VIE POLITIQUE- OPINIONS ET POINTS DE VUE
– HIRAK- ENTRETIEN BENSAADA/APS,
MERCREDI 27/5/2020
L'universitaire
et analyste politique algérien, Ahmed Bensaada a
plaidé pour un encadrement juridique du financement étrangers des Organisation
non gouvernementales (ONG), allant dans le sens de son interdiction, notamment
le financement de celles impliquées dans les manifestations en Algérie.
Le docteur Bensaada, qui
est également chercheur dans le domaine des mouvements populaires, s’est ainsi
interrogé, dans un entretien accordé à l'APS, "s’il faut légiférer pour
encadrer, contrôler voire interdire le financement étranger des ONG en
Algérie", estimant à cet effet qu’il s’agit "certainement d’un point
sur lequel il est impératif de se pencher sérieusement dans un avenir très
proche".
"En Algérie,
plusieurs ONG locales financées par les organismes américains ont été très
visibles lors des manifestations, aussi bien en 2011 que lors du Hirak, en 2019-2020", a-t-il fait observer, précisant
que le champ d'activité de ces ONG englobe "les droits de l'Homme, la
jeunesse, les familles des disparus...etc"
"Lors des protestations populaires, ces activistes
se mettent aux premières loges des manifestations et tentent de les diriger
selon des agendas concoctés à l’étranger", a encore fait savoir le docteur
Bensaada, auteur de plusieurs publications et
articles dans différents périodiques et sites électroniques.
"Il est quand même curieux de constater que les ONG
qui reçoivent des subsides étrangers sont toutes sur la même longueur d’ondes
concernant leurs revendications", a-t-il encore noté, s’interrogeant aussi
si "ce n’est pas un seul petit bémol".
Expliquant le fonctionnement des ces ONG, ce docteur en
physique et chercheur à l'Ecole polytechnique de Montréal (Canada) a indiqué
que "des activistes locaux, regroupés ou non dans des ONG locales sont
choisis, financés, formés et ‘réseautés’ dans leur
région d’appartenance comme la région MENA pour les pays arabes".
En outre, il a fait savoir que l’utilisation de ces
organismes a prouvé l’efficacité du "soft power" américain dans les
"Révolutions colorées" (Serbie, Géorgie ou Ukraine) et lors du
"Printemps arabe" en Tunisie, Egypte, Libye, Syrie et Yémen, citant à
ce sujet des figures ayant marqué les mouvements populaires dans ces pays.
Qualifiées d’"Organisations Non
Grata", ces ONG ont été bannies de certains pays comme la Russie qui a
interdit USAID (United States Agency for
International Development, ou Agence américaine pour
le développement international) pour "ingérence" dans des affairs politiques intérieures, a-t-il notamment relevé.
Il a fait avoir également qu’en Amérique latine, les pays
de l’ALBA (Alianza Bolivariana
para los Pueblos de Nuestra América)
ont signé une résolution (2012à pour l’expulsion immédiate de l’USAID des pays
membres de l’Alliance (Bolivie, Cuba, Equateur, Dominique, Nicaragua et
Venezuela).
D’autre part, certains pays du BRICS (Brésil, Russie,
Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont dotés de lois interdisant ou renforçant
le contrôle des ONG sur leurs sols.
Depuis 2014, les ONG travaillant en Egypte ont
l’obligation de s'enregistrer auprès des autorités sans quoi, elles risquent la
saisie de leurs biens ou des poursuites judiciaires. En outre, les autorités
doivent également approuver tout financement venant de l’étranger, a-t-il
souligné.
Les Emirats arabes unis (EAU) ont également procédé, en
2012, à la fermeture des bureaux de plusieurs ONG étrangères.
Relevant que ces
Organisations sont beaucoup plus anciennes, il a rappelé que les entités
regroupées sous le vocable d’ONG ont connu un essor fulgurant dans les années
80 et 90 du siècle dernier et leurs domaines d’intervention se sont
diversifiés, à savoir l’urgence humanitaire, l’alimentation, les droits de
l’Homme ou l’environnement.
Dans ce sillage, il a cité la militante Ana Minski selon laquelle "la prolifération des ONG au
Sud, dans les années 1990, est indubitablement liée à l’affaiblissement des
capacités gouvernementales à fournir des services publics, résultat des
politiques néolibérales qui se sont imposées dans le contexte d’un capitalisme
mondialisé et fortement financiarisé".
Pour lui, à cause des
politiques d’austérité et de réduction des dépenses publiques, les
gouvernements se sont tournés vers les ONG pour fournir des services à bas
prix, précisant que par le passé, ils assuraient ces services dans les secteurs
de la santé, de l’éducation, de la culture, etc.
Se référant aux propos de l’écrivaine indienne Arundhati Roy, il a encore expliqué que ces ONG distribuent
au compte-gouttes, sous forme d’aide ou de bénévolat, ce à quoi les gens
devraient normalement avoir droit, ce qui amène certains spécialistes à
qualifier les ONG de "cheval de Troie du néolibéralisme".
Il a ajouté qu’avec la fin de la Guerre froide, les ONG
ont été utilisées à d’autres desseins, à savoir la "démocratisation"
des pays de l’Est qui était dans le giron soviétique, afin de les extraire de
l’influence russe.
Dans cet objectif, il a fait savoir qu'un arsenal
d’organismes spécialement dédiés à cette tâche a été déployé.
L'auteur de l'enquête sur les "révoltes rabes",
intitulée "Arabesque américaine" a également suggéré la satisfaction
de certains critères pour mériter l'appellation d'ONG, dont "l'origine
privée de sa constitution, le but non lucratif de son action, son indépendance
financière, son indépendance politique et la notion d'intérêt public de sa
mission".
Dans le cas d'un nombre important d'ONG ayant pignon sur
rue, ces conditions ne sont jamais réunies et les financements non-contrôlés
sont souvent d'origine étrangère, a-t-il conclu.