CULTURE- REGION- SIDI BELLOUA
(TIZI OUZOU/KABYLIE)
© Mohamed Arezki Himeur/Le
Soir d’Algérie (Extrait) , mardi 19 mai 2020
Le châtiment de Sidi Belloua (8e Partie)
On ne badine pas avec les saints. Le capitaine Béthune,
qui venait d’être nommé chef du Bureau arabe de Tizi Ouzou, au milieu du XIXe siècle, l’avait appris à ses
dépens. Il passa de vie à trépas peu temps après avoir profané le mausolée de
Sidi Belloua. Fait fortuit, inexplicable ?
Sidi Belloua
: Quoi de mieux intéressant du
point de vue touristique que de terminer la promenade dans la ville des Genêts
par une ziara (pèlerinage) au mausolée de Sidi Belloua, bâti au sommet du village de Redjaouna.
Le site offre un panorama époustouflant. Une offrande (waâda)
— couscous et viande — y est organisée tous les jeudis. Pèlerins et visiteurs
viennent de toutes les contrées de la région. Ils repartent rassasiés de
couscous et ravis des paysages multiples contemplés depuis le mausolée.
Construite en 1946, la zaouïa mitoyenne du mausolée a été saccagée et fermée en
1957 par les autorités françaises. D’autres établissements semblables de la
région ont subi le même sort. C’est le cas notamment de la zaouïa d’Akal Aberkane, à Ath-Douala, à 17
km au sud de Tizi Ouzou.
Elle a été fermée sous l’ordre du capitaine Georges Oudinot, chef de la Section
administrative spécialisée (SAS) de 1956 à 1961, année de son arrestation pour
sa participation au «putsch» des généraux. Il fut l’auteur direct et donneur
d’ordres de toutes les atrocités commises dans cette région pendant la guerre
de Libération nationale.
On a beaucoup dit et écrit sur le nom de Sidi Belloua.
Le saint homme n’était ni baron ni un descendant des ducs de Bourgogne de la
maison de Valois, encore moins un prêtre du nom de Valois. Il s’agissait tout
simplement d’une déformation de son patronyme Abou Al-lioua,
qui signifie le porteur d’étendard.
Selon une légende rapportée durant la conquête de la Kabylie par le trimensuel « La Kabylie pittoresque », citant un
vieil homme chargé de la surveillance du mausolée, «les Français voulant
surveiller ces populations remuantes, toujours prêtes à secouer le joug,
entreprirent de couronner les hauteurs du Belloua
d'un poste d'observation. Les matériaux s'amoncelaient à la cime ; déjà le
poste sortait de terre. Sidi Belloua ne pouvait
supporter plus longtemps semblable profanation. Une nuit, revêtu d'un burnous
que les vers avaient respecté, immense, plus blanc que cette blancheur de la
nuit qui l'enveloppait, il sortit de son tombeau. D'une voix stridente, il
appela à son aide la foudre exterminatrice d'Allah. A cet appel, l'horizon fut
subitement éclairé de feux couleur de sang ; les éclairs sillonnèrent la vue ;
le tonnerre fit résonner ses sinistres grondements bientôt suivi d'un fracas
épouvantable.
La foudre laissant après elle une acre odeur de soufre venait de renverser le
poste édifié avec tant de peine. Depuis cette nuit mémorable, deux lions se
sont faits les gardiens nocturnes du marabout et le défendent contre de
nouvelles tentatives sacrilèges. Cette légende a cours dans le pays et ne
contribue pas peu à donner à Sidi Belloua la
célébrité dont il jouit auprès de ces populations…»(22)
Dans ses notes et documents sur la Grande-Kabylie, le colonel Robin évoquait la
mort subite d’un capitaine, peu de temps après avoir pénétré dans le mausolée
sans se déchausser. «En sortant de là, il fut pris de douleur d’entrailles et
il ne tarda pas à succomber. Les Kabyles voient dans sa mort une punition de sa
profanation, et le marabout de Sidi Belloua en acquit
une grande vénération, les pèlerins et les offrandes y affluèrent.»(23)
Le capitaine en question, du nom de Bethune, venait
juste de prendre son poste à la tête du Bureau arabe de Tizi
Ouzou. En fait, la ville des Genêts constitue une
excellente rampe de lancement pour des balades, excursions et autres visites
touristiques à travers la Kabylie du Djurdjura