ENERGIE-
ENQUETES ET REPORTAGES- SONATRACH/LIBAN/SCANDALE AVRIL 2020
© Ali
Boukhlef/Liberté, mardi 12 mais 2020
ACCUSÉE
D’AVOIR FOURNI DU MAUVAIS FIOUL AU LIBAN
Sonatrach au cœur d’un nouveau scandale
Ce qui devait être un simple litige commercial entre la
filiale internationale de Sonatrach, Sonatrach Petroleum corporation
SPC et la société Electricité du Liban s’est retourné, tel un boomerang, contre
la compagnie publique des hydrocarbures.
Tout a
commencé le 25 avril dernier. Des médias libanais affirment que le responsable
local de Sonatrach a été arrêté par la justice dans
le cadre d’une enquête en cours sur la livraison, le 25 mars dernier, d’une
cargaison de fioul de mauvaise qualité au Liban. Le lendemain, dans un communiqué,
Sonatrach a réfuté l’existence d’un responsable de la
compagnie au pays du Cèdre. Il s’agissait simplement d’un agent “maritime
indépendant, œuvrant pour le compte de SPC”, indique Sonatrach,
qui reconnaît le litige avec les autorités libanaises. L’affaire prend ensuite
une tout autre tournure. Vendredi dernier, une députée très engagée, Paula Yacoubian, organise une conférence de presse sur le
sujet.
Sans vouloir
s’en prendre aux autorités algériennes, elle dénonce un “contrat douteux” signé
en 2005 entre le ministre de l’Énergie du Liban et le représentant de la
société BVI, appartenant à Sonatrach. Relayant des
informations du journaliste d’investigation libanais Salem Zahran,
elle interpelle publiquement les autorités de son pays sur les tenants et les
aboutissants de ce contrat “confidentiel”. “Mais pourquoi signer un contrat
confidentiel, alors qu’il s’agit d’une transaction commerciale normale ?”
s’est-elle interrogée.
Cette
interrogation mène la députée libanaise à un autre problème : l’existence,
mystérieuse, d’une filiale de Sonatrach aux îles
Britanniques, un paradis fiscal. Et, renseignement pris, Paula Yacoubian fait le lien entre cette affaire et la présence
sur le territoire libanais d’un certain Farid Bedjaoui.
“Farid Bedjaoui est recherché par Interpol. Il
détient les nationalités algérienne, française et canadienne. Du fait que sa
femme est Libanaise, il a fait une demande de naturalisation.
Alors que des
rapports des services avertissaient la présidence de la République que l’homme
était sujet à des poursuites judiciaires, il a obtenu la nationalité libanaise
en 2018”, dénonce-t-elle. Le lien entre le Liban, Sonatrach
et Farid Bedjaoui — et, par ricochet, de Chakib Khelil — ne date pas d’aujourd’hui. Si pour l’heure, il n’y
a pas de relation directe entre les deux événements, c’est-à-dire ce qui se
passe au Liban et les scandales antérieurs de Sonatrach,
beaucoup d’éléments peuvent reconstituer le puzzle. Ainsi, le site
d’investigation Global Watch Analysis rappelle que
cette société BVI, qui a été dissoute en 1990 et reconstituée en 2007 (au fait
du scandale Sonatrach 2), “est représentée par un
agent local, du nom de Harneys Corporate
Services Limited, qui lui fournit une adresse et une boîte aux lettres, comme
il est d’usage dans les paradis fiscaux”.
Global Watch Analysis rapporte que la filiale de Sonatrach aux îles Vierges britanniques ressemble à une
société-écran. Elle est enregistrée dans les îles Vierges britanniques, “mais
n’emploie aucun personnel et n’effectue aucune opération sur place”. Comme
révélé dans les Panama Papers, cette filiale de Sonatrach disposait, jusqu’à ces dernières années, de
quatre comptes bancaires.
C’est ainsi
que, révèle Global Watch Analysis, qui publie les
fac-similés des comptes de la société, en décembre 2012, le premier compte,
domicilié chez HSBC, était crédité de 923 millions de dollars ; le deuxième,
chez Barclays, était doté de 1,32 million de dollars ; le troisième, chez VP
Bank, était crédité de 549 mille dollars ; le quatrième, chez Crorebridge Bank Ltd, contenait 215 000 dollars. Nous
n’avons pas pu obtenir des éclairages de Sonatrach
sur le sujet ; nos tentatives se sont révélées vaines.