HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ENQUETE PIERRE DAUM- « LE DERNIER TABOU DES HARKIS RESTÉS EN
ALGERIE….. »
Le dernier tabou des Harkis restés en
Algérie après l’Indépendance. Enquête de Pierre Daum. Koukou
Editions, Alger 2016, 535
pages, 1 200 dinars.
« En 2015, Pierre Daum publie une nouvelle enquête, Le Dernier Tabou,
les « harkis » restés en Algérie après l’indépendance. Il y révèle
que « la majorité des harkis, bien qu’ayant traversé une période
effroyable après guerre, n’ont pas été victimes de massacres et ont continué,
non sans difficultés évidemment, leur vie en Algérie[] ». Ce livre
est le résultat d’une longue enquête en Algérie, au cours de laquelle le
journaliste a rencontré quarante-trois anciens supplétifs algériens de l’armée
française (ceux qu’on appelle communément en France les harkis), mais aussi des
anciens appelés et engagés algériens restés dans leur pays après l’indépendanc[e]. L’historien François-Xavier Hautreux
salue « la grande qualité de cet ouvrage, qui permet de faire entendre ces
voix si longtemps tues».
À
sa sortie, le livre est attaqué par certaines associations françaises de harkis
et d’enfants de harkis [, , qui
l’accusent notamment de « négationnisme des massacres [de harkis] de
1962 ». En octobre 2015, Pierre Daum est déprogrammé du Salon du livre de
Mouans-Sartoux, dans les Alpes Maritimes, ville qui a accueilli un camp de
harkis en 1962. Une conférence de Pierre Daum prévue à Toulon en novembre 2015
est également annulée.
En
Algérie, l’ouvrage est qualifié de « livre-enquête » par la presse . En 2015, des extraits du livre, traduits en arabe
et comportant certains passages falsifiés, sont publiés sans autorisation par
le journal arabophone El Hayat. La sortie du livre à Alger, initialement
prévue en octobre 2015, est brusquement annulée par l’éditeur algérien (ndlr :
Sedia) . Finalement, le livre est publié en mai 2016
chez Koukou Éditions » (Extrait de Wikipédia).
Harki ?
un mot encore difficile à manier .....signifiant « rapatrié » en France et pour beaucoup
de français, et « traître » en
Algérie et pour la quasi-totalité des Algériens. Un mot
« essentialisé » qui parle, depuis plus de cinquante ans, du présent au passé. En Algérie, il est devenu un terme générique
, parfois très éloigné du sens originel, mais toujours chargé de haine
et de violence , et souvent utilisé dans
les discussions normales ..même dans les cours
des écoles...comme le mot « goumi »
Pour
son enquêtre, l’auteur dit avoir parcouru 20 000
km, visité une soixantaine de villages de plsuieurs
régions d’Algérie et mené plusieurs mois d’enquête.Il
a rencontré soixante anciens harkis....Trente-huit témoignages retenus,
complétés par cinq de harkis
présents en Algérie pendant plusieurs années après l’indépendance
, avant de s’exiler en France. Aucun n’a parlé de « tueries
collectives » et de « massacres » (thèse abondamment et
volontairement propagée depuis 1962 par la droite et l’extrême –droire revancharde qui avance continuellement le chiffre de
150 000 harkis tués) . Tout juste des « meurtres », des
« exécutions » et des « assassinats »....surtout par des
« marsiens » (« résistants de la
vingt-cinquième heure »). Les Français, après la Libération, en 45, ont
fait bien pire ! Le fait même que les
« collabos » (aux motivations
complexes dont l’extrême misère , si l’on compare aux collabos français ayant
fait, la plupart , en 1940, le choix du fascisme) sont, dans leur écrasante
majorité , restés en Algérie (sur au moins 450 000 hommes, seuls
30 000 au maximum sont partis en France....Il en est donc resté
420 000) , certains ou beaucoup (qui sait ?) occupant des postes
–clés , montre bien que les Algériens,
les politiciens y compris, malgré leurs « colères » et leur vocabulaire
, sont bien plus tolérants et moins rancuniers que tous les autres.
Révolutionnaires mais pas fascistes !
Deux
grandes parties distinctes : D’abord, le cadre historique dans
lequel s’inscrivent les parcours de tous ces « harkis » et de leurs
familles restés dans leur pays après 1962. Pas de grandes révélations mais
seulement des réposnes à diverses questions. Ensuite,
l’enquête et le témoignage.
L’Auteur : D’abord enseignant, installé en Autriche en 1994, il
devient correspondant de Libération en Autriche et il effectue régulièrement de grands reportages
pour le Monde diplomatique depuis 1996, parallèlement à des travaux de
recherche sur le passé colonial de la France. C’est un anticolonial convaincu.
Première enquête historique sur « Les Immigrés de force
. Les travailleurs indochinois en France » avec une préface de
Gilles Manceron : un film en est tiré et le livre est traduit en
vietnamien. 2012, second livre sur « Les Pieds Noirs restés en
Algérie » avec une préface de Benjamin Stora.
Extraits : « Chez les adultes, le terme
(« harki », « goumi ») est volontiers employé lorsqu’on
veut insulter un responsable politique , ou plus généralement un puissant du
régime, que l’on considère comme travaillant pour ses propres intérêts ou pour
ceux de « l’étranger », au détriment de ceux de l’Algérie » (p
15), « Si les historiens savent, sans s’étendre sur le sujet, que de
nombreux « harkis » sont effectivement resté en Algérie sans être
tués, les Français continuent à l’ignorer largement » ( p22), « La
guerre ne sera finie que lorsque les « harkis » cesseront d’être
instrumentalisés comme les éternelles victimes par les uns, et rejetés comme
les éternels coupables par les autres » ( 516)
Avis :
Un sujet socialement dépassé (surtout pour les
nouvelles générations)
, historiquement incontournable (pour remettre les choses à leur
vraie place) , et psychologiquement dépassionné (avec le temps !....sauf
lorsque des « déserteurs »
notoires en font trop ,publiquement, pour revenir sur la scène politique nationale !)
Citations : « Une archive écrite ne correspond pas forcément
à l’exacte vérité. Un officier du renseignement peut s’être trompé en rédigeant
une fiche ou un rapport, avoir été mal informé, avoir mal compris, voire avoir
voulu déformer la vérité ( p 15), « L’affirmation péremptoire de
« vérités » dépourvues de tout fondement –constitue en Algérie un des
grands obstacles à la connaissance historique » (p 16), « Après 132
ans de colonisation qui ont placé l’ensemble du peuple algérien dans une
infinité de rapports de compromissions avec l’oppresseur français, la figure du
harki permet d’extirper de soi sa part d’éventuelle culpabilité . Le harki,
c’est l’autre ! Aujourd’hui, dans un contexte de sacralisation de la
Révolution, dénoncer les harkis, souvent dans une surenchère de haine et de
mépris, permet a contrario de s’affirmer comme un grand patriote » (p 30).