CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ETUDES
NABILE FARES- « MAGHREB, ETRANGETÉ ET AMAZIGHITÉ… »
Maghreb, étrangeté et amazighité. De Gustave Flaubert, Louis Bertrand,
Albert Camus à Jean Amrouche, Mouloud Feraoun, Kateb
Yacine et Abdelkébir Khatibi.
Etudes d’analyse littéraire postcoloniale.
Essai de Nabile Farès (Présentation d’Ali Chibani).
Koukou Editions, Alger 2016, 272 pages, 800 dinars
Littérature
écrite et histoire/ Littérature et
sémiologie/ Le système inversé de la littérature coloniale : L’œuvre de
Louis Bertrand/ Ecriture et symbolicité..... En quatre grands chapitres, Nabile Farès a , grâce à un
travail de recherche universitaire
datant de 1986 (et resté à ce jour inédit) nous présente, nous fait
découvrir (et nous démontre) un
territoire chargé de luttes symboliques,
déterminées par des confrontations historiques produites depuis de
nombreux siècles.
Pour
l’auteur, le Maghreb est le territoire qui doit naître à son étrangeté inscrite
dans son âme. Et, pour atteindre cet objectif, il s’intéresse à la constitution
des « discours et œuvres francophones sur les sociétés
maghrébines » ...discours formulés par l’autre, de manières
différentes, par plusieurs auteurs , sur le soi
maghrébin ...et discours formulés par soi sur soi
« Maghreb »,
« Tamazgha » ou « Afrique du
Nord » , chaque appellation ayant ses partisans
et ses défenseurs ou ses contempteurs...appellations auxquelles il faut ajouter
celle des Etats de la région ...et des islamistes « qui aiment à préciser
, pour nier tout ce qui a été avant les invasions arabo-musulmanes du VIIè siècle, « Maghreb arabe » (Ali Chibani,
présentation, p 9)
En fin de
lecture , on apprend une chose essentielle : la décolonisation sera
toujours incomplète tant que la restitution à l’amazighité de la place qui est
la sienne dans l’espace culturel maghrébin n’est pas intégrée totalement dans
la réflexion, sans esquive , par tous les intellectuels maghrébins :
« Une longue marche à faire pour aller jusqu’à eux-mêmes »....C’est,
aussi, le seul moyen de « refuser la vassalité à l’égard des régimes et
des identités politiques actuelles, comme le fit Jughurtha
à l’égard de l’empire romain »
L’Auteur : Né à Collo en 1940 (d’une
famille originaire d’Akbou....et fils aîné de
Abderrahmane Farès, ,
notaire, président de l’Exécutif provisoire en 1962), ayant rejoint le Fln en
1960, il a fait des études de philosophie, de sociologie et de psychanalyse.
Enseignant en Espagne, en Algérie (maître de conférences à l’Université
d’Alger) et en France (professeur en littérature comparée à l’Université de
Grenoble) , psychanalyste. Auteur de deux thèses
Romancier, dramaturge et poète...avec une
trilogie marquante : « Le champ des Oliviers » (1972),
« Mémoire de l’absent » (1974) , « L’Exil
et le désarroi » (1976). Décédé en France en août 2016
Extraits : « Nous désignerons
l’anthropologie comme un discours - ou des discours – de l’homme
, et un discours – ou des discours –sur l’homme ou, plus généralement,
des discours de l’humain sur des mises en systèmes en état, ou en rupture, des
coexistences humaines ;ceci , à la croisée des civilisations qui se
rencontrent , se heurtent , ou, par instants, s’observent , se reconnaissent ou
se manquent» (p 17)
Avis :Conseillé aux anthropologues, sémiologues, psy’ et
sociologues,...et , bien sûr , aux étudiants qui veulent apprendre et s’assurer
une meilleure lecture des débats et polémiques idéologiques actuels, et qui découvriront un intellectuel de
grande valeur à la culture multidisciplinaire remarquable
Citations : « « La parole
d’écriture , manifestée par les sujets porteurs d’une interrogation d’écriture,
va être à l’origine d’un exil linguistique et social de plus en plus
affirmé ; tension nouvelle, cette fois, de l’écriture maghrébine de langue
française en son rapport à ce qui préexistait de langues et de cultures, prise
dans une mémoire sociale, symbolique, historiquement bouleversée » (p 33) ,
« Le Kabyle exprime naturellement
sa pensée par images, d’une manière allusive. L’image et ce qu’elle signifie
sont étroitement associés dans son esprit. C’est pourquoi ses poèmes sont purs
de littérature, de rhétorique. Tout est incarné dans l’image ou le symbole. Le
mythe est tout naturel à ces hommes simples et vrais » (
p 161, Extrait Jean El Mouhoub Amrouche, Extrait de « Chants berbères de Kabylie
(1939) », L’Harmattan, Paris 1986 )