HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH – OUVRAGE
ABDERRAHMANE FARES- « LA CRUELLE VERITE….. »
La cruelle vérité. Mémoires politiques 1945-1965. Ouvrage de Abderrahmane Farès. Casbah Editions, Alger 2006 (Librairie Plon, Paris,
1982) , 251 pages, 750 dinars
Un livre « oublié » , des mémoires
enfouies., volontairement ou involontairement occultées. C’est un peu l’histoire d’un homme à l’ itinéraire exemplaire, humain et militant , un homme
inoubliable et qu’il faut
revisiter. Pour bien comprendre des
périodes extrêmement importantes de l’histoire du pays.
Tout d’abord, c’est l’histoire d’un jeune homme qui a , malgré toutes les
difficultés inhérentes à un système de quasi-apartheid, réussi, par ses
connaissances et son savoir-faire, à se hisser à un haut niveau de culture
(être notaire n’était pas donné à tout le monde) et à des postes de
responsabilité politique élevés ...tout en gardant indemne sa probité et
surtout , son désir de participer , à sa manière, à la promotion, puis à
l’émancipation et enfin à la libération de son pays et de son peuple.
Ensuite , c’est l’histoire d’un homme accompli, équilibré, qui a su « manager » la (courte)
transition délicate et difficile (avec les menaces des ultras pieds noirs et de
l’Oas, avec les luttes intestines au sein du Fln-Aln, avec (déjà) les menaces marocaines aux frontières
sud-ouest , avec le manque de moyens financiers et humains, la plupart des
Européens ayant « fui »...) ,
avec l’aide de bonnes volontés (Gpra, Aln, Européens libéraux...).
Enfin , c’est l’histoire de la grande désillusion, non dans les capacités du peuple et du pays, mais
surtout dans les manœuvres politiciennes
et l’absence de projet économique et politique en phase avec les espoirs
démocratiques (dont il avait tracé les grandes lignes le 27 septembre 1962, à
la première réunion de l’Assemblée nationale
constituante qui venait de désigner (par acclamations) Ben Bella Chef du
gouvernement et juste avant la transmision des
pouvoirs de l’Exécutif provisoire et la proclamation de la République : pp
144-145)
Fin de l’histoire : le retrait
pur et simple de la vie politique....et l’écriture des « mémoires
politiques ». A –t-il été lu ? Certainement. A –t-il été
compris ? Pour l’instant , on ne le sait pas.
L’Auteur : Natif d’Akbou/Bejaia
(janvier 1911) , l’auteur est orphelin à l’âge de six
ans. Ecole primaire, cours complémentaire, études de droit (à Alger). Licencié au Mca (en
1932) car bon footballeur ayant même
aidé à y incorporer deux Européens (la loi franco-coloniale y obligeait).
Huissier à Sétif, greffier notaire (au « titre II ») à Sebdou, il est le
premier Algérien musulman non naturalisé (le qualificatif de l’époque, avec
celui d’ « indigène ») à réussir le concours de notaire...en
Algérie. Premier poste ...à Collo (son fils Nabile y
est né...et il y avait découvert une
rivière à truites ) , « l’étude la plus
déshéritée d’Algérie » ...toujours avec beaucoup d’ Européens accueillants
mais encore bien plus de racistes.
Ensuite Berrouaghia (avec des rencontres avec Ferhat
Abbas et Cheikh Bachir El Ibrahimi)
..et à Boghari (Ksar El Boukhari)
......Puis, enfin , l’ envol politique.....avec des réussites inattendues
aux élections les plus dures (il fut Président du Conseil général d’Alger et,
aussi, député (en 1946) puis président de l’ « Assemblée
algérienne ») ....la lutte politique en Algérie même (et des rencontres avec Yacef
Saâdi et Ali la Pointe, Abane Ramdane, Larbi M’hidi,..) ...la lutte politique en France et la
clandestinité....la rencontre avec de Gaulle.... de multiples contacts avec les représentants
de la résistance algérienne en Europe (Bouadaoud,
Haroun, Bouaziz, Adlani...)
.....l’arrestation et l’emprisonnement (novembre 1961- mars 1962) ....enfin la
présidence de l’Exécutif provisoire......Une autre arrestation (7 juillet 64) , cette fois-ci sur ordre de Ben Bella et emprisonné
durant toute une année (libération le 7 juin ....1965) .....Retrait de la vie politique...et décès
le 13 mai 1991
Extraits : « Les textes antérieurs (à la loi électorale en
discussion) ont toujours tendu à distinguer , d’une part les citoyens et,
d’autre part, les sujets.....A ceux-là (les Français d’origine , mais encore
les Européens de toutes origines auquels la
nationalité française était automatiquement accordée) étaient reconnus tous les
droits. Quant aux sujets , qui constituaient la masse des populations
autochtones, ils étaient pratiquement privés de tous les droits politiques,
économiques et sociaux ...Ce système (...) était celui du colonialisme »
(Extrait de la déclaration à la tribune de l’Assemblée nationale constituante
française, le 5 avril 1946, p 34),
« A 12 heures (le 3 juillet 1962, à Rocher-noir ) eut lieu la simple, mais
émouvante cérémonie au cours de laquelle fut hissé le drapeau algérien
confectionné dans la nuit par ma femme. Le 3 juillet est la date historique de
l’indépendance, et non le 5juillet comme il fut décidé par la suite «
(p134)
Avis : Un livre
simplement et clairement écrit ....à (re-) lire
absolument.
Citations :
« Qu’est-ce que la souveraineté (celle du collège électoral colonial)
? C’est le pouvoir , dans une société politique, de commander et de
contraindre » (p 39) , « L’Algérie était gouvernée non par Paris,
mais par le lobby des intérêts européens d’Algérie, extrêmement puissant et aux
moyens financiers immenses, dont les membres étaient presque tous inscrits au
Parti radical....Presque tous les ministres de l’Intérieur , tuteurs de
l’Algérie, étaient radicaux » (p
43) , « Le fleuve de l’histoire suit le chemin qu’il veut et l’espoir
étant une herbe précieuse qu’on n’arrache pas au cœur des hommes, la route qui
mènera à la solution politique définitive dans mon pays sera
l’indépendance » ( Extrait d’une conversation avec Edgar Faure, alors
président du conseil, 1955, p 58), « On ne cosntruit
pas un pays avec des mots, des slogans, des bobards ou des critiques stériles.On ne bâtit pas le socialisme par le verbe. On ne bâtit pas non plus sa maison en
commençant par la toiture, mais par les fondations. Or, la construction d’un
pays et de l’avenir d’un peuple ne reposent
que sur son économie. L’indépendance économique est la seule garantie véritable
de l’indépendance politique » (p 144),
« La politique mène à tout, surtout lorsqu’elle a le visage d’une
dictature » (p 155)