HISTOIRE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- OUVRAGE RACHID KHETTAB – « FRERES ET
COMPAGNONS……. (1954-1962)»
Frères
et compagnons. Dictionnaire biographique d’Algériens d’origine européenne et
juive et la guerre de libération (1954-1962) . Ouvrage de Rachid Khettab
(nouvelle édition revue et augmentée) . Dar Khettab, Boudouaou 2016 (1ère édition ,
2012), 396 pages+ 13 pages de photographies , 1 100 dinars.
« Je ne suis pas musulman, mais je suis algérien, d’origine européenne.
Je considère l’Algérie comme ma patrie ». C’est là un court extrait de
la lettre adressée à la presse et aux autorités françaises
, en 1956, par Henri Maillot. Des phrases qui peuvent être mises dans la
bouche de presque tous les 250 personnes
recensées (pour l’instant, car le travail de recherche n’est pas terminé) par
l’auteur. 250 fiches biographiques, courtes ou longues, mais toutes , en dehors
du côté plus qu’émouvant ressenti lors de la lecture, montrent combien l’engagement de centaines d’européens (car il ne faut pas
oublier que tous ces militants de l’indépendance et de la paix, avaient aussi
une famille qui, bien souvent ,s’est engagée avec eux et a souffert, parfois
plus que bien des « indigènes » : emprisonnments,
tortures, éloignement et dispersion de la famille, enfants séparés de leur père
ou de leur mère , couples brisés.... ) .
L’inculture aidant, on a tendance, surtout dans l’Algérie des toutes
nouvelles générations quasi-totalement déconnectées de l’Histoire vraie du
pays, à oublier que l’Algérie des années 50 du siècle passé (sous occupation française) était
cosmopolite, composée essentiellement , certes, d’Algériens d’origine
berbéro-arabe, de huit millions d’habitants, principalement de confession musulmane
, d’une population chrétienne d’un peu plus de un million d’habitants et d’une
population de confession juive, (environ 150 000 habitants) établie en
Algérie bien avant la colonisation française et dont les racines pour la
plupart d’entre-eux remontent à l’Antiquité , bien
avant que les Romains n’occupent le pays.Le décret
Crémieux de 1870 leur avait accordé la nationalité française, néanmoins ,ils
restaient bien plus Algériens que les nouveaux colons.
Rien d’étonnant donc qu’aux côtés des « indigènes », et souvent bien
avant le 1er Novembre 54 , on retrouve
des chrétiens et des juifs s’engageant dans le soutien et /ou la lutte pour la
liberté et l’indépendance. Certains sont devenus de véritables héros de la
Révolution et reposent dans les carrés des matyrs.
D’autres vivent encore dans leur pays d’origine (malgré bien des malentendus
et/ou erreurs politiques en 62, puis en 65 et juste après , et les dérives
islamistes des années 90), fiers d’avoir participé à la libération du
pays...puis à sa reconstruction .Des rues et des places portent des noms de chouhada d’origine européenne et juive.....Mais, hélas ,
cela reste bien insuffisant...et ce livre vient combler un peu le vide mémoriel sidéral que nous
entretenons...par manque d’archives...et de culture historique ouverte sur le
monde et l’universel .
L’Auteur :Sociologue de formation, diplômé d’universités (Montpellier
et Paris) , après avoir exercé plusieurs métiers , il fonde sa maison d’édition
en 2006.....et ce, afin d’offrir au
public des ouvrages de référence dans différents domaines.
Extrait : « La
plupart de ceux qui ont apporté leur soutien à la lutte de libération nationale
dans la minorité européenne ou juive sont restés en Algérie après
l’indépendance entre 1962 et 1965...... Tous ont exprimé la fierté d’avoir
été pour la libération de l’Algérie et d’être Algériens » (p 19)
Avis :De
la superbe recherche historique (celle d’inventaire) . Des fiches
biographiques.......Profonde émotion à
leur lecture. Avec des annexes (textes et photos) d’une grande intensité.
Citations : « L’idéologie colonialiste en Algérie
reposait fondamentalement sur une stratification sociale et économique dont le
critère était l’appartenace ethnique et
religieuse » (p 10) , « La révolution algérienne n’a pas pour but de
« jeter à la mer » les Algériens d’origine européenne , mais de
détruire le joug colonial inhumain » (p 12, extrait de la Plateforme du
Congrès de la Soummam) , « Le temps est venu de choisir et de préférer à
l’illusion des races la réalité d’un pays » ( p 368, Jean Sénac,
Extrait de la « Lettre à un jeune Français d’Algérie », mars
1956), « Il est faux de dire qu’il
y a deux communautés en Algérie. En réalité , il y a
deux camps : celui du colonisé et celui du colonisateur. Colonisés et
colonisateurs ne peuvent plus, à notre époque, cohabiter. C’est là tout le
problème « ( p 390, Extrait d’une interview de
Ferhat Abbas, 23 juillet 1957, in « La Révolution Algérienne »
de Charles-Henri Favrod)