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Roman Mansour Kedidir - "La nuit la plus longue"

Date de création: 30-05-2020 18:47
Dernière mise à jour: 30-05-2020 18:47
Lu: 931 fois


VIE POLITIQUE – BIBLIOTHEQUE D’AL MANACH- ROMAN MANSOUR KEDIDIR- « LA NUIT LA PLUS LONGUE »

La nuit la plus longue. Roman de Mansour Kedidir. Apic Editions, Alger 2015, 372 pages, 950 dinars

Un roman noir. Un roman décrivant un gros village perdu  de l’intérieur du pays, partagé entre une modernité qui tarde à venir  ou qui n’arrive pas à s’imposer et un conservatisme rurbain têtu.Un village abandonné à son sort, « oubliée de Dieu » Aïn Dib , avec ses chacals humains et ses chiens errants.... : misère et pauvreté,   gestion locale, administrative et sécuritaire, despotique,  scolarité non généralisée et  programmes scolaires obsolètes ou inadaptés, discours religieux extrémistes, discours politiques démagogiques et trompeurs...

Le bout du monde pour Salman , le prof’ (« gauchiste » et aux « opinions politiques douteuses » ) de lettres dans un lycée de la Capitale, « muté » à la fin des années 80-début des années 90, en tant que directeur d’un collège.

La culture « islamiste » (importée) puis l’islamisme actif , puis le terrorisme islamiste vont peu à peu apparaître, se développer puis régner sur la région, bouleversant brutalement et sauvagement  (faux-barrages, cadavres piégés, enlèvements, égorgement et viols à l’appui) la vie d’une société déjà lourdement éprouvée par la pauvreté et les dépassements de la gouvernance locale. Les  anciens « damnés du village » font régner la terreur puisant les éléments de leur haine dans les profondeurs d’un passé mythifié , dans une foi aveugle, indiscutée et non négociable, et dans la vengeance à l’endroit des « nantis »

En face,  les forces de sécurité , débordés, réagissent avec vigueur et, parfois, sans discernement., faisant , pour la première fois , face à une nouvelle forme de criminalité

Au milieu, les communs des mortels, appelés au silence et au soutien par les uns , les « fous de Dieu » et à l’aide par les autres , les « fous de la Nation » . Que faire ? plier sous le joug impitoyable des nouveaux chacals ou tomber dans la répression parfois aveugle. Résister ou partir.

Le collège et Salman (heureusement soutenu par l’amour et l’engagement de la belle Batoul, l’enseignante , fille de l’imam, devenue son amante puis son épouse) vont, peu à peu devenir le lieu de convergence de la lutte et aussi de la  pensée nouvelle réunissant des représnetants de toutes les couches sociales du village devenu entre-temps une véritable petite ville. . Exit la mosquée. Tout un symbole.

Durant toute une nuit, une longue nuit, ,l’avenir est dessiné.....mais.....

L’Auteur : Natif de Mecheria, enarque, sciences politiques, ancien juge d’instruction, procureur général (Tizi Ouzou) et chef de cabinet à la chefferie du gouvernement (gouvernement Benflis Ali) .Auteur de deux romans (le premier à Paris en 1985 et le second à l’Enag en 1999) ....ainsi que d’un essai sur « l’armée algérienne dans la lutte contre le terrorisme  » (en 2012 aux Editions universitaires européennes). Actuellement chercheur au Crasc

Extrait :  « Le sujet (de la fonction et de la place de la religion dans notre société ) est très délicat. , il ne faut pas l’aborder publiquement, parce qu’en le faisant, on provoquarait les passions et les haines. Personne ne permettra de critiquer la religion ! Pour le commun des mortels, la  moindre observation à l’endroit de l’islam, aussi pertinente soit-elle, est considérée comme une offense à Dieu » (p 219),

 Avis : Un roman sur la « tragédie nationale » (décennie rouge) et une « analyse » de l’islamisme extrémiste . De la fiction  à travers beaucoup de réel. Sujet toujours difficile à lire...mais à lire pour ne pas oublier . Style fluide avec les éternelles digressions qui éloignent du roman et rapprochent de l’essai  plus politique (et un « chouia » idéologique) que sociologique ....

Citations : « Lorqu’elle se réveille, la ville n’appartient qu’à elle-même. Elle absorbe ses habitants, déglutit leurs souffrances et les tranforme en bouillie qui se déverse en flots dans ses intestins » (p 49), «  Depuis l’origine de l’humanité, le cimetière était deven le premier lieu où les hommes ont appris à se rassembler......Mais les services de sécurité voyaient le cimetière comme le meilleur champ pour reconnaîtrele troupeau, identifier , déceler les rapports, examiner de loin les têtes et mesurer la gravité des égarés » (p 53) , « L’islam était la seule religion dans laquelle tout le monde trouve son compte. Le despote justifie ses déviations et la plèbe y trouve un moyen pour se révolter. C’est cette ambivalence qui a malheureusement prévalu au Maghreb ...Le Kharedjite y trouva des adeptes les plus virulents » (p 172), « Pourquoi, Dieu, les gens ont-ils oublié aussi facilement cette expression « je t’aime », expression simple qui cicatrise les blessures et efface la douleur » (p 236), « On ne peut aspirer à devenir des hommes libres, tant q u’on ne s’est pas exorcisé du passé de nos égarements » (p 350), « L’histoire des humaines est la même, n’en déplaise aux apôtres des identités meurtrières dont esl voix ne sont que des appels au mépris de l’autre » (p 360), « Le rire et les pleurs, la joie et la douleur....... ces deux sentiments nous différencient des bêtes et nous rappellent combien nous sommes devenus étrangers à nous-mêmes. Pensons à notre salut, à nous-même ; et laissons Dieu tranquille.Voilà, pensons à l’avenir ! » (p 360)