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Mohamed Touri

Date de création: 29-04-2020 17:44
Dernière mise à jour: 29-04-2020 17:44
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CULTURE- THÉÂTRE – MOHAMED TOURI

  Soixante ans après sa mort, à la fin du mois d’avril 1959, suite aux tortures qu’il a subies dans les geôles françaises, le grand comédien, Mohamed Touri, ravit toujours ses fans à chaque rediffusion de ses sketchs par la télévision.

 Le comédien nous fait encore rire. Son sketch «Bkhour ya bkhour» est l’un des plus célèbres, la télévision le rediffuse d’ailleurs à certaines occasions. Né le 9 novembre 1914 à Blida, Mohamed Touri, de son vrai nom Besnassi Mohamed, est l’un des plus grands comiques de l’histoire de l’Algérie. Issu d’une famille conservatrice, il débuta par M’sid Ellouha (l’école coranique) chez cheikh Berboucha dans la ville des Roses et alla se perfectionner à Constantine au niveau de la medersa dirigée par l’association des oulémas. Touri ne pouvait rater sa carrière de comique.  

En effet, le jeune Blidéen avait toutes les qualités d'artiste et avait des dons pour faire rire son entourage. Sa grande taille, ses longs bras et son don de l’improvisation ont fait de lui l’un des artistes les plus aimés de son époque. 

À 14 ans, il adhéra à l’association El Amel des Scouts.  Cette troupe avait été créée par Moussa Kheddioui, le père fondateur de toutes les associations blidéennes, au début du siècle dernier. 

  Le jeune Touri se fit remarquer au sein de ce groupe mais voulut persévérer et apprendre sérieusement le métier d’artiste.  Pour cela, il rejoignit l’association El Hayat que dirigeait le grand maître de la musique andalouse, Mahieddine Lakhal.  C’est là qu’il fera connaissance avec des professionnels tels que Dahmane Benachour et Benguergoura. À cette période, Blida était l’une des villes les plus actives en matière d’art. Mustapha Bentchoubane suivit la voie de Rachid Ksentini, le comédien algérien le plus doué de tous les temps.  La concurrence était rude car à Alger d’autres comédiens allaient monter sur scène. Rouiched faisait ses débuts dans la troupe Réda Bey -dirigée par Mahboub Stambouli- en jouant son premier rôle dans le sketch «Dara fe square», alors que Sid Ali Houat dit Fernandel allait faire un tabac avec ses chansons «Balek metrig» et «Yemma merti ouana».

 Badreddine Bouroubi, qui est également un grand chanteur, compositeur et comédien comique, a fait partie de la troupe Réda Bey.  Durant la même période, Hassan Hassani avait aussi créé une troupe à Berrouaghia et se préparait à faire une entrée fracassante dans la capitale. 

 Passant au statut de professionnel, Mohamed Touri rejoindra la troupe de Bachtarzi qui lui ouvrira les portes du théâtre radiophonique parallèlement à sa participation aux tournées Mahieddine. Suivant la voie de KsentiniTouri se fera connaître pour ses rôles dans «Le boxeur», «Zâit»», Mâit ou Neggaz el hit» et «»Bouhadba dont certains textes auraient été écrits par lui. En 1942, Mohamed Touri décida, sur conseil de Rachid Ksentini, d’aller tenter sa chance à Alger, où l’ambition de monter sur le plancher scénique du grand théâtre de la capitale était soumise à une rude concurrence.                                       

Juste appréciation de l'interprétation remarquable d'un comédien qui s'était aguerri au contact des planches depuis des années aux côtés, notamment, de Fatma Rochdi et Mohamed El Kamel, après qu’il s’était confirmé dans son profil artistique de prédilection tout désigné du comique, pour ne pas dire tragi-comique. Autant dans la vie courante il se caractérisait par un ton naturel, triste, autant il apparaissait comme tel sur scène, renforçant souvent l’intensité dramatique de certaines scènes émouvantes. 

 

Le Buster Keaton algérien

 

Et quoiqu’il suscite les éclats de rire du public autour de lui, faisant crouler toute une salle, il n’esquissait jamais lui-même l’ombre d’un sourire. Après le débarquement des alliés durant la Seconde guerre mondiale et ses répercussions en Algérie, l’artiste fut contraint, comme tous ses égaux, à interrompre sa carrière artistique et dut reprendre son premier métier de maçon. Mais en 1946, délaissant la truelle, il entreprend une tournée au Maroc en compagnie de la future star Keltoum, s’offrant l’opportunité là-bas de se produire dans plusieurs pièces théâtrales, dont «Si El Houari», «El Hamel» et «Le champion». Mohamed Touri, qui fut arrêté auparavant en 1956 par les autorités coloniales et incarcéré à Serkadji pour ses principes nationalistes et ses contacts avec des membres influents du mouvement national jugés subversifs, ne pouvait, de ce fait, faire partie de cette troupe artistique du FLN, tout comme Hassan El Hassani, Tayeb Abou El Hassan, Mohamed Ouniche, et beaucoup d’autres artistes qui étaient soit en détention, soit montés au maquis. Ce qui expliquerait probablement pourquoi son nom ne figure pas dans la liste des trente-cinq membres de la troupe artistique du FLN du fait de son incarcération ; entre-temps, cette absence ne diminuant en rien le grand mérite du militantisme d’un tel artiste profondément voué à son peuple et à sa patrie. Mohamed Touri aura légué, auparavant, à la postérité, une vingtaine de pièces théâtrales, une douzaine de sketches humoristiques et quelques adaptations du répertoire universel qui l’ont confirmé dans son rôle de concepteur et interprète professionnel. Parmi ses représentations où il s’affirma avec brio, on pourra citer Le médecin malgré lui, adapté de l'œuvre de Molière, le sketch Bkhor ya bkhor, etc, et pour ce qui concerne ses nombreuses chansons satiriques, citons Bent El Youm, Flouss, Samba Sambatero, Ya Moul Dar, Debek et Debka, Bouhadba, etc. Suivant l’ordre chronologique des productions de Mohamed Touri, le professeur Bayoudh énumère dans son ouvrage les œuvres suivantes : Pourquoi tu es perdu», Au café, Mon bonheur, Docteur Allel, datant toutes de 1940 ; Hier et aujourd'hui, Salek ya Salek, adaptation de Molière en 1949 et Zat Zalamit en 1951 ; Boukricha, Le Bossu en 1953. Sorti très éprouvé des geôles colonialistes, Mohamed Touri ne survécut pas longtemps aux séquelles des terribles sévices endurés, il rendit l’âme le 29 avril 1959 et fut enterré le lendemain, le 30, dans d’émouvantes obsèques. Le vaillant artiste qui avait servi loyalement l’art et son pays n'avait alors que 45 ans, n’ayant pas eu l’opportunité de voir les lueurs de l’indépendance. Mohamed Touri repose au cimetière Sidi El Haloui de Blida, depuis le 30 avril 1959, la ville des Roses où une salle de spectacle porte son nom, en hommage à ce valeureux et noble artiste algérien, réputé de son vivant pour sa grande modestie et son dévouement pour son peuple et sa patrie. Une salle de spectacles porte son nom aussi à Blida.