HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN SAMIR TOUMI –« L’EFFACEMENT »
L’effacement. Roman de
Samir Toumi. Editions Barzakh , Alger 2016, 214 pages, 700 dinars
Un livre presque de fiction mais, en réalité, décrivant, à mon sens ,
des situations bien réelles. C’est l’histoire d’une famille de « bourgeois »
dont le père , glorieux (et tyrannique, mais il ne le
savait pas) moudjahid, diplomate puis
ministre brillantissime, devenu assez riche pour que son épouse légitime
(discrète et effacée) , ses enfants (et sa maîtresse.......principale ) n’aient
aucun souci à se faire , en Algérie même, ou à l’étranger, avec une villa –sur
les hauteurs d’Alger , bien sûr- ouverte aux mondanités et aux « folles
soirées » . Deux garçons, plus ou moins « ratés » ayant
grandi dans l’ambiance des années
« conviviales » et d’un Club
des Pins « réservé » à la « nomenklarua »
du moment (Ah ! la Crique et les boums...).
Une éducation « libre » et en apparence heureuse, rattrapée
rapidement par la réalité.
Décès du père, un frère (l’aîné, sociable et impétueux ,un « rebelle ») qui , après
avoir fait la fête en Algérie, part à l’étranger se noyer dans les mauvaises
affaires , l’alcool et la
drogue...certainement pour fuir le père.
Cadre très moyen et déjà transparent (un « planqué », un
« autiste », un « lâche » selon le frère, réservé et
discret comme sa mère) dans une
entreprise nationale où il avait été « casé » grâce au piston et le
passé et le nom du père, le cadet qui a toujours vécu dans l’ombre de son frère
et surtout dans l’admiration d’un père « héroïsé »....sombre , la
quarantaine pointant, dans une étrange maladie..... le « syndrome de l’éffacement »...Il n’a plus de reflet...bien souvent . Une maladie qui, selon son psy’, est encore bien mal
connue, « avec des soupçons de transmission inter-générationnelle
, au sein d’une même famille, de traumatismes dus à la guerre de libération
nationale ou même des problématiques relatives à l’éducation , voire des causes
neurologiques ... ».Rien n’y fait ( même pas une courte grande virée à
Oran pour « s’éclater » ) et
la maladie gagne du terrain...devenant de la folie pure et simple et
assez violente avec , au bout, l’enfermement dans un asile, en compagnie du personnage et des souvenirs de guerre et
de guerrier .....du père...tous les
autres devenant des « traîtres et des harkis » ,
conspirant contre le pays
L’Auteur : Né en 1968, vit et
travaille à Alger où il dirige une entreprise de conseil. Premier livre :
« Le Cri » (Barzakh Editions, 2013)
Extraits : « Ce
que je pensais de la violence ? Je n’en pensais pas grand-chose, je
m’étais habitué , depuis l’enfance , à celle de mon
père » (p 193), « Ma vie ressemble aujourd’hui à un immense gruyère.
De longs moments d’ennui, entrecoupés de trous béants, sans souvenirs » (p
195).
Avis : Si « Le
cri » abordait la relation (compliquée) jeune individu-ville, celui –ci
concerne la relation (encore plus compliquée) jeune individu-pays
. Ecriture linéaire et droit au but. Se lit d’un seul trait.Déconseillé aux enfants de moudjahidine sacralisant
(trop) des papas ayant bien réussi leur
vie « d’après »...ainsi qu’aux enfants « tchi-tchi »
élevés « à la dure ». Non ! en
définitive conseillé comme moyen thérapeutique pour se découvrir et peut-être
guérir en cas.....
Citations : « Perdre
son reflet n’était , au fond, pas si grave, l’essentiel était de se sentir
vivant, et d’être présent dans la réalité » (p 23) , « Je suis le
descendant des fougueux moudjahidine, jeunes , téméraires et audacieux. Je suis
en guerre ! » (p 197)