CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ETUDES AHMED BEDJAOUI ET MICHEL SERCEAU – « LITTERATURE ET CINEMAS
ARABES »
Littérature et cinémas arabes. Etudes, sous
la direction de Ahmed Bedjaoui et Michel Serceau (préface de Azzedine Mihoubi,
ministre algérien de la Culture) . Chihab Editions, Alger 2016. 148 pages en français
et 95 en arabe , 1 100 dinars.
Selon les chercheurs ( Gilles Lipovetsky,2007) , il y a quatre moments clés de l’histoire du cinéma dans
le monde arabe :
Celui de la « modernité primitive » ,
moment de l’irruption du cinématopgraphe dans
l’espace public (première projection Lumière à Alexandrie le 5 novembre 1896).
Celui de la « modernité classique » des années 30-50 qualifiées
d’âge d’or des studios quand les normes du récit classique vont se forger en
modèle (création des studios « Misr ») : cinéma narratif
Celui du « modernisme émancipateur » qui va des années 60 aux années 90, avec un
air de liberté et de révolte brisant
normes et traditions cinématographiques .
« Années de braise » et montée
d’un champ cinématographique arabe multipolaire
Celui de l’époque actuelle de « l’hypermoderne » ....ère de
globalisation où les traits de la postmodernité sont encore en gestation dans
le cinéma arabe.
Il reste cependant encore difficile d’avoir une vue sinon objective
, au moins correcte de la situation, l’expresion
« cinéma arabe » déclenchant encore des débats. Certains associant
l’arabité à l’idée identité-racine, d’un espace –langue, d’autres refusant
cette territorialisation... « Le cinéma arabe ne se fait pas
« uniquement et nécessairement » dans le monde arabe » (Khemaïs Khayati, 1996) . Notons au passage que le Dubai
International Film Festival (Diff) s’étant adressé , en
2013, à 475 professionnels des milieux de la culture pour demander un
classement des 100 meilleurs films arabes depuis 1930 jusqu’aux années 2010, le
cinéma maghrébin d’origine littéraire francophone a été absent des listes
retenues. C’est tout dire .....de l’ignorance et
d’un certain mépris à l’endroit du Maghreb...tout
particulièrement la littérature
d’expression francophone.
Heureusement, Ahmed Bedjaoui a tenté de rétablir
un peu la vérité en présentant deux magnifiques
portraits de Assia Djebar
et de Mouloud Mammeri dont les œuvres onté té portées
(par eux et/ou avec eux ) à l’écran : « La Nouba des femmes du
mont Chenoua » (Prix de la critique au
Festival de Venise en 1979) , « La Zerda ou les Chants de l’Oubli », « L’Opium et le
Bâton « ( avec Ahmed Rachedi, 1969-1971) ,
« La Colline oubliée » (A. Bouguermouh, 1997)
Notons que A. Bedjaoui a recensé , de 1961 à
2016, près de 90 films algériens ou coproduits tirés,
adaptés ou inspirés d’oeuvres littéraires...et, au
Maghreb, c’est en Algérie que l’on trouve le plus grand nombre d’oeuvres littéraires portées à l’écran, mais aussi d’auteurs
attirés par l’écriture de scénarios (Boudjedra, Dib,
Mammeri, Djebar, Khadra, Charef, Mihoubi, Ouettar , Saadi...)
Les Auteurs : Salma Mobarak, Abdelkrim Gabous, Moulay
Driss Jaïdi, Walid El Khachab....Lamy
Tiari, Hassen Najeh, Allel Mohamed .Ahmed Bedjaoui, docteur en littérature américaine et enseignant
universitaire en journalisme, est
directeur artistique du film engagé d’Alger. Il est l’auteur de deux ouvrages
sur le cinéma algérien (Chihab) et
, en 2015, l’Unesco lui a attribué la médaille Frédérico
Fellini. Michel Serceau , docteur d’Etat a
publié de nombreux articles sur le cinéma et a publié un ouvrage (Presses
universitaires du Septentrion, 2014) sur « l’adaptation cinématographique
des textes littéraires... »
Extraits: « Les
relations entre cinéastes et romanciers marocains sont restées assez ambiguës
et entachées de défiance. Les premiers préfèrent se fier à leur instinct
créatif en matière d’écriture scénaristique ; les autres se confinent dans
une écriture pour la plupart du temps jugée opaque et non visuelle » (
Moulay Driss Jaidi, p 59) , « Hormis le cinéma
égyptien où le nombre de romans et de pièces européens adaptés en arabe a été
pendant plusieurs décennies dominant, (....), les cinémas arabes n’ont fait
qu’exceptionnellement des emprunts aux littératures occidentales. Les cinémas
du Machrek n’en ont pour ainsi dire pas fait , les cinémas du Maghreb guère plus « (p 87) ,
« Les littératures occidentales du XXè siècle
ont été ignorées par les pays du Machrek. Les
adaptations des œuvres des littératures occidentales se comptent aussi sur les
doigts d’une main dans les cinémas du Maghreb. Mais elles sont, dans le
contexte de la décolonisation, chargées des sens » (p 87),
« Les plus grandes œuvres qui ont représenté des tournants dans l’histoire
du nouveau cinéma arabe ont mis en évidence l’autonomie du cinéma par rapport à
la littérature. Ainsi faudrait-il reconnaître que ce nouveau cinéma s’est
développé loin des sources littéraires » (p 119)
Avis :Des
écrits de spécialistes qui nous aident à mieux comprendre les raisons des
succès et des échecs du cinéma « arabe »
Citations : « Le cinéma , c’est l’ombre de l’histoire, mais aussi dans lequel
se reflète l’image de l’homme, où qu’il se trouve « (Azzedine Mihoubi, préface, p 11)