RELATIONS INTERNATIONALES- BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ROMAN TARIQ ALI –« LA NUIT DU PAPILLON D’OR »
La nuit du Papillon d’or. Roman
(« Le Quintet de l’islam ». Livre cinquième )
de Tariq Ali, Apic
Editions( éditeur original en anglais : Verso, Londres 2010 et Sabine Wespiesr éditeur pour la traduction française , 2011) , Alger 2016. 293 pages, 900 dinars.
Le Pakistan n’est jamais nommé (l’auteur utilisant « Terrepatrie », ce qui est assez émouvant, tout en
citant Lahore) mais, en fait, c’est le personnage central d’un roman de gare à
l’eau de rose (les amours se font et se
défont sans jamais tomber dans le vulgaire) qui aurait été quelque peu insipide
s’il n’y avait le talent, que dis-je, le génie d’un auteur qui, malgré un long
et lointain exil, a su décrire, à travers des faits du quotidien, sa passion pour son pays natal.....secoué par
les dictatures , pour la plupart militaires, les répressions tout
particulièrement contre les démocrates,
et pays enfermé dans une société engluée dans ses traditions et une religiosité
exploiteuse et souvent meurtière avec ses fanatiques.
L’histoire démarre au sein d’un
groupe de jeunes formé durant la scolarité dans les années 60 ....La vie les
sépare et on les retrouve éparpillés, qui à Londres, qui à New York, qui à
Paris, qui en Chine, qui partout ...
Quelques décennies plus tard, le téléphone sonne chez Dari, le narrateur,
écrivain célèbre (et célibataire) installé à Londres. Un de ses anciens amis, Platon ,peintre jouisseur et anarchiste sur les bords ,
devenu célèbre - celui-ci resté au
pays malgré tout - lui demande d’écrire
sa vie. Une sorte de dette d’honneur. Commence
alors une recherche des amis
perdus de vue.
Dari les rencontre –il revoit ainsi Jindié
« le Papillon d’or », son
premier et grand amour de jeunesse , fille d’un riche savetier d’origine
chinoise , mariée à son ami Zahid,
urologue réputé ...ayant soigné Dick Cheney, ce qui n’est pas peu . Il
rencontre Zaynab , riche héritière .....mais
seulement après la mort de frères qui l’avait « mariée au Coran »
afin qu’elle n’hérite pas. Il croise Yasmine, la « Coquine » , jolie jeune femme,
épouse d’un officier supérieur mais qui faisait les bons moments d’officiers
généraux (avec l’assentiment de son mari)
....obligée de jouer à l’agent de renseignement du Drs
du coin. Réfugiée en Europe, elle déballe tout....et elle sera assassinée par
son époux et ses deux enfants qu’elle avait déshonoré, dirent –ils .
Il ira même en Chine, rechercher et retrouver le frère de Jindé, « Confucius », parti faire la « révolution
culturelle » et que l’on n’avait plus revu
A travers toutes ces rencontres , c’est en fait le
portrait du Pakistan qui est dressé : Un portrait certes dévastateur (
avec un certain humour qui fait passer les signes les plus tristes) mais pour des raisons totalement différentes
invoquées habituellement par les observateurs extérieurs , surtout occidentaux.
Bien sûr, Platon est mort et tous se retrouveront au pays natal pour
inaugurer un musée portant son nom (financé par Zaynab).
On y dévoile aussi la dernière œuvre : une toile gigantesque intitulée
« Les quatre cancers de Terrepatrie » (voir
plus bas :Extraits)
L’Auteur : Tariq Ali est né à Lahore , au
Pakistan en 1943. Intellectuel engagé, opposant à la dictature militaire, exilé
en Grande Bretagne, devenu britannique, il fait partie de l’extrême gauche anti-libérale depuis la fin des années 60
. Historien, écrivain, et commentateur politique, il est membre du
comité de rédaction de la New Left Review et directeur de la maison d’édition londonienne
Verso. Il écrit également pour le théâtre, le cinéma et la télévision
. Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages historiques et sur la
résistance. Son « Quintet de l’Islam » comprend cinq (5) livres dont
celui-ci est le tout dernier ( Le Livre premier,
« Un Sultan à Palerme » a été édité par Apic Editions, en
2012). Il est traduit dans le monde entier . Il aurait inspiré aux Rolling
Stones leur chanson la plus engagée, en 1968, « Street fighting
man »
Extraits: « Le
discernement disparaît à fond de train de la culture occidentale. Les gens
aiment à fond de train ce qu’ on leur dit
d’aimer, et comme ils ont payé le prix fort pour être là, ils veulent se
convaincre qu’ils ont vu et entendu quelque chose de bon. Au théâtre c’est
pareil. Toute critique sérieuse est jugée déloyale » (p 157)
« Voici les quatre cancers de Terrepatrie :
l’Amérique, les militaires, les mollahs et la corruption » (p 180)
Avis : Un livre
autobiographique ? En tout cas, incontournable d’autant que cette fois-ci , on en apprend
énormément sur le Pakistan,certes , mais
aussi sur nous-mêmes et sur nos sociétés. Facile à lire car l’auteur
est un conteur formidable, drôle et imaginatif, satirique et très bien informé.
Citations :
« Les amitiés sont d’une mobilité ridicule. Elle filent, évoluent,
disparaissent , s’enterrent comme des taupes pendant de longue périodes et
s’oublient aisément , surtout si l’un des amis change de continent » (p
10) , « L’amour pur confine à l’extase religieuse et à la vénération....Il
sépare aussi l’amour de la passion. Le premier pour l’épouse, la seconde pour
une courtisane et ensuite une maîtresse « (p 31), « La plupart des Américains adorent la
religion, et cela fait partie de la corbeille de noces si vous en épousez
un » (p 141), « Les seules unions qui marchent doivent être fondées
sur des passions sincères. L’amour et la politique » (p 168), « Les
romanciers et les célibataires ont ceci de commun : ils sont en permanence
à la merci d’impulsions capricieuses » (p 201), « Un artiste ne
devrait jamais être en harmonie avec son temps même si les temps s ’accordent à ses croyances. Un artiste doit toujours
regarder au-delà, vivre sur l’arête. Autrement l’art deviendrait
prévisible » (p 247),