POPULATION –
BIBLIOTHEQUE D’ALGERIE- ESSAI R.AYOUN & B. COHEN- « LES JUIFS
D’ALGERIE….DEUX MILLE ANS D’HISTOIRE »
Les Juifs d’Algérie.....deux mille ans d’histoire . Essai de Richard Ayoun &
Bernard Cohen (Préface de Gérard Nahon) . Editions Rahma
(Maison d’édition n’existant plus) , Alger 1994 (J-C
Lattès Editions, Paris, 1982) , 262
pages, ????? dinars
Auparavant, les juifs d’Algérie
(se trouvant en France et ailleurs) n’avait aucune histoire....écrite.
Eux-mêmes ne disaient-ils pas que leur histoire « n’avait rien de
mémorable ». Les archives familiales étaient dispersées et les plus âgés
n’ont pas été encouragés à raconter . Certainement en
raison « d’une trajectoire trop mise au compte de paramètres qui leur
échappaient entièrement, de choix qu’ils n’auraient pas maîtrisés,
d’événements qu’ils n’auraient que
subis ».
Les auteurs ont voulu
encore savoir, savoir mieux...aller au-delà de la nostalgie convenue et de la
complaisance folkrorique se limitant aux rites hauts
en couleurs
La présence juive est
attestée déjà durant la période antique . Bien avant
la conquête romaine, déjà des communautés juives étaient établies. En témoigent des inscriptions latines et hébraïques. Elle est
aussi attestée par le rôle majeur des Berbères judaisés
dans les résistances armées aux invasions dont le plus marquant est celui de la
reine de l’Aurès, dite la Kahena (Dihya) . Après le VIIIè siècle , Tahert (près de
Tiaret) et Tlemcen deviennent des foyers rabbiniques influents. Une présence
malgré tout marginale qui se re-développe avec l’arrivée , en grand nombre , d’ «
expulsés » et de réfugiés fuyant l’Espagne, en 1391 puis en 1492 :
« Des structures plus démocratiques, un rabbinat puissant, une liturgie
importée » , et « l’élement immigré
s’impose à l’élément autochtone , par son mode d’organisation, son patrimoine
spirituel , son importance numérique aussi » . Avec l’arrivée des Turcs , c’est la « sortie défnitive
de l’ombre » . L’entrée en force des juifs d’Algérie sur le devant de la
scène commence avec l’arrivée des Français (le 16 novembre 1830, Bacri était nommé, par arrêté, « chef de la nation hébraïque en
Algérie »)...avec des fortunes diverses , allant
du Décret Crémieux accordant la nationalité française et une assimilation
galopante accompagnée d’une allégeance souvent trop démonstrative à la
France...... à l’Indépendance du pays en
1962...... en passant par l’antisémitisme et le racisme pétainiste des
populations européennes , plus virulent en Algérie
qu’en France (avec l’annulation brutale et totale du Décret Crémieux, la confiscation de biens,
l’internement....) . Le reste est une toute autre histoire......avec l’exode massif , surtout vers
la France car il y eut , toujours, en Algérie (bien plus qu’au Maroc ou en
Tunisie), un relatif désintérêt pour la
politique sioniste .
L’Auteur : R. Ayoun , né en janvier 1948 à Oran (décédé à Paris en 2008),
enseignant universitaire et chercheur spécialisé dans l’histoire des Juifs
d’Afrique du Nord. Quant à Bernard Cohen, né en France en 1956, c’est un ancien
correspondant de l’Afp à Jérusalem puis journaliste à Libération.
Traducteur (de nombreux titres américains dont ceux de Douglas Kennedy) et
interprète de conférences
Extraits : « Déracinée par le caprice des Etats, la
communauté juive d’Algérie n’ a pas connu la ruine, mais elle s’est beaucoup
perdue » ( p 7), « La mutation présente des juifs de France ne se
comprend guère qu’en fonction de l’arrivée de ceux d’Algérie .....L’entrée
dans la mouvance française ne coupe pas soudainement les juifs d’Algérie de
leurs racines africaines » (Gérard Nahon, préface , pp 14-15), « Le Maghreb central a été, aussi, au
début de l’ère chrétienne , un refuge » (p 29), « Bien ancré dans la
profondeur du pays, le judaïsme d’Algérie va apprendre à ne point s’y
perdre » (p 55), « Né en Orient, patiemment, longuement adapté à
l’Occident, le judaïsme d’Algérie semble parfois présenter l’expression la plus
contrastée de la mésaventure disporique » (p
205)
Avis : Un livre solide ,
écrit pour les Juifs d’Algérie. Une sorte de « retour à
soi » qui tente de remettre les
pendules à l’heure, « l’historiographie coloniale française ayant eu
tendance à faire du juif un objet de curiosité et à le dissocier de
l’environnement arabo-berbère »
Citations : « L’Algérie est une contrée où les emprunts culturels ne se
font pas à moitié : si le monde berbère s’est islamisé profondément,
la société algérienne restera, au plus profond d’elle-même, hostile à la
France....C’est là une situation unique au Maghreb » (p 218)