Préface (Ahcene-Djaballah Belkacem)à l‘ouvrage de Ouahab Khider : « Skikda,
Fragments de mémoire », 2018)
Rusicada, ancien comptoir phénicien fondé
durant le premier millénaire avant Jésus-Christ ....... puis Fort
de France ...... puis Philippeville (jusqu’en 1962, avec l’indépendance du
pays) , mais toujours Skikda pour
ses habitants et pour la quasi-totalité de la population musulmane de la région
et du pays ......et de certains habitants d’origine européenne, tout
particulièrement les Maltais, assez nombreux dans la région, avec les
Italiens...et des Gitans . Peu d’Espagnols ! On évoquait
toujours les Skikdis et, rarement , ou
presque jamais, les Philippevillois. Un phénomène langagier observé dans bien
d’autres villes aux dénominations imposées. Une forme de résistance
citoyenne !
Skikda ne
se contenta pas d’une simple résistance passive. Toute son histoire se confond
avec des combats régionaux ou locaux assez bien décrits par l’auteur.
D’ailleurs, contrairement à ce qu’ont pu faire croire certains écrits
« historiques » coloniaux, la « présence » française ne se fit
pas facilement et rapidement . Plus
de 22 années après l’invasion du pays ! Il est vrai que la géographie de
la région, assez montagneuse, se trouvant à l’extrémité Est de la Kabylie
orientale (selon les sociologues de la colonisation) , dotée, de quelques
vallées étroites (plutôt des dépressions) mais fertiles, traversées
par un oued, le Zeramna, affluent de la rivière Saf-Saf, une rivière
toujours généreuse en eau (la région est une des plus pluvieuses du
pays mais, hélas, encore jusqu’à nos jours, elle reste mal desservie
en retenues des ressources ) , ne facilitait pas les percées
militaires......cela étant accru par la présence de populations, principalement
montagnardes - « mélange d’Arabes , sédentaires ou nomades, et
de Berbères ...... se retrouvant dans un ensemble de groupes fédératifs à
tendance oligarchique, imité partiellement de la Kabylie, et
où les vieilles coutumes berbères se sont « arabisées » du fait du
brassage continuel des populations » (Edouard Solal, « Philippeville
et sa région, 1870-1831 », Editions El Qobia, Alger, 2016
avec nouvelle édition préfacée par Ali El Kenz) - assez
jalouses de leurs traditions et de leur autonomie et toujours prêtes à
combattre l’occupant .
Ville presque nouvelle et port commercial orienté vers l’extérieur et
l’import-export, Skikda avait la particularité d’avoir une
population plus ouvrière – on y retrouve des travailleurs et/ou des commerçants
- venant de tous les coins du pays, surtout des kabyles, des chaouias , des souafas .....en
plus des régions attenantes (El Kol/ Collo , El
Harrouch, Azzaba/ex-Jemmapes , Jijel/ex-Djidjelli ...) - que bourgeoise. Peu de
gros bourgeois , sinon
quelques gros commerçants ou agriculteurs. Ce qui en fit une des
villes parmi les plus « européanisées » (quantitativement) du
pays .......et ,aussi ,
parmi les plus « politisées ». Rien d’étonnant de la voir classée
parmi les villes qui eurent, de 1830 à 1962, le plus grand nombre de titres de
presse.....ainsi que des établissements scolaires (lycées Larbi Tebessi ,
ex-Luciani et celui des filles, ex-Maupas) ayant formé de grands
noms de la vie politique et culturelle nationale : Ferhat Abbas, Mohamed Aziz Kessous
(un des plus brillants journalistes , compagnon de lutte de Ferhat Abbas qu'il
a connu au lycée de la ville), Mohamed Seddik Benyahia, Pr Lazreg
Hacene, éminent ophtalmologue , bâtisseur des universités d'Oran, né à El
Harrouch, Dr Lamine Khène, né à Collo, Mohamed Salah Dembri, Mohammed Harbi,
Belaid Abdesslam, Fadela M'rabet (Abada) (voir in www.almanach-dz.com/habitat/skikda)
............et des clubs de foot
prestigieux et militants aux joueurs talentueux (les frères Oudjani, les frères
Bouchache...) comme la Jsmp , aujourd’hui Jsms ( de tendance plutôt Udmiste,)
et le Wap (un club créé , en fait, par les militants du Mtld) , face
au club européen , le Rcp. Bien sûr, comme toutes les
cités portuaires, la ville a eusa pègre locale
qui est arrivée, durant la période s'étalant de 1946 à 1954, à concurrencer le
milieu européen puis marseillais sur son propre terrain. Ce qui fut très utile
à la guérilla urbaine menée par le Fln/Aln après le déclenchement de
la guerre de libération nationale. Et, ce qui a laissé des traces, dans
l’imaginaire populaire, faisant des Skikdis de « fortes têtes » qui
ne s’en laissent pas conter.
Elle devint , donc, par la force
des choses et sous la pression des répressions une sorte de ville-refuge , tout
particulièrement après les événements du 8 mai 1945, pour les militants
recherchés du Ppa et du Mtld . Mohamed Harbi , l’historien originaire d’El Harrouch
note , dans ses recherches et observations – puisqu’il a étudié et
vécu à Skikda- le lien significatif existant entre les
espaces urbains et les formes de mobilisation politique. Il signale
que le « Faubourg de l’Espérance » et ses hauteurs , quartier populaire se trouvant à
l’entrée ouest de Skikda, étant plutôt Ppa, messaliste donc et
le centre-ville étant plutôt Mtld, centraliste puis,
par la suite Os, on y trouvait aide et protection . Je me
souviens, aussi, avoir entendu feu Abdelhamid Benzine –lors d’une
conférence - dire que , recherché par la police, il avait plongé , un moment,
dans la clandestinité ......à Skikda au sein de la communauté des dockers...et
il avait « découvert » que la ville était parmi les plus
« encartées » du pays au Ppa/Mtld . Et, cela n’empêchait pas les
autres mouvements et/ou partis politiques d’éclore et
d’exister. Certainement , en raison de positions avant-gardistes les
populations travaillant surtout comme dockers au port, assistant donc, en
direct , à tous les événements internationaux à travers
les allées en venues incessantes des navires , assistant à l’exportation des
richesses du pays sans qu’ils n’en profitent pleinement ou , alors, travaillant
sur les terres des riches domaines des vallées pour la plupart, sinon la
totalité, exploitées par de gros colons, les petits fermiers maltais occupant
le piémont , repoussant ainsi, les populations musulmanes vers les hauteurs
bien ingrats.
Sikkda, « une
des villes des plus « coloniales » de l’Algérie et, paradoxalement
des plus nationalistes » (Ali El Kenz, Chapitre « Itinéraires »,
in « Ecrits d’exil », Casbah Editions, 2009)
Ce niveau de politisation a généré bien des actions de bravoure pour le
recouvrement de la liberté . L’auteur
en cite plusieurs. Pour ma part et me rapportant à mes seuls souvenirs
d’enfance, il y eut , la
visite de Messali Hadj à Skikda en avril 1952. Un accueil d’une foule fervente,
déjà à partir de la sortie de Constantine, « dans un état second »
(Mohammed Harbi, 2009). Il y eut, aussi, ordonnée par le chef de
« daïra » à l’époque, Abdelhafid Boussouf (alors condamné par contumace
pour sa participation à l’organisation paramilitaire du Mtld) , le 24 octobre 1952 , une
grande manifestation ,suite à la répression policière sur les vendeurs du
journal légal du Mtld, L'Algérie libre. La police tire et on
dénombre un (1) mort, un Saâd –Djaballah (in Mohammed Harbi, « Une
vie debout », Casbah Editions, 2001, p 90) . Les troubles s'étendirent à plusieurs
localités. Puis, il y eut le 20 août 1955, une des pages parmi les plus
glorieuses de la lutte armée contre le colonialisme.... et parmi les plus
sanglantes puisqu’elle vit, suite à la répression féroce , plusieurs tribus et
familles de la ville et de la région totalement décimées. Ali El
Kenz (2009) , écrit que
,par la suite, « après le 20 août 1955 ,et la série d’événements qui s’ensuivirent
jusqu’en juillet 62, l’allure de la vie sociale n’était plus la même .
Skikda était devenue une ville-garnison qui accueillait par milliers les
militaires venus de France......et quand le couvre-feu était levé, chacun
rentrait chez soi ........ On craignait surtout les
« locataires » de la caserne Mangin où résidait le terrible
tortionnaire Paul Aussaresses , mais
aussi les commissaires de quartier » ....et, aussi, les paras et autres
mercenaires (et « étudiants » étrangers venant de pays de dictature
comme on le découvrira plus tard ) cantonnés au Cipcg (pour formation à la
répression et à la contre-guerilla ) à l’ « Ecole » de Jeanne
d’Arc (aujourd’hui Ben M’hidi), créée en mai 1958.
Juillet 1962 : Des dizaines de milliers de morts mais , enfin, l’Indépendance !
Une toute autre histoire de Skikda commence. Avec le départ de la presque
totalité de la population d’origine européenne. Avec une certaine rurbanisation . Et, surtout, à
partir de la fin des années 60 et au début des années 70,
avec une « révolution industrielle » menée au pas de
charge touchant une bonne partie de la côte Est .Une
gigantesque plateforme pétrochimique de plus de 1 500 hectares (deux raffineries
de pétrole,
deux centrales électriques, un terminal de gazoduc et un d'oléoduc, deux unités de liquéfaction
de gaz et
une unité chimique de polymères) ......pris sur la plage, sur la mer et sur des
terres agricoles ce qui a , quelque peu, et pour un bon
bout de temps, « écrasé » le côté touristique de la ville et de la
région.
Puisse cet ouvrage trouver au
niveau du public, skikdi d’abord, mais aussi régional et national, l’écho le
plus large afin que la vraie image – celle historique , politique , culturelle et sportive
- de la ville et de sa région (dans laquelle j’intègre toutes les régions
inscrites dans le triangle El Harrouch, Azzaba et Collo), ainsi que celle de
ses habitants – tout particulièrement les jeunes- de la ville et des cités
et campagnes environnantes, soit « revue et
corrigée ».
Personnalités liées (étant nées ou ayant vécu ou
étudié) à Skikda et dans sa région (actualisée et augmentée.Décembre
2019)
Malek Chebel, né en 1953 à
Skikda, philosophe et islamologue (décédé samedi 12 novembre
2016). Dalil Boubakeur, né en 1940 à Skikda, recteur de la mosquée de Paris et premier président du conseil français du culte musulman. Mohamed Maghlaoui, né en 1944 à
Skikda et décédé en 2009, ancien ministre des transports. Hocine Lahouel, né en 1917 à
Skikda, fondateur du journal "La Nation Algérienne", Messaoud Boukadoum
dit Si El Haouès, Mohamed Larbi Demaghlatrous (1924-2017) , Cheikh Mezhoud
Ahmed qui a vécu très longtemps à El Harrouch , Dr Lamine Khène, né à Collo ,
ancien SG de l'OPEP et ancien président de l'ONUDI, Ferhat Abbas (homme
politique et journaliste , Mohamed Aziz Kessous (journaliste), Abbas Ghezaiel,
général-de corps de’armée de l’Anp ,ces trois derniers ayant
fréquenté le lycée de la ville , Ali Kafi, né en 1928 à Skikda, ancien chef du Haut Comité d'État de 1992 à 1994. Gas
Mohamed dit Hannachi, grand animateur syndicaliste durant les années 40- 60 ,
Karim Sarroub, Psychanalyste et écrivain , Nabile Farès (né à Skikda en 1940- et décédé en août
2016), fils de Abderrahmane Farès, écrivain, poète, psychanalyste,
universitaire, penseur ert dramaturge , Abbas Nasreddine dit Didine,
décédé en 2016, responsable de la section universitaire de la Fédération Fln en
France durant la guerre de libération nationale . Et, bien d’autres
comme Ali El Kenz (sociologue) et ses frères (dont Youssef, qui fut
entraîneur de l'équipe de jeunes footballeurs formée de Assad, Madjer,
Belloumi...et fondateur à Skikda de la République des sports destinée
aux jeunes des quartiers) , Abdelmadjid Bouzidi (économiste), Fadela
M’rabet-Abada (journaliste de radio et écrivaine) , Salah Hioun (plasticien, né
à Collo), Chebli Hassen (1927-1971), poète, Hamra Krouha Mouloud (manager dans
le domaine des hydrocarbures), Mohamed-Salah Dembri ( ancien ministre des
Affaires étrangères et diplomate), Kamal Belizidia, et Gas , grands commis de
l’Etat des années 80 et 90, Cheniki Ahmed, (journaliste et universitaire...né à
Collo), Belkacem Ahcène-Djaballah (journaliste et ancien Dg de l'Anep puis de
l'agence Algérie Presse Service), les frères Chérif et Hocine Bouchache,
(footballeurs professionnels), Oudjani père et fils ( footballeurs
professionnels), Draoui (international de football de génie) ,Chaibout Brahim
(ancien ministre des moudjahidine et homme politique, né à El Harrouch),
Abdallah Sâad-Djaballah (homme politique ayant créé un parti islamique dans les
années 90), Ramdane Abdelaziz (artiste -peintre et sculpteur), Farid Baghriche
(artiste peintre), Djeffal Adlane ( artiste peintre) , Bennikous
Abdelkader (syndicaliste, qui a été SG de l’UGTA), Abdelaziz Ziari (Président
de l'APN et professeur en médecine), Fezzaz Djamal (cinéaste), Tabbouche
Mohamed dit Zerok Skikdi, artiste chanteur, , Haddad Ghani, enseignant ,
président d’Apc et champion de karaté, Fatima Zohra Dridi,
championne d’Algérie de baskett-ball en 63, Aziz
Mouats, ingénieur agronome, ancien directeur de l’Ita de Mostaganem,journaliste ,
Rachid Sayoud, expert international en céréales, Hichem Aboud, journaliste,
Hocine Younès, champion de tennis, Abdelkader Hachaniet Rabah Kébir, hommes
politiques de tendance islamiste dans les années 90, Salah Lebdioui, diplomate .... ....Le triangle Collo-Azzaba-El
Harrouch au centre duquel se trouve Skikda , étant un espace commun (se référer
au langage et à l'accent spécifiques à toute la région), on peut ajouter
Azzedine Medjoubi, comédien et metteur en scène de théâtre, né à Azzaba
( assassiné en 1995 à Alger par les terroristes) , Mohamed Harbi (El
Harrouch) , Abderezak Bouhara ( ancien ministre de la Santé et homme
politique né à Collo mais considéré comme un authentique skikdi), le
général Bouhadja (de Collo) , les colonels Ali Mendjeli et Abdelhamid Latrèche
(de Azzaba), Lamine Debaghine, Said Bouhadja, ancien président de l’Apn, Amal Wahby, chanteuse (ingénieur de formation) , Ahmed Hamdi, universitaire, journaliste et poète,
Abdelali Rezzagui, universitaire, journaliste et poète,
Saad Bouakba, journaliste, Aziz Mouats , ancien directeur de l’Ita de
Mostaganem ....et bien d’autres