VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ESSAI LIES BOUKRA- « LE DJIHADISME… »
Le Djihadisme.
L’Islam à l’épreuve de l’Histoire. Essai de Liess
Boukra, Editions Apic, 457 pages , 900
dinars.
Le djihadisme est survenu, selon l’auteur, le 6
octobre 1981 avec l’assassinat du Président égyptien Anouar El-Sadat, par un
commando se revendiquant du groupe « Djihad »...Il s‘intensifie au
Moyen-Orient et entame , en Algérie , sa formation, en
1982, avec la formation d’un Mouvement islamique armé, Mia, qui passe à l’acte
le 17 novembre de la même année (attaque d’un barrage de Gendarmerie à Ben Aknoun/Alger) . Au
même moment, un djihad défensif, celui-ci, ....une résistance à l’invasion
soviétique (1979) ,
se déroule en Afghanistan avec le soutien massif de l’Arabie saoudite,
du Pakistan et des Etats-unis d’Amérique. Une
nébuleuse arabe , contaminée par le germe djihadiste d’extraction égyptienne se développe et consolide ses rangs ....et le
djihad afghan est assez vite phagocyté par le djihadisme...qui,
en quelque sorte, récupère la mise .Là
est , peut-être, le grand tournant :
Contrairement au mythe entretenu, la nébuleuse ne concourt en rien à la
débâcle de l ’Armée rouge (1989) , mais elle en réclame la paternité au
détriment des moudjahidine afghans. Elle déprécie ainsi leur djihad territorial
pour promouvoir un djihad déterritorialisé. C’est à s’y perdre !
En universitaire soucieux de rigueur scientifique, l’auteur après avoir défini (plutôt aidé à cerner) le concept de djihadisme) , énonce deux
hypothèses (à vérifier) qui vont lui permettre
de suivre un cheminement éclairé pour une analyse concrète :
L’islamisme ,manifestation moderne du « blocage théologique » ;
l’islamisme et sa dérive violente qu’est le djihadisme,
expression d’un engagement politique. Deux hypothèses qui posent auant de questions qu’elles n’en résolvent. Par la suite , trois
niveaux d’analyse :
-L’exploration du trajet menant de l’islam à l’islamisme (la relation entre
islam et politique, définitions et repères historiques (lieu et moment de la
lecture islamiste de la Lettre : énoncés coraniques et Tradition ......)
-L’analyse de l’itinéraire conduisant de l’islamisme au djihadisme
(comment se fait le passage à l’acte...)
-La mondialisation du djihadisme ou l’étude de la Qaida et de sa
conversion en acteur géopolitique (les causes, les conséquences, la transnationalisation du djihad..)
La conclusion est claire et sans détours : L’Islam a besoin d’une
« mise à jour » qui l’ancre dans le site mental de notre temps et
l’ouvre au débat et la controverse fructueuse afin qu’il rédécouvre
la diversité et reconnaisse l’altérité....Misssion
impossible ? Car, cette « mise
à jour » n’est pas une exigence récente. Déjà ,
dans les premiers siècles de l’islam , des penseurs (théologiens et philosophes
) se sont échinés à relire la lettre à la lumière de la raison, pour en tirer
une synthèse de compromis ; celle d’une foi raisonnable et d’une raison
pieuse....et, de plus (surtout), la question (de la « mise à jour » )
n’est pas , en réalité, une question religieuse , encore moins
philosophique ; elle est
fondamentalement politique....Tout le problème est là.
L’Auteur :
Sociologue, enseignant universitaire , il a publié
plusieurs ouvrages sur les problématiques de la sociologie de notre société .
Sur le terrorisme, déjà deux ouvrages , l’un en 2002
(Editions Favre, Lausanne : « Algérie : La terreur
sacrée ») et l’autre en 2006 (Editions Chihab,
Alger : « Le terrorisme (Définition, histoire, idéologie et passage à
l’acte ») . A été longtemps directeur de l’Institut de sondage du Groupe Anep. Actuellement,
directeur de Institut National d’Etudes et de Stratégie globale ( Inesg), organisme d’études, de
recherche et de prospective dépendant de la Présidence de la République
Extraits : « Le djihadisme n’est pas le djihad. Ce dernier renvoie à la
mobilisation guerrière de la communauté islamique soit à des fins défensives,
soit en vue d’islamiser de nouveaux territoires........Quant au djihadisme, il s’agit d’un mouvement armé qui, se prévalenat d’une idéologie politique d’extraction
religieuse, vise à abattre les régimes au pouvoir dans leur propre espace
islamique » (p 7), « Le djihadisme est
l’expression d’un extrêmisme religieux et cette
prédisposition est immanente à toutes les religions « (p 8), La montée en
puissance de l’islamisme, dans les années 1970-1980, est, pour une partie et
par beaucoup de ses aspects, le fruit de la connivence entre le « cow-boy
américain » et les « Ikhwan » wahabites » (p 256).
Avis : Ouvrage de base
pour comprendre le djihadisme...expliqué presque de
l’intérieur. Pas trop accessible au commun des lecteurs. Dommage ! Il faudrait , peut-être, qu’ au niveau des éditeurs (et des
auteurs) , on pense sérieusement à publier , juste après ou parallèlement du
livre de base , pour l’ ouvrage de haut
niveau, des sortes de « Que sais-je ? » ...en français et en
arabe...et en tamazight
Citations :
« L’islamisme est la matrice idéologique du djihadisme.
Toutefois, si tout djihadiste est un islamiste, tout
islamiste n’est pas forcément un djihadiste.......Tout
islamiste est un salafiste, mais tout salafiste n’est nécessairement pas un islamiste » (p
24), « Dans sa réalité, l’histoire est le procès de production des hommes
par eux-mêmes » (p 35), « L’islam est une religion, une spiritualité
et un culte ;le salafisme est une idéologie, une
manipulation politique, qui s’est indûment appropriée le message coranique,
altérant son souffle humaniste, pervertissant son impulsion pacifique... »
(p 107), « Les Etats arabes ne sont que très peu raccordés aux sociétés,
qu’ils phagocytent à des fins de neutralisation, tandis que celles-ci ne sont
que très peu intégrées au champ politique » ( p 431), « Dans nos contrées, contre l’oppression
, ne parviennent à s’opposer efficacement que des idéologies oppressives
« (p 440), « Ce n’est pas la Lettre qu’il faut contraindre , pour
s’autoriser d’une interprétation nouvelle, mais les « pères » qu’il
faut obliger à la retraite. Le monde islamique a plus besoin d’un parricide que
d’un aggiornamento. Le prescripteur de la lettre, qui ouvre une artère aux salafistes, qui ne veulent retenir de son sens , que ce qui appelle au djihad, n’est pas l’islam en
soi, mais les « princes » , qui ont en fait la couche de leur
conservatisme et l’ombre gardienne de leurs appétences hégémonqiues »
(p 440)