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Roman Rachid Oulebsir- "Le premier sera un garçon"

Date de création: 04-06-2020 17:32
Dernière mise à jour: 04-06-2020 17:32
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POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN RACHID OULEBSIR- «  LE PREMIER SERA UN GARÇON »

Le premier sera un garçon. Roman de Rachid Oulebsir. Editions Frantz Fanon, Tizi Ouzou, 2016 , 151  pages, 600 dinars.

Un roman ? Oui, mais aussi un essai qui ne dit pas son nom , et on ne pouvait s’attendre à moins de la part de Rachid Oulebsir, toujours « possédé »  par  sa Kabylie natale, toujours soucieux de mettre en exergue ses aspects culturels « éternels » (en tout cas, ce qui en reste) . Pour lui, en parler, c’est déjà une forme de sauvetage, de préservation et de possible réhabilitation.

A travers l’histoire du premier voyage en Algérie d’un jeune couple d’émigrés algériens -  deux enfants de harkis,un homme , Khaled et une femme,  bien intégrés dans la société française, encore sans descendance malgré cinq années de mariage, et venus,   en fin d’été , à la découverte du pays de leurs parents -  la société kabyle est disséquée : A travers la vie quotidienne .Le village, la famille, les alliés, les femmes, les jeunes filles si belles « réduites à porter des fagots de bois et des cruches de terre cuite » , les jeunes,la gestion du village et l’entraide,  la terre, la poésie avec le mystérieux Hand-Ven-Li, les pratiques sociétales, culturelles et religieuses, la virginité......les touristes « émigrés » (il y aurait trois types de vacanciers),  les rêves de départ, l’électrification, la modernité, les nouvelles constructions, « moches copies des pavillons de la banlieue parisienne », ...et l’avenir du pays et la vie politique.....un peu.  Il est vrai que celle-ci, n’ayant rien apporté au développement du village, est totalement ignorée. Méprisée plutôt.

Hélas, malgré une certaine qualité de vie que certains essaient de conserver loin du fracas de la ville et des tentations de l’exil, le couple découvre que la montagne est en train de « perdre son âme », avec une population vieillissante qui n’arrive pas à transmettre ses repères et ses valeurs à des jeunes de plus en plus « connectés » avec l’ « ailleurs »

Heureusement qu’il y a Rachid , le journaliste revenu à sa terre pour tenter de faire « renaître la montagne même si ses habitants pensaient à tort être les derniers Kabyles »... et les femmes (et l’auteur estime que « c’est un roman au féminin »), avec leurs secrets, leurs passions retenues et leur force de caractère....et leur « savoir-faire »  qui, malgré une vie à l’écart, jouent un rôle central dans l’ aventure de modernisation du village .....Elles  pourront même aider la jeune parisienne a, peut-être, avoir un enfant.... un garçon bien sûr. Sidi –Lmouafak , visité et les rites habituels accomplis, y veillera !

L’Auteur : Diplômé des universités Paris-Nord et Paris 1 Panthéon Sorbonne en Economie politique, il est l’auteur de plusieurs romans , de  recueils de contes et d’essais portant tout particulièrement sur la patrimoine culturel amazigh

Avis : Style original, quelque peu déroutant.....surtout si on ne tient pas compte de l’engagement culturel de l’auteur ..qui défend l’oralité (sa fin signifierait, selon lui,  « la fin de notre civilisation parce qu’elle transmet des valeurs universelles » ) et son rejet du système mercantile  (déclaration lors d’une séance-dédicace à Tizi Ouzou)

Extrait : « Vous les accueillez en libérateurs. Leurs voitures polluent les poumons du village, leur argent pervertit les commerçants, leurs gadgets ridicules arrachent les yeux de nos chérubins, leurs habits déclassent nos antiques tenues, leur discours enterre notre vieille langue aux lettres d’argile et de laine, les sourires de leurs femmes vous renvoient dans l’enfance ! Les émigrés souillent notre âme ! Ils vous délesteront de votre rôle, vous déculpabiliseront de votre renoncement ; leur présence factice est une aubaine de plus pour justifier votre défaite ! » (p 43)

Citations: « Derrière toutes les décisions imprévues, les démarches précipitées, il y a un rêve » (p 7), « Dans notre vieille langue kabyle, la jalousie était toujours exprimée au pluriel » (p 39) , « Etre amoureuse , c’est chevaucher un lion, tu ne sais pas sous quel arbre il va te dévorer. » (p 68) , « Le bled que l’on a tellement diabolisé ou valorisé, c’est selon.Ce pays , pourtant paradisiaque...où leur ( aux enfants d’émigrés , les tout petits de la troisième génération) a-t-on répété,   la vie est impossible » (p 137) , « Chez les Kabyles, l’amour est un véritable accident quand il survient » (p 147)