CULTURE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI AHMED BENSAADA- « KAMEL DAOUD :
COLOGNE…. »
Kamel Daoud : Cologne, contre-enquête. Essai
de Ahmed Bensaada (préface de Jacques –Marie Bourget) , Editions Frantz Fanon, Tizi-Ouzou, 2016, 133
pages, 600 dinars
Un auteur qui, à
force de vouloir descendre en flammes la « mimétisation »
intellectuelle s’est très vite retrouvé enfermé dans une « memmitisation » excessive .
Il est vrai que dès sa (courte ) introduction, il
annonce la couleur en citant l’ « œuvre majeure » d’Albert Memmi
qui, en 1957 , dans « Portrait du colonisé » (dont plusieurs plusieurs
fragments ont été publiés dès 1953) , avait décrit, « avec une remarquable
clairvoyance » , les caractéristiques du « colonisé ».
Certes , Memmi
avait prédit une « mort jeune » à la littérature colonisée
(sic !) de langue européenne ......et , c’est ce qui était d’ailleurs
arrivé à un Malek Haddad qui, encore jeune et
flamboyant mais tellement « culpabilisé » par les discours
« gauchistes » et
« nationalistes » de l’époque, avait abandonné
l’écriture, se réfugiant dans les pages culturelles d’un journal
régional......et bien d’autres (dont Rachid Boudjedra)
avaient été contraints à l’exil . Cela ne s’est d’ailleurs pas arrêté (et ne
s’est pas limité à la seule littérature) , et bien de
nos grands créatifs et/ou autres essayistes n’ont
« pondu » leurs plus belles œuvres qu’en allant nicher ailleurs
(Lakhous, W.Laaredj, A.Mosteghanemi, Dib, Kateb, A.Djebbar,
M.Arkoun,B.Sansal, Y.Khadra,......).
....Memmi avait donc raison. Mais, ses « héritiers » vont encore plus loin
,estimant (et tentant de démontrer en démontant des œuvres
contemporaines) que « des décennies
après la décolonisation des pays du Sud, une autre colonisation ,
intellectuelle, celle-là, allait non seulement survivre mais prospérer » .
La nouvelle
cible est très vite trouvée. Kamel Daoud !
Une cible tout d’abord visée par les islamistes en acte ou en puissance
( les « nationalistes » sourcilleux se limitant à des observations
amicales bien qu’ « op-pressantes » )
que les chroniques de presse et propos du journaliste -écrivain , toujours
« réalistes » , dérangeaient . Puis vint la fameuse émission avec Ruquier et la « fatwa » déguisée de Hamadache. Ensuite,
les évènements de Cologne !
L’occasion est
belle : de ce fait, Kamel Daoud (qui fait partie du « titre »,
certainement pour bien « accrocher », ce qui normal en marketing )
est mis à toutes les sauces de la « néo-colonisation » :
Kamel Daoud (« romancier depuis peu ») le néo-colonisé , Kamel Daoud et les violeurs
de Cologne (voir Ps) , Kamel Daoud et la langue arabe, Kamel Daoud et la
Palestine, Kamel Daoud et les fatwas, Kamel Daoud et ses défenseurs (on y
retrouve D. Benhabib, N. Polony,
B Henri Lévy, A.Finkielkraut, P. Assouline,
M. Valls, le Crif, M. Onfray,
P. Bruckner, ..... « un puissant lobby
omniprésent dans les médias mainstream (ndlr :
« dominants »/ « majoritaires ») et dont les membres
« omniscients » sont capables de démontrer une chose et son
inverse »)
N’oublions pas
la sentence très « directe » pour ne pas dire brutale du préfacier (un journaliste du site Mondafrique – appartenant à Nicolas Beau- , un ancien de
l’Ortf, la Nrf, l’Aurore, Le Canard
Enchaîné, Vsd, Paris Match, Bakchich.......ayant couvert plusieurs guerres
, blessé gravement – handicap de 42%- à Ramallah par l’armée israélienne en
octobre 2000.....qui n’a jamais reconnu la
bavure , donc pas d’indemnisation malgré un procès ) .... qui,
s’en prenant au « journaliste à la plume alerte », « un
« renfort basané » dans la « croisade du choc des
civilisations », trouve
qu’ « il est donc dit que la France vivra désormais sous les dictats
d’Eric Zemmour, l’Algérie sous ceux de Kamel
Daoud ».Une sentence sentant fort le........
« néo-impérialisme » culturel !
L’Auteur :
Titulaire d’un doctorat en physique de l’université de Montréal obtenu au
Canada et y vivant , il fut, tour à tour, enseignant,
chercheur et conseiller pédagogique. Déjà auteur d’un premier essai :
« Enquête sur le rôle des Etats-Unis dans les révoltes arabes » . Il avait quitté l’Algérie, au début des années 90 , suite à l’assassinat,
par les islamistes terroristes, de son frère, Hocine
Extraits : « Il est clair que le rôle d’un
intellectuel engagé est d’observer sa société, d’en déceler les défauts, de les
critiquer objectivement et d’apporter ne serait-ce qu’une ébauche de solution à
ses problèmes. Mais où se trouve la frontière entre la critique constructive et
l’injure calomieuse , entre l’impertinence intellectuelle et l’offense
dégradante ? » (p 57)
Avis :Une explication de textes basique à partir d’une
grille d’analyse datant du début des années 70...Des pages et des pages de
« critiques », pas seulement de Kamel Daoud mais aussi de Djamila Benhabib
et de Sansal
qui y sont écorchés au passage. Objectives , les
critiques ? Chacun verra « midi à sa porte », car chacun est libre,
n’est-ce pas ? Il faut seulement l’admettre.....pour comprendre....et ne
pas s’enfermer dans la « thèse du complot » et du dogme . Hélas, notre élite intellectuelle , la plus politisée, reste encore empêtrée dans trop de certitudes
et d’engagements « dé-passés ».....allant
jusqu’aux mauvais procès.
Citation : « A son stade ultime de « mue idéologique », le stade le
plus achevé, l’écrivain néocolonisé adopte le
comportement et le discours du « colonisateur » qu’il s’est approprié
par « mimétisation » (p 23)