VIE
POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI LAHOUARI ADDI- « L’ALGERIE ET LA
DEMOCRATIE….. »
L’Algérie et la Démocratie. Pouvoir et
crise du politique dans l’Algérie contemporaine. Essai de Lahouari Addi (Préface de Djamel Zenati) . Editions El Maarifa, Alger
2014, 600 dinars 177 pages.
L’ouvrage date déjà de plus de vingt années (première publication en 1994,
au plus fort de la décennie noire) mais il n’a rien perdu de son actualité . Au-délà des procès
intentés aux « janviéristes » , aux
« putchistes », au-delà de la thèse
défendue, celle de l’acceptation d’une « régression féconde » , thèse
qui avait alors suscité des réactions et des controverses parfois sévères, surtout
de la part des républicains démocrates face au « péril vert »
devenant publiquement et physiquement plus que violent (sans compter les
exemples islamiques à l’étranger) , l’auteur
aborde de manière rigoureuse la problématique du pouvoir et des pratiques politiques . Il met en
exergue l’absence de culture et de valeurs démocratiques avec une « façon d’être », ce « non-écrit » d’importance
particulière. Il exhorte à une « dépolitisation » , non seulement de
la sphère religieuse, mais aussi des autres sphères comme l’armée, l’école,
l’histoire, la culture, la sport…..seule voie pouvant se dégager des deux autoritarismes
, le nationalitaire et le communautaire. Vaste programme…..non encore
totalement et encore imparfaitement appliqué.
Car , les pesanteurs du passé sont restées vivaces empêchant toute progression : « De
1962 à nos jours, l’Algérie a mis en place une administration d’Etat et non un
Etat politique soutenu par une administration. La police était politique,l’Etat
ne l’était pas ; l’armée était politique , ainsi que l’université,
l’économie, la religion, tandis que l’Etat ne l’était point »…..avec une
conception du pouvoir résultant de la force…..par celui « qui détient les
armes ». On aura tout compris …..La 2è ( ????)
République clamée (avec l’adoption, le 7
février 2016, de nouveaux et nombreux amendements constitutionnels
) par certains politiciens (au pouvoir) , tout en donnant amplement
raison à l’auteur, va-t-elle donner du sens
avec le déperissement des représentations
symboliques du passé, à la
démocratisation réelle du pays. Il faut attendre son prochain ouvrage pour savoir si vraiment la polique s’est « civilisée »!
L’Auteur :
Né à Oran, licences en sociologie et en
économie (Université d’Oran), Doctorat d’Etat en 1988 (France
), enseignant universitaire à Oran et à Paris, professeur associé à Princeton
et à Salt Lake City (Usa) et , finalement, à Lyon (professeur à l’IEP)
, chercheur , auteur de plusieurs ouvrages dont « Etat et Pouvoir.
Approche méthodologique et sociologique »
en 1990 à l’Opu, et « l’Impasse du populisme » en
1991 à l’Enal.
Avis :On peut penser tout ce que l’on veut de
l’auteur, mais il est objectivement un de nos plus grands et plus brillants
universitaires et analystes socio-politiques. «
Un trésor d’enseignements » selon le préfacier. Mais , à lire avec
précaution, tout en conservant vos propres opinions, surtout sur la théorie de
la « régression féconde » assez alléchante. C’est si bien dit !
Bien écrit, cela va de soi.
Citations : « Au-delà des apparences, le
nationalisme radical du Fln –variante maghrébine du nationalisme arabe- n’a
emprunté à la modernité que les formes extérieures , tout en reproduisant les
catégories prémodernes du politique de la société
traditionnelle » ( p 47), «
Le nationalisme radical du monde arabe n’a pas produit de « despotes
éclairés » ;il a produit des dictateurs dont l’autoritarisme n’a été
qu’un coup d’épée dans l’eau » (p 49), « Le populisme (produit
historique de la société algérienne et non invention des dirigeants) est une
idéologie qui flatte et mythifie le peuple, présenté comme un corps soudé et
non comme un ensemble d’individus suceptibles d’avoir
des intérêts idéologiques et matériels divergents …..Une telle communauté
n’a pas besoin de représentants élus, n’a pas besoin de droit, puisque l’objet
du droit est de départager le mien du tien dans une société égoïste ordonnée
par la propriété privée » (
p 81) , « Née de ce que les espoirs mis dans les indépendances ont
été profondément déçus, l’utopie islamiste prolonge l’utopie nationaliste qui
ne s’est pas réalisée » (p 118), « Dès lors qu’il y a dans la
compétition électorale un parti religieux –ou se présentant comme tel- il n’y a
pas de choix libre rationnel de la part de l’électeur pour qui il est
inconcevable de voter contre le message divin » (p 124), « La société
algérienne sera dans l’incapacité de produire ce projet (moderne, en
articulation avec son passé, sa culture et sa religion) tant que l’islam
suscitera l’illusion quu’il est possible de
reconstruire l’âge d’or de l’islam uniquement en appliquant la chari’a » ( p 176),« La violence excite la bête
immonde qu’il y a en tout homme, la culture démocratique la
domestique » (p 177)