CULTURE- PERSONNALITES – KELTOUM
Première actrice
algérienne, figure et doyenne du théâtre et de cinéma, Keltoum,
de son vrai nom Aïcha Adjouri, est née le 4 février
1916 à Blida. Elle avait été, dès son très jeune âge attirée par la danse et le
théâtre. C’est Mahieddine Bachtarzi
qui la découvrit à Blida en 1935 et lui offrit sa chance. En dépit des préjugés
de sa famille, Keltoum ne la laissa point échapper.
En 1937, elle donne la réplique à Rachid Ksentini
dans «Mariage par téléphone» et sera à l’affiche de la plupart des spectacles
des fameuses tournées Mahieddine en Algérie, au
Maghreb et en Europe. Dans le même creuset qui a vu l’émergence de la musique
et du théâtre algérien au siècle dernier, les spectacles de cabaret prenaient
souvent le relai du théâtre, notamment lorsque l’autorisation de se produire
était refusée ou que certains spectacles étaient tout simplement frappés
d’interdiction par le colonialisme.
Une grande tournée en France et en Belgique ne tarda pas à prouver tant au
directeur de la troupe qu’à l’artiste qu’ils ne s'étaient point trompés. Liège,
Paris, Bruxelles, Anvers, Lyon, Marseille l’applaudirent. A Nice, elle dansa,
un soir, devant 20 000 personnes, au jardin Albert-1er. C’est au cours d’une
tournée au Maroc qu’elle affirmera son talent de comédienne. Elle devait
ensuite créer de nombreuses pièces, soit aux côtés de Bachtarzi,
soit avec Rachid Ksentini ou Habib Réda. L’aventure
de la première saison arabe de l’Opéra d’Alger eut lieu 1947. Membre de la
troupe arabe de l’Opéra d’Alger à sa création sous la direction de Bachtarzi, aux côtés de nombreuses étoiles dont Mohammed Touri, Djelloul Bachdjerrah, Réda Falaki et
Mustapha Kateb, elle interrompt ses activités en 1956. Depuis, c’est à Keltoum que furent confiés les principaux rôles féminins
qu’il s’agisse de comédie ou de tragédie. La radiodiffusion en langue arabe la
compta parmi ses pensionnaires les plus écoutés. Le cinéma ne pouvait manquer
de l’attirer. Elle y fit ses débuts dans «La Septième porte». C’est au moment où
elle s’apprêtait à signer de nouveaux contrats qu’un incident (à la suite d’une
dépression nerveuse, Keltoum se précipita dans le
vide du haut de sa villa de Bologhine et se fractura
les vertèbres) vint interrompre, le 30 mai 1951, sa carrière…, mais pas pour
longtemps. En 1952, elle reprit son rôle de Desdémone
dans «Othello», la fameuse pièce de William Shakespeare, traduite en arabe par
Ahmed Toufik EI-Madani. Keltoum arrêta ses activités
artistiques en 1956, et ne reprit qu’en 1963 avec le théâtre national d’Alger
(TNA) jusqu’à sa retraite. Son vrai premier rôle, elle le joua dans la pièce de
Bachtarzi «Mariage par téléphone», en compagnie de
Rachid Ksentini. Elle joua tout à fait par hasard
dans un film allemand, en 1945, mais sa carrière cinématographique ne
commencera que vingt ans plus tard, en 1965, avec «Le vent des Aurès» de
Mohammed Lakhdar-Hamina
dans lequel elle incarne magistralement le rôle d’une mère qui cherche
désespérément son fils raflé par l’armée française pendant la guerre. Interprétant
plus de soixante-dix pièces de théâtre et dans au moins une vingtaine de films,
elle enregistra cinq disques avant 1962 à l’exemple «Ya ouled
El Ourbane» et «Ahd Thnine».
Keltoum arrêta de chanter après la naissance de son
enfant en 1954. Depuis 1981, elle n’a pas eu la possibilité de camper un rôle
et quand, en 1987, Fouzia Aït El Hadj l’appelle pour jouer dans «La mort d’un
commis voyageur», huit jours avant la « générale » de la pièce, on lui signifia
sa mise à la retraite. Elle fut choquée par cette décision, elle qui croyait
encore être pleine de ressources et rappelait à juste titre qu’elle ne vécut
avec sa famille que 13 ans alors qu’elle avait passé 50 ans au théâtre. Elle a
également fait des incursions au cinéma où elle fut à l’affiche de la «Septième
porte» du cinéaste français André Swobada. Le film a
été tourné en 1946 à Fès (Maroc) avec, dans les rôles principaux de Leila et
Ali, d’une part, Maria Casarès et Georges Marchal pour la version française et,
d’autre part, Keltoum et Bechir
Gabsi pour la version arabe.
Interrogé, Mohamed Lakhdar-Hamina
confiera que c’est sur recommandation d’André Swobada
qu’il a rencontré et choisi Keltoum pour le Vent des
Aurès. Elle jouera encore dans Hassan Terro (1968),
Décembre (1972) et «Chronique des années de braise» (1974) du même réalisateur,
puis dans les Déracinés (Beni Hendel)
de Lamine Merbah (1976), «Le Vent du sud» (Rih el-djanoub, 1975) et «Hassan Taxi» (1982) de Mohamed Slim Riad, «Les Folles années du twist» de Mahmoud Zemmouri (1986) ou encore «Hassan Niya»
de Ghaouti Bendedouche
(1989). Elle fit une dernière apparition aux côtés de Rouiched
dans El «Bouwaboune» (les concierges) en 1991.
Doyenne du théâtre et du cinéma en Algérie, Keltoum
s’est vue consacrer un hommage en mars 2010 à l’initiative de l’association des
Cinéastes Lumières. Malade, elle n’avait pu être présente à la cérémonie. Keltoum est décédée le 11 novembre 2010 à Alger à l’âge de
94 ans et a été inhumée au cimetière d’El Alia.