VIE
POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI NORDINE GRIM- « L’AN I DU
HIRAK…. »
L’An I du Hirak.Autopsie d’une révolution inédite. Essai de Nordine
Grim. Casbah Editions, Alger 2020, 800 dinars, 137
pages.
Pour la
première fois, le Hirak est présenté sous toutes ses
coutures : politique, économique, culturelle, sociétale……..Bref,
l’analyse, de manière concise, peut-être incomplète, mais tout de même précise
(car directe et sans détours) du phénomène , du
tsunami « hirak », brutalement survenu un
22 février 2019…..alors qu’on ne l’espérait pas ou plus.
Pour
emprunter au préfacier, l’auteur écrit certes mais il crie aussi. En onze
chapitres, on voit avec lui les colères, les frustrations et les
incompréhensions des manifestants du Vendredi et du Mardi.
Ses sept
premiers chapitres sont une narration de ce qui s’est passé suite à
l’entêtement d’un « chef d’Etat grabataire » (appuyé par la haute
hiérarchie militaire et quelques oligarques) à vouloir rempiler pour encore
cinq années (un cinquième mandat !)…….alors qu’une
« révolution » avait commencé à s’installer pacifiquement
, tout particulièrement chez les jeunes, dans les stades et à travers la
chanson.
Face au
« Système », une foule de plus en plus grosse…..mais sans leaders.
Voilà qui rend le dialogue difficile sinon quasi-impossible….mais qui facilite
l’émergence, au sein même du système…ou en marge, de forces nouvelles qui,
Bouteflika et ses « affairistes » out !, vont exercer le
pouvoir….à leur manière et selon leur façon de voir l’avenir du pays. Pour
l’auteur, comme d’ailleurs pour beaucoup d’autres analystes, c’est
, bien sûr, la haute hiérarchie de l’Armée. Comme toujours !
Avant-hier, la Sm, hier le Drs,
aujourd’hui, Ahmed Gaid Salah (avant son décès) , le chef d’état-major, vice-ministre de la Défense. A mon
avis, une idée fixe qui , avec l’absence de leaders et
la présence têtue de partis politiques « infertiles », a nuit à
toutes les approches de solutions. La rue et les réseaux sociaux, maîtres du
terrain….un terrain pris en étau entre la détermination du peuple (appelant à
la mise en application des articles 7 et 8 de la Constitution ) et la
volonté d’officiels ne souhaitant pas laisser le pays sans gouvernance et,
peut-être dériver dangereusement. Donc, « un Président à tout prix »!
Entre-temps,
la chasse aux affairistes et aux oligarques a commencé. Les arrestations
se multiplient n’épargnant presque personne parmi les plus
« introduits » au sein du clan « Boutef’
et Said », ce qui ne manque pas de perturber
encore plus la vie économique du pays (déjà en mauvais état), conjuguée durant
plus de vingt ans par les « corrupteurs , les
corrompus et les rentiers ».
Deux
remarques : A propos du journalisme –citoyen ! Sans vouloir polémiquer,
il me semble qu’il y a maldonne quelque part. Les animateurs des réseaux
sociaux ne sont pas des journalistes (à l’exception de quelques uns qui
activent dans des entreprises répondant à certaines règles
organisationnelles….comme les travailleurs de Radio M, déjà journalistes à
Maghreb Emergent….ou comme Khaled Drareni….ou Mahrez Rabia)….mais seulement des
citoyens qui sont et /ou veulent être des « influenceurs ».
On devrait parler beaucoup plus de citoyens –médias
(« informateurs »… « lanceurs d’alertes »…)
que de journalistes citoyens. Ces derniers n’existent pas car on est
journaliste –respectant les règles élémentaires de l’éthique et de la
déontologie professionnelle ainsi que maîtrisant les techniques rédactionnelles
de base - ou pas !
A propos des
décès durant le hirak (p126 ).
A ma connaissance trois seulement, trois de trop …mais dont les causes sont bel
et bien connues .
L’Auteur : Né à Azzefoun.
Ancien cadre supérieur au sein de l’administration centrale et d’institutions
ainsi que de sociétés nationales, spécialiste des questions de management et de
réformes des entreprises et des institutions publiques, auteur de
plusieurs ouvrages sur l’économie algérienne (dont « L’économie algérienne
otage de la politique »……. « Entrepreneurs, Pouvoir et Société
en Algérie »). Plusieurs contributions dans la presse (dont El Watan). Plume brillante !
Sommaire : L’outrage du cinquième mandat/ L’Algérie
retient son souffle/ Bouteflika contraint de démissionner/ L’Algérie en
situation de vacuité constitutionnelle/L’après Bouteflika commence avec
l’arrestation des oligarques/ Le Hirak n’a pas
perturbé l’activité économique/Gaid Salah s’impose
comme autorité suprême/ Le journalisme citoyen au secours du hirak/ Un président à tout prix !/Les acquis de la
révolution du 22 février/Un combat long et fastidieux
Extraits : « Les images montrant de hauts
responsables de l’Etat et des partis politiques croupions en train d’offrir un
portrait encadré de Bouteflika à un autre cadre de la même personne , de
verser des larmes et déclamer des poèmes à la gloire d’un portrait de chef
d’Etat absent, ont circulé à travers le monde donnant à ceux qui nous
méprisaient déjà, la certitude désormais établie d’un peuple soumis » (p
20-21), « Le Hirak n’avait commencé que depuis
trois mois, alors que l’économie algérienne présentait déjà des signes
d ’essoufflement dont les origines remontent à beaucoup plus
longtemps » (p 75), « S’il y avait effectivement beaucoup de
corrompus parmi les hommes d’affaires, il faut reconnaître que les corrupteurs
tapis dans les plus hautes sphères du pouvoir étaient les plus nocifs » (p
78), « Sans les réseaux sociaux, le soulèvement populaire du 22 février
2019 ne se serait sans doute jamais produit. Sans eux, il n’aurait probablement
pas pris autant d’ampleur et ne se serait certainement pas inscrit, comme c’est
le cas, dans la durée » (p 105)
Avis : Des réflexions « à
chaud » d’un homme connaissant bien le terrain bien plus qu’une étude
rébarbative. Sorte d’enquête journalistique bien documentée….mais assez engagée
(cela ne veut pas dire non « objective ») .
Seize pages de très belles photos couleurs (23) du mouvement populaire qui en
disent long( Z.Zebar, A. Chayani) !Ajoutez-y celle, superbe, illustrant
la couverture (Z.Zebar)
Citations : « La présidence à vie est
effectivement une dérive politique comme seuls les régimes dictatoriaux assis
sur de confortables rentes et hyper protégés par les forces de répression,
savent produire et imposer à leurs peuples » (p 31), « La corruption
ne se conçoit en effet qu’en présence d’un corrupteur et d’un
corrompu, tous deux devant objectivement tomber sous le régime du code pénal.
Mais force est de constater que les corrupteurs sont trop souvent épargnés par
ces campagnes anti-corruption périodiques » (p 68)