, pas de pépins en cas de chute
de pluie ou de neige ! L'avenir est là et nous sommes en retard de vingt années
au moins dans ce domaine. Des projets sont pourtant dans les cartons d'Algérie
Télécom...