CULTURE -BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ESSAI YASSINE TEMLALI- « LA GENESE DE LA KABYLIE…. »
La genèse de la
Kabylie. Au origines de l’affirmation berbère en Algérie (1830-1962) . Essai
de Yassine Temlali (Préface de Gibert Meynier et postface de Malika Rahal). Editions Barzakh,
Alger 2015, 307 pages, 1 000 dinars
Comment s’est formée la Kabylie. Comment s’est formée la nation algérienne.
A travers l’évolution historique retracée par l’auteur, on arrive quelque peu , mais pas tout à fait, à démêler l’écheveau d’une
situation aussi compliquée que ses
hommes .
A travers une étude comparative des deux bastions montagneux de la berbérité
en Algérie – la Kabylie et les Aurès Nementchas – l’ auteur tente de restituer le cadre historique dans
lequel est née la conscience culturelle et politique berbère.
Bien sûr, rien ne peut être compris sans une prise en compte du poids de la
colonisation du pays....et de l’attitude d’Algériens « peu solidaires
» du pouvoir janissaire oppressif.
En écrivant cette « pré-histoire » de
l’affirmation politique berbère contemporaine en Algérie, il a tenté de fonder
« scientifiquement » une distance critique vis-à-vis des
discours identitaristes, qu’ils soient berbéristes, kabylistes, arabistes ou islamistes.....et, surtout éviter
une histoire « éclatée » en une multitude de récits ethniques.
Les langues berbères ont difficilement survécu , tout
particulièrement durant les conquêtes islamo-arabes et l’occupation française,
même si l’arabisation première était essentiellement citadine et que les
hilaliens ont été des « agents redoutables de l’arabisation du
Maghreb » . Seuls les montagnes et les oasis ont été les ultimes refuges
de la berbérophonie. C’est l’occupation française qui
va apporter avec elle un bouleversement socio-économique et culturel avec son
« analphabétisation » et sa « désislamisation » , avec un
credo : « diviser pour régner » et entraîner la rupture des liens de
solidarité supra-tribale. Avec, cependant,
une sorte de retour de manivelle : l’occupation
française est devenue, sans se rendre compte, « un agent
d’intégration des régions berbérophones à un nouveau pays, l’Algérie »
....Les élites instruites algériennes ont redécouvert la « berbérité » de l’Afrique du
Nord.
L’auteur consacre un chapitre aux deux courants que sont le
« berbéro-nationalisme » et le « berbérisme ».
Et, bien sûr, il y a la Guerre de libération –une tranche de l’Histoire à ne
pas regarder à travers la lorgnette déformée par l’ethnographie coloniale, qui
essentialise les données sociologiques et évite de poser le problème de la
responsabilité du commandement du Fln , issu du
Congrès de la Soummam, dans l’aggravation des dissenssions internes -
qui a vu « le particularisme auréssien à
l’épreuve du jacobinisme du Fln »
L’Auteur : Né à Biskra en 1969, issu d’un famille d’ascendance chaouie...arabisée (Béni Barbar/Khenchela) , vivant entre Alger et
Le Caire. Journaliste, traducteur et
chercheur en histoire et linguistique (études à Constantine où, militant de de la cause amazighe,
il a appris le kabyle, et à Alger.....et à l’Université de Leyde aux
Pays Bas). Déjà auteur d’un ouvrage : « Algérie ,
chroniques littéraires de deux guerres » , aux Editions Barzakh.
Avis : Un historien pas ordinaire. Une démarche d’analyse
exemplaire par sa rigueur. Un essai global et documenté. Un ouvrage innovant . Une histoire captivante...mais inquiétante.
Citations : « En
dépit de leurs antagonismes, ils ( les récits
nationaliste, berbériste et kabyliste) sont
structurellement identiques. Ils sont tous fondamentalement jacobins, obsédés poar le recherche des éléments d’unité et l’escamotage des
différences » (p 45), « Avant l’Indépendance, l’arabe littéral a
moins servi l’arabisation des Berbères qu’à l’unification des élites
algériennes et à leur rapprochement des élites maghrébines et proche
–orientales « ( p 73) , « Les « berbéristes » étaient d’abord
des nationalistes qui préconisaient la violence révolutionnaire pour mettre fin
au sytème colonial... Leur radicalisme se nourissait de leur ancrage socioculturel montagnard qui se
manifestait à travers leur méfiance à l’égard des citadins qui craignent la
lutte armée... » (p 179) , « Il n’y a plus , de nos jours,
que l’histoire scolaire pour donner de la Guerre de libération l’image
romantique d’une marche harmonieuse vers la liberté « (p 213) ,
« L’Indépendance a marqué le parachèvement de la formation de l’Algérie moderne.
Elle a aussi marqué le parachèvement de la formation de la Kabylie en tant que
province algérienne particulière ....Sans ce processus de fusion dans
l’entité Algérie, la région kabyle n’aurait pas pris conscience de son
appartenance à un domaine plus vaste, le domaine berbère, ni même de sa propre
homogénéité ethnolinguistique » » (pp 266-267)